Acte I
Ouverture
(Un bal masqué dans les appartements de la reine. Le théâtre représente un petit salon; deux portes latérales; deux au fond. Un canapé sur le premier plan. Au fond, adossoe à un des panneaux, une nche pendule. On entend dans le lointain un mouvement de boléro qui va toujours en augmentant.)
▼JULIANO▲
Pardon, mon cher ami… j'ai une danseuse qui m'attend…
Viens-tu dans la salle de bal?
▼HORACE▲
Non, j'aime mieux rester ici.
▼JULIANO▲
Avec elle?…
▼HORACE▲
Peut-être bien!
▼JULIANO▲
(qui sort en riand Alors, bonne chance)
▼HORACE▲
(seul)
Il se moque de moi, et il a raison!…
mais c'est qu'aujourd'hui tout me la rappelle…
c'est ici… qu'il y a un an, à cette même fête, dans ce petit salon…
je l'ai vue apparaître.
(Apercevant Angèle et Brigitte qui entrent,
elles portent des masques et dominos.)
Ah! cette taille, cette tournure… surtout… ce joli pied!…
▼ANGÈLE▲
(à Brigitte)
Tout est-il préparé?
▼BRIGITTE▲
C'est convenu, c'est dit!
▼ANGÈLE▲
La voiture à minuit nous attendra!…
▼HORACE▲
(sur le canapé, à part)
C'est elle!
▼ANGÈLE▲
(à Brigitte)
Et toi, songes-y bien!… au rendez-vous fidèle.
Dans ce salon à minuit!
▼BRIGITTE▲
À minuit!
▼HORACE▲
À minuit!
▼ANGÈLE▲
Un instant de retard, et nous serions perdues.
▼BRIGITTE▲
Je le sais bien!
▼ANGÈLE▲
Et rien que d'y penser me fait peur!
▼BRIGITTE▲
Allons, madame, allons, du cœur
Et dans la foule confondues en songeant au plaisir, oublions la frayeur!
▼ANGÈLE, BRIGITTE▲
O belle soirée!
Moment enchanteur!
Mon âme enivrée rêve le bonheur! (rep.)
▼HORACE▲
O douce soirée!
Moment enchanteur!
Mon âme enivrée renait au bonheur! (rep.)
▼ANGÈLE▲
Nous sommes seules!
▼BRIGITTE▲
(regardant du côté du canapé)
Non! un cavalier est là qui nous écoute!
▼ANGÈLE▲
(remettant vivemenr son masque)
O ciel!
(Horace s'est êtendu sur le canapê, a fermê les yeux et foint de dormir au moment où Brigitte le regarde.)
▼BRIGITTE▲
Rassurez-vous, madame,
Il dort!
▼ANGÈLE▲
Bien vrai?
▼BRIGITTE▲
Sans doute.
▼HORACE▲
(à part, les yeux fermês)
Et sur mon âme, profondément il dormira!
▼BRIGITTE▲
(le regardant sous le nez)
Il n'est vraiment pas mal'!
Regardez-le, madame!
▼ANGÈLE▲
(s'avançant)
Ah! grands Dieux!… c'est lui! . c'est Horace!
▼BRIGITTE▲
(étonnée)
Horace!…
▼ANGÈLE▲
Eh! oui, ce jeune cavatier qui nous protogea l'an dernier.
▼BRIGITTE▲
C'est possible… et j'aime à le croire.
▼ANGÈLE▲
Quoi! tu ne l'aurais pas reconnu?
▼BRIGITTE▲
Non vraiment. Je n'ai pas autant de mémoire que madame.
▼HORACE▲
(à part)
Ah! c'est charmant!
▼ANGÈLE, BRIGITTE▲
O belle soirée! Moment enchanteur!
Mon âme enivrée rêve le bonheur! (rep.)
▼HORACE▲
O douce soirée! Moment enchanteur!
Mon âme enivrée rena~t au bonheur! (rep.)
▼BRIGITTE▲
(regardant du côté du salon)
L'orchestre a donné le signal:
voici qu'à danser l'on commence, entrons dans la salle du bal.
▼ANGÈLE▲
(avec embarras, et regardant Horace)
Pas maintenant.
▼BRIGITTE▲
Pourquoi?
▼ANGÈLE▲
Je pense qu'à la fin de ia contredanse on sera moins remarquées… attendons!
▼BRIGITTE▲
(avec un peu d'impatience)
Si, comme vous voudrez; mais ici nous perdons un temps précieux.
▼ANGÈLE▲
Non, ma chère.
(lui montrant une porte)
D'ici l'on voit très bien.
▼BRIGITTE▲
C'est juste.
▼HORACE▲
(à pant)
O sort prospère!
▼ANGÈLE▲
(s'approchant d'Horace pendant que Brigitte n'est occupée que de ce qui se passe dans la salle de bal)
Ah! si j'osais… Non… non, jamais!
Le trouble et la frayeur dont mon âme est atteinte me disent que j'ai tort…
hélas! je le crains
bien.
Mais… mais… je puis du moins le regarder sans crainte…
Il dort! il dort! et n'en saura rien!
Non, non… jamais il n'en saura rien!
▼BRIGITTE▲
Entendez-vous ce joli boléro?
▼ANGÈLE▲
(à part et regardant Horace)
Mon Dieu! ce bruit nouveau va l'éveiller… le maudit boléro!
Je crains qu'il ne s'éveille à ces accords joyeux!
▼BRIGITTE▲
(riant)
On dirait qu'il sommeille, et n'en rêve que rnieux!
▼ANGÈLE▲
Non… non… quelle merveille! Il dort… il dort trés bien!
Mon Dieu! fais qu'il sommeille et qu'i! n'entende rien.
Je crains qu'il ne s'éveille à ces accords joyeux!
Oui, tout me le conseille, fuyons loin de ses yeux!
▼BRIGITTE▲
Ah! c'est une merveille, et je n'y conçois rien; vraiment,
quand il sommeille, ce monsieur dort très bien!
Bien loin qu'il ne stèveille à ces accords joyeux, on dirait, etc.
▼HORACE▲
(sur le canapé. soulevant sa tête de temps en temps)
Pendant que je sommeille, d'ici je vois très bien.
O suave merveille! quel bonheur est le mien!
Ah! loin que je m'éveiiie, fermons, fermons~les~yeux!
L'amour me le conseille: dormons pour être heureux!
(Brigitte retourne à la porte du bal, regarde le boléro et Angèle se rapproche du canapé.)
▼ANGÈLE▲
Ah! combien mon âme est émue!
▼HORACE▲
(sur le canapé, foignant de rêver)
À toi!… toulours à toi ma charmante inconnue!
▼ANGÈLE▲
En dormant il pense à moi!
Nul sentiment coupable en ces lieux ne m'anime
et pourtant y rester est mal…
Je le sens bien! Mais ce bouquet… je puis le lui laisser sans crime.
Il dort!… il dort!… il n'en saura rien!
Non! i! n'en saura jamais rien!
(Elle place son bouquet sur le canapé à côté orace puis elle s'éloigne vivement.)
▼ANGÈLE▲
Maudit boléro!
▼BRIGITTE▲
Le joli boléro!
▼ANGÈLE▲
Il va l'éveillor!
▼HORACE▲
Loin que je m'éveille, fermons les yeux.
▼ANGÈLE▲
Je crains qu'il ne s'éveille à ces accords joyeux!
▼BRIGITTE▲
On dirait qu'il sommeille et n'en rêve que mieux!
▼ANGÈLE▲
Oui, tout me le conseille, fuyons loin de ses yeux!
Je crains qu'il ne s'éveille à ces accords joyeux!
Mon Dieu! fais qu'il sommeille et qu'il n'entende rien!
▼BRIGITTE▲
Bien loin qu'il ne s'éveille à ces accords joyeux,
Ah! c'est une merveille, et je n'y conçois rien;
On dirait qu'il sommeille et n'en rêve que mieux!
▼HORACE▲
Ah! loin que je m'éveille fermons, fermons les yeux!
L'amour me le conseille: dormons pour être heureux!
Pendant que je sommeille d'ici je vois très bien.
(Prenant le bouquet qu'il cache dans son sein. Juliano entre de la salle du bal.)
▼JULIANO▲
Voilà le plus joli boléro que j'ai jamais dansé!
▼HORACE▲
(se levant brusquement et courant à lui)
Mon cher ami!
▼ANGÈLE▲
Il s'est réveillé!
▼HORACE▲
(bas à Juliano)
C'est mon inconnue!
▼JULIANO▲
Tu crois?
▼HORACE▲
Certainement! et le meurs d'envie de lui parler,
mais tant qu'elle sera avec sa compagne…
▼JULIANO▲
C'est-à-dire qu'il faudrait l'éloigner.
(On en tend une contredanse.)
Je vais l'inviter à danser
(Juliano s'approche de Brigitte.)
Beau masque, voulez-vous m'accepter pour cavalier?
▼BRIGITTE▲
Bien volontiers, Monsieur.
(Ils sortent. Horace arréte Angéle qui veut su/vre Brigitte.)
▼HORACE▲
Écoutez-moi Madame, un instant de grâce.
▼ANGÈLE▲
Pourquoi?
▼HORACE▲
Je vous adore.
▼ANGÈLE▲
Mais je ne suis pas libre.
▼HORACE▲
Ah! N'en parlez pas, car de douleur je mourrais,
mais dites-moi qui vous êtes?
▼ANGÈLE▲
Qui je suis?
Une fée, un bon ange qui partout suit vos pas,
dont l'amitié jamais ne change,
que l'on trahit sans qu'il se venge, et qui n'attend pas même,
hélas un amour qu'on ne lui doit pas!
Oui, je suis ton bon ange ton conseii, ton gardien,
et mon cœur en échange de toi n'exige rien, qu'un bonheur!…
un seul!… et c'est le tien!
Vous servant avec zèle ici-bas comme aux cieux.
Sans intérêt je suis fidèle,
et lorsqu'auprès d'une autre belie l'hymen aura comblé vos vœux,
là-bas je prierai pour vous deux!..
Car je suis ton bon ange, ton conseil, ton gardien, etc.
(Angèle sort du salon tandis que Juliano rentre seul par une autre porte.)
▼HORACE▲
Elle est partie, mais j'avais encore une heure à passer avec elle,
car c'est à minuit qu'elle doit partr.
▼JULIANO▲
En es-tu bien sûr?
▼HORACE▲
Oui Juliano, elle l'a dit devant moi… à sa compagne:
toutes deux se sont donné rendezvous ici,
et quand minuit sonnera à cette horIoge,
je la perds pour jamais.
▼JULIANO▲
Allons donc… nous ne pouvons pas le permettre.
(avançant l'aiguille de l'horloge, et la mettant à minuit moins quelques minutes)
▼HORACE▲
Que fais-tu donc?
▼JULIANO▲
Eh bien, j'avance pour elle l'heure de la retraite.
▼BRIGITTE▲
(sortant de la salle du bal)
Je ne l'aperÇois pas…
▼JULIANO▲
Puis1e vous rendre service, na belle signora?
▼BRIGITTE▲
Non monsieur, ce n'est pas vous que je cherche.
▼JULIANO▲
Et qui donc? Ah, un domino noir, peut-être?
▼BRIGITTE▲
Vous l'avez vu?
▼JULIANO▲
Oui, la signora était très agitée, puis regardant cette horloge,
elle s'est écriée…
▼BRIGITTE▲
Ah! Minuit! ah, mais ce n'est pas possible!
Et ce domino, cette dame, où est-elle?
▼JULIANO▲
Partie en courant!
▼BRIGITTE▲
Et sans m'attendre, mon Dieu!
Mais c'est impossible!… me laisser seule ainsi…
(sort)
▼JULIANO▲
Vraiment charmante… Ah, cette aiguille qu'il faut ramener sur ses pas.
(faisant retoumer l'aigu/lle à onze heures)
▼ELFORT▲
(entrant et prenant Juliano à part)
Mon ami, mon ami, j'étais tremblant de colère… mon femme était ici!
▼JULIANO▲
Pas possible, elle qui se disa~t malade?
▼ELFORT▲
Oui, je l'avais trouvée ici,
causant en tête-à-tête avec le seigneur Horace de Massarena.
▼JULIANO▲
Horace… vous vous êtes abusé.
▼ELFORT▲
Attendez donc, vous savez que milady était du sang des d'Olivarès.
▼JULIANO▲
Et bien?
▼ELFORT▲
Eh bien, cette inconnue, ce domino…
il avait brodé sur le coin du mouchoir à elle…
Ies armes d'Olivarès.
▼JULIANO▲
Quel éclat!
▼ELFORT▲
Alors, j'attendrai son retour, et demain, ce petit Horace que je détestais…
Adieu… je pars touf de suite.
(Il part.)
▼JULIANO▲
(seul)
Ciel… comment les sauver?
(apercevant Horace)
Ah! Arrive donc malheureux…
Ecoute, je ne te ferai pas de reproches… tu n'en savais rien…
▼HORACE▲
Que veux-tu dire?
▼JULIANO▲
Que la beauté mystérieuse qui t'intrigue depuis un an…
n'est autre que Lady Elfort.
▼HORACE▲
(avec désespoir)
Non, cela n'est pas, cela ne peut pas être.
▼JULIANO▲
Écoute… son mari est furieux et compte la surprendre…
il n'en sera rien… cherche milady… moi pendant ce temps,
j'emmène milord dans ma voiture…
je vais donner des ordres à mon cocher,
qui nous égarera… nous perdra… nous versera, s'il le faut…
Adieu, c'est peut-être un bras cassé qui me revient.
(Il sort)
▼HORACE▲
Ah, je n'en puis revenir… c'est la femme de milord.
▼ANGÈLE▲
(rentrant seule)
Horace!
▼HORACE▲
Fuyez, madame, tout est découvert!
Le comte Juliano m'a appris que votre mari savait tout.
▼ANGÈLE▲
Mon mari!
▼HORACE▲
Oui, Lord Elforf.
(Angèle rit.)
Vous riez… vous osez rire.
▼ANGÈLE▲
Oui vraiment, car je vous jure, monsieur,
que je ne suis pas mariée, et que je ne l'ai jamais été.
▼HORACE▲
Eh bien signora, il est une preu,ve qui ne me laisserait aucun doute…
▼ANGÈLE▲
Et laquelle?
▼HORACE▲
Ce serait d'accepter rna main.
▼ANGÈLE▲
Ah, Horace, je le voudrais, que je ne le pourrais pas…
▼HORACE▲
Et comment cela?
Parlez, quel destin est le nôtre?
Qui nous sépare?
Est-ce le rang ou la naissance…
▼ANGÈLE▲
Eh! non vraiment, ma naissance égale la vôtre.
▼HORACE▲
Alors, c'est ia fortune!… hélas!…
Je le vois, vous n'en avez pas.
Ni moi non plus!
Tant mieux, tant mieux! I'amour tient lieu de cela.
▼ANGÈLE▲
Eh! non, monsieur, je suis riche et beaucoup!
▼HORACE▲
Quoi! la naissance…
▼ANGÈLE▲
Eh, vraiment, oui,
▼HORACE▲
Et la richesse…?
▼ANGÈLE▲
Eh! vraiment, oui
▼HORACE▲
Chez elle tout est réuni!
Alors, quel obstacle peut naître! Prenez pitié de ma douleur.
Faut-il donc mourir sans connaître ce secret qui fait mon malheur?
Angèle Quel trouble en mon âme vient de naître!
Ah! j'ai pitié de sa douleur
Mais, hélas! il ne peut connaître ie secret qui fait mon malheur.
▼HORACE▲
De vous, hélas! que puisje attendre?
▼ANGÈLE▲
Mon amitié qui de loin vous suivra.
▼HORACE▲
Et d'un ami, de l'ami le plus tendre rien désormais ne vous rapprochera.
▼ANGÈLE▲
(soupirant)
Ah! mon Dieu, non.
▼HORACE▲
Ah! je vous supplie!
qu'une fois encore dans ma vie je puisse contempler vos traits.
Oh! que cet espoir me console… une fois!… une seule!
▼ANGÈLE▲
Eh bien! je le promets.
▼HORACE▲
Vous le jurez? Vous le jurez?
▼ANGÈLE▲
À ma parole je ne manque jamais.
▼HORACE▲
Vous le jurez? Vous le jurez?
▼ANGÈLE▲
(lui montrant la salle du bal)
J'entends la danse, et par prudence cessons, monsieur, cet entretien.
Le bal commence et de la danse le bruit fait qu'on n'entend plus rien
▼HORACE▲
Non, non, la danse ne peut, je pense, interrompre cet entretien.
Malgré la danse qui recommence je vous entends toujours très bien.
▼ANGÈLE▲
Cessons cet entretien, monsieur.
Profitez du temps, dans quelques instants,
rêves de plaisir vont s'évanouir.
J'entends la danse, etc.
▼HORACE▲
Non, non, la danse, etc.
Ainsi, de vous revoir vous me laissez l'espoir?
▼ANGÈLE▲
Une fois… je l'ai dit.
▼HORACE▲
Et comment le sauraije?
▼ANGÈLE▲
Le bon ange qui vous protoge vous l'apprendra, mais d'ici là du secret…
▼HORACE▲
Ah! jamais je ne parle à personne.
▼ANGÈLE▲
Des faveurs qu'on vous donne…
▼HORACE▲
Oui, quand l'on me donne.
Mais jusques à présent,
et vous-même en effet devez le reconnattre,
je ne peux pas être discret.
(tendrement, et s'approchant d'elle)
Faites que j'aie au moins quelque mérite à l'être.
▼ANGÈLE▲
J'entends la danse, etc.
▼HORACE▲
Non, non, la danse, etc.
(lls vont pour entrer dans la salle du bal à droite, et à la pendule de l'un des salons, on entend en dehors sonner minuit.)
▼ANGÈLE▲
(s'arrêtant)
O ciel! qu'entendsje?
(regardant l'horloge du fond)
Il me semble qu'il n'est pas encore l'heure…
et pourtant c'est minuit qui dans ce salon retentit.
▼HORACE▲
(voulant l'empêcher d'entendre)
C'est une erreur..
▼ANGÈLE▲
(entendant sonner dans le salon à gauche)
Eh! non!…
▼HORACE▲
C'est une erreur…
▼ANGÈLE▲
(entendant sonner dans un troisième salon)
Encore!… ah! tous ensemble!
Ah, c'en est fait de moi!..
Je meurs d'effroi!…
Et ma compagne, hélas!… ma compagne fidèle où la chercher?
où donc est-elle?
Comment la trouver à présent?
▼HORACE▲
(avec embarras)
Elle est… elle est partie.
▼ANGÈLE▲
O ciel ! sans m'attendre. . . et comment?
▼HORACE▲
(de même)
Par une ruse dont je m'accuse…
J'ai su, pour vous garder, !'éloigner en secret!
▼ANGÈLE▲
Ah! vous m'avez perdue!
▼HORACE▲
O mon Dieu! qu'aije fait?
▼ANGÈLEO▲
terreur qui m'accable!
Qu'aije fait, misérable!
À tous les yeux coupable, que vaisie devenir?
Qu'ai-je fait, misérable!
Que résoudre et que faire?
Au châtiment sévère nen ne peut me soustraire,
je n'ai plus qu'à mourir!
▼HORACE▲
O terreur qui m'accable!
Qu'ai-je fait, miserable!
C'est moi qui suis coupable. Comment la retenir?
Que résoudre et que faire?
À sa juste colère rien ne peut me soustraire, je n'ai plus qu'à mourir!
Qu'à moi du moins votre cœur se confie; si je peux réparer mes torts…
▼ANGÈLE▲
Jamais!… jamais!…
▼HORACE▲
Ah! je vous en supplie…
Laissez-moi par mon zèle expier mes forfaits,
laissez-moi vous défendre ou du moins vous conduire!
▼ANGÈLE▲
Non, je dois partir seule!…
▼HORACE▲
(la retenant)
Encore quelqùes instants!
▼ANGÈLE▲
Laissez-moi mièloigner, ou devant vous j'expire!
▼HORACE▲
Eh bien! je vous suivrai!
▼ANGÈLE▲
Non… je vous le défends. Ah! vous m'avez perdue!
▼HORACE▲
O mon Dieu, qu'ai-ie fait?
▼ANGÈLE▲
O terreur qui m'accable! etc.
▼HORACE▲
O terreur qui m'accable! etc.
(Elle s'éloigne malgré les efforts d'Horace pour la retenir Arrivée près de la porte, d'un signe de la main, elle lui défend de la suivre; Horace s'arrête. Elle remet son masque et s'éloigne.)
(seul)
Vous le voulezà cet arrêt terrible je me soumetsj'obeirai…
(après un instant de combat intérieur)
Non, non, c'est impossible
Quoi qu'il arrive, hélas! je la suivrai!
(Il s'elance sur ses pas et disparaît.)
Acte I
Ouverture
Un bal masqué dans les appartements de la reine. Le théâtre représente un petit salon; deux portes latérales; deux au fond. Un canapé sur le premier plan. Au fond, adossoe à un des panneaux, une nche pendule. On entend dans le lointain un mouvement de boléro qui va toujours en augmentant.
JULIANO
Pardon, mon cher ami… j'ai une danseuse qui m'attend…
Viens-tu dans la salle de bal?
HORACE
Non, j'aime mieux rester ici.
JULIANO
Avec elle?…
HORACE
Peut-être bien!
JULIANO
qui sort en riand Alors, bonne chance
HORACE
seul
Il se moque de moi, et il a raison!…
mais c'est qu'aujourd'hui tout me la rappelle…
c'est ici… qu'il y a un an, à cette même fête, dans ce petit salon…
je l'ai vue apparaître.
{Apercevant Angèle et Brigitte qui entrent,
elles portent des masques et dominos.}
Ah! cette taille, cette tournure… surtout… ce joli pied!…
ANGÈLE
à Brigitte
Tout est-il préparé?
BRIGITTE
C'est convenu, c'est dit!
ANGÈLE
La voiture à minuit nous attendra!…
HORACE
sur le canapé, à part
C'est elle!
ANGÈLE
à Brigitte
Et toi, songes-y bien!… au rendez-vous fidèle.
Dans ce salon à minuit!
BRIGITTE
À minuit!
HORACE
À minuit!
ANGÈLE
Un instant de retard, et nous serions perdues.
BRIGITTE
Je le sais bien!
ANGÈLE
Et rien que d'y penser me fait peur!
BRIGITTE
Allons, madame, allons, du cœur
Et dans la foule confondues en songeant au plaisir, oublions la frayeur!
ANGÈLE, BRIGITTE
O belle soirée!
Moment enchanteur!
Mon âme enivrée rêve le bonheur! rep.
HORACE
O douce soirée!
Moment enchanteur!
Mon âme enivrée renait au bonheur! rep.
ANGÈLE
Nous sommes seules!
BRIGITTE
regardant du côté du canapé
Non! un cavalier est là qui nous écoute!
ANGÈLE
remettant vivemenr son masque
O ciel!
Horace s'est êtendu sur le canapê, a fermê les yeux et foint de dormir au moment où Brigitte le regarde.
BRIGITTE
Rassurez-vous, madame,
Il dort!
ANGÈLE
Bien vrai?
BRIGITTE
Sans doute.
HORACE
à part, les yeux fermês
Et sur mon âme, profondément il dormira!
BRIGITTE
le regardant sous le nez
Il n'est vraiment pas mal'!
Regardez-le, madame!
ANGÈLE
s'avançant
Ah! grands Dieux!… c'est lui! . c'est Horace!
BRIGITTE
étonnée
Horace!…
ANGÈLE
Eh! oui, ce jeune cavatier qui nous protogea l'an dernier.
BRIGITTE
C'est possible… et j'aime à le croire.
ANGÈLE
Quoi! tu ne l'aurais pas reconnu?
BRIGITTE
Non vraiment. Je n'ai pas autant de mémoire que madame.
HORACE
à part
Ah! c'est charmant!
ANGÈLE, BRIGITTE
O belle soirée! Moment enchanteur!
Mon âme enivrée rêve le bonheur! rep.
HORACE
O douce soirée! Moment enchanteur!
Mon âme enivrée rena~t au bonheur! rep.
BRIGITTE
regardant du côté du salon
L'orchestre a donné le signal:
voici qu'à danser l'on commence, entrons dans la salle du bal.
ANGÈLE
avec embarras, et regardant Horace
Pas maintenant.
BRIGITTE
Pourquoi?
ANGÈLE
Je pense qu'à la fin de ia contredanse on sera moins remarquées… attendons!
BRIGITTE
avec un peu d'impatience
Si, comme vous voudrez; mais ici nous perdons un temps précieux.
ANGÈLE
Non, ma chère.
lui montrant une porte
D'ici l'on voit très bien.
BRIGITTE
C'est juste.
HORACE
à pant
O sort prospère!
ANGÈLE
s'approchant d'Horace pendant que Brigitte n'est occupée que de ce qui se passe dans la salle de bal
Ah! si j'osais… Non… non, jamais!
Le trouble et la frayeur dont mon âme est atteinte me disent que j'ai tort…
hélas! je le crains
bien.
Mais… mais… je puis du moins le regarder sans crainte…
Il dort! il dort! et n'en saura rien!
Non, non… jamais il n'en saura rien!
BRIGITTE
Entendez-vous ce joli boléro?
ANGÈLE
à part et regardant Horace
Mon Dieu! ce bruit nouveau va l'éveiller… le maudit boléro!
Je crains qu'il ne s'éveille à ces accords joyeux!
BRIGITTE
riant
On dirait qu'il sommeille, et n'en rêve que rnieux!
ANGÈLE
Non… non… quelle merveille! Il dort… il dort trés bien!
Mon Dieu! fais qu'il sommeille et qu'i! n'entende rien.
Je crains qu'il ne s'éveille à ces accords joyeux!
Oui, tout me le conseille, fuyons loin de ses yeux!
BRIGITTE
Ah! c'est une merveille, et je n'y conçois rien; vraiment,
quand il sommeille, ce monsieur dort très bien!
Bien loin qu'il ne stèveille à ces accords joyeux, on dirait, etc.
HORACE
sur le canapé. soulevant sa tête de temps en temps
Pendant que je sommeille, d'ici je vois très bien.
O suave merveille! quel bonheur est le mien!
Ah! loin que je m'éveiiie, fermons, fermons~les~yeux!
L'amour me le conseille: dormons pour être heureux!
Brigitte retourne à la porte du bal, regarde le boléro et Angèle se rapproche du canapé.
ANGÈLE
Ah! combien mon âme est émue!
HORACE
sur le canapé, foignant de rêver
À toi!… toulours à toi ma charmante inconnue!
ANGÈLE
En dormant il pense à moi!
Nul sentiment coupable en ces lieux ne m'anime
et pourtant y rester est mal…
Je le sens bien! Mais ce bouquet… je puis le lui laisser sans crime.
Il dort!… il dort!… il n'en saura rien!
Non! i! n'en saura jamais rien!
Elle place son bouquet sur le canapé à côté orace puis elle s'éloigne vivement.
ANGÈLE
Maudit boléro!
BRIGITTE
Le joli boléro!
ANGÈLE
Il va l'éveillor!
HORACE
Loin que je m'éveille, fermons les yeux.
ANGÈLE
Je crains qu'il ne s'éveille à ces accords joyeux!
BRIGITTE
On dirait qu'il sommeille et n'en rêve que mieux!
ANGÈLE
Oui, tout me le conseille, fuyons loin de ses yeux!
Je crains qu'il ne s'éveille à ces accords joyeux!
Mon Dieu! fais qu'il sommeille et qu'il n'entende rien!
BRIGITTE
Bien loin qu'il ne s'éveille à ces accords joyeux,
Ah! c'est une merveille, et je n'y conçois rien;
On dirait qu'il sommeille et n'en rêve que mieux!
HORACE
Ah! loin que je m'éveille fermons, fermons les yeux!
L'amour me le conseille: dormons pour être heureux!
Pendant que je sommeille d'ici je vois très bien.
Prenant le bouquet qu'il cache dans son sein. Juliano entre de la salle du bal.
JULIANO
Voilà le plus joli boléro que j'ai jamais dansé!
HORACE
se levant brusquement et courant à lui
Mon cher ami!
ANGÈLE
Il s'est réveillé!
HORACE
bas à Juliano
C'est mon inconnue!
JULIANO
Tu crois?
HORACE
Certainement! et le meurs d'envie de lui parler,
mais tant qu'elle sera avec sa compagne…
JULIANO
C'est-à-dire qu'il faudrait l'éloigner.
On en tend une contredanse.
Je vais l'inviter à danser
Juliano s'approche de Brigitte.
Beau masque, voulez-vous m'accepter pour cavalier?
BRIGITTE
Bien volontiers, Monsieur.
Ils sortent. Horace arréte Angéle qui veut su/vre Brigitte.
HORACE
Écoutez-moi Madame, un instant de grâce.
ANGÈLE
Pourquoi?
HORACE
Je vous adore.
ANGÈLE
Mais je ne suis pas libre.
HORACE
Ah! N'en parlez pas, car de douleur je mourrais,
mais dites-moi qui vous êtes?
ANGÈLE
Qui je suis?
Une fée, un bon ange qui partout suit vos pas,
dont l'amitié jamais ne change,
que l'on trahit sans qu'il se venge, et qui n'attend pas même,
hélas un amour qu'on ne lui doit pas!
Oui, je suis ton bon ange ton conseii, ton gardien,
et mon cœur en échange de toi n'exige rien, qu'un bonheur!…
un seul!… et c'est le tien!
Vous servant avec zèle ici-bas comme aux cieux.
Sans intérêt je suis fidèle,
et lorsqu'auprès d'une autre belie l'hymen aura comblé vos vœux,
là-bas je prierai pour vous deux!..
Car je suis ton bon ange, ton conseil, ton gardien, etc.
Angèle sort du salon tandis que Juliano rentre seul par une autre porte.
HORACE
Elle est partie, mais j'avais encore une heure à passer avec elle,
car c'est à minuit qu'elle doit partr.
JULIANO
En es-tu bien sûr?
HORACE
Oui Juliano, elle l'a dit devant moi… à sa compagne:
toutes deux se sont donné rendezvous ici,
et quand minuit sonnera à cette horIoge,
je la perds pour jamais.
JULIANO
Allons donc… nous ne pouvons pas le permettre.
avançant l'aiguille de l'horloge, et la mettant à minuit moins quelques minutes
HORACE
Que fais-tu donc?
JULIANO
Eh bien, j'avance pour elle l'heure de la retraite.
BRIGITTE
sortant de la salle du bal
Je ne l'aperÇois pas…
JULIANO
Puis1e vous rendre service, na belle signora?
BRIGITTE
Non monsieur, ce n'est pas vous que je cherche.
JULIANO
Et qui donc? Ah, un domino noir, peut-être?
BRIGITTE
Vous l'avez vu?
JULIANO
Oui, la signora était très agitée, puis regardant cette horloge,
elle s'est écriée…
BRIGITTE
Ah! Minuit! ah, mais ce n'est pas possible!
Et ce domino, cette dame, où est-elle?
JULIANO
Partie en courant!
BRIGITTE
Et sans m'attendre, mon Dieu!
Mais c'est impossible!… me laisser seule ainsi…
sort
JULIANO
Vraiment charmante… Ah, cette aiguille qu'il faut ramener sur ses pas.
faisant retoumer l'aigu/lle à onze heures
ELFORT
entrant et prenant Juliano à part
Mon ami, mon ami, j'étais tremblant de colère… mon femme était ici!
JULIANO
Pas possible, elle qui se disa~t malade?
ELFORT
Oui, je l'avais trouvée ici,
causant en tête-à-tête avec le seigneur Horace de Massarena.
JULIANO
Horace… vous vous êtes abusé.
ELFORT
Attendez donc, vous savez que milady était du sang des d'Olivarès.
JULIANO
Et bien?
ELFORT
Eh bien, cette inconnue, ce domino…
il avait brodé sur le coin du mouchoir à elle…
Ies armes d'Olivarès.
JULIANO
Quel éclat!
ELFORT
Alors, j'attendrai son retour, et demain, ce petit Horace que je détestais…
Adieu… je pars touf de suite.
Il part.
JULIANO
seul
Ciel… comment les sauver?
apercevant Horace
Ah! Arrive donc malheureux…
Ecoute, je ne te ferai pas de reproches… tu n'en savais rien…
HORACE
Que veux-tu dire?
JULIANO
Que la beauté mystérieuse qui t'intrigue depuis un an…
n'est autre que Lady Elfort.
HORACE
avec désespoir
Non, cela n'est pas, cela ne peut pas être.
JULIANO
Écoute… son mari est furieux et compte la surprendre…
il n'en sera rien… cherche milady… moi pendant ce temps,
j'emmène milord dans ma voiture…
je vais donner des ordres à mon cocher,
qui nous égarera… nous perdra… nous versera, s'il le faut…
Adieu, c'est peut-être un bras cassé qui me revient.
Il sort
HORACE
Ah, je n'en puis revenir… c'est la femme de milord.
ANGÈLE
rentrant seule
Horace!
HORACE
Fuyez, madame, tout est découvert!
Le comte Juliano m'a appris que votre mari savait tout.
ANGÈLE
Mon mari!
HORACE
Oui, Lord Elforf.
Angèle rit.
Vous riez… vous osez rire.
ANGÈLE
Oui vraiment, car je vous jure, monsieur,
que je ne suis pas mariée, et que je ne l'ai jamais été.
HORACE
Eh bien signora, il est une preu,ve qui ne me laisserait aucun doute…
ANGÈLE
Et laquelle?
HORACE
Ce serait d'accepter rna main.
ANGÈLE
Ah, Horace, je le voudrais, que je ne le pourrais pas…
HORACE
Et comment cela?
Parlez, quel destin est le nôtre?
Qui nous sépare?
Est-ce le rang ou la naissance…
ANGÈLE
Eh! non vraiment, ma naissance égale la vôtre.
HORACE
Alors, c'est ia fortune!… hélas!…
Je le vois, vous n'en avez pas.
Ni moi non plus!
Tant mieux, tant mieux! I'amour tient lieu de cela.
ANGÈLE
Eh! non, monsieur, je suis riche et beaucoup!
HORACE
Quoi! la naissance…
ANGÈLE
Eh, vraiment, oui,
HORACE
Et la richesse…?
ANGÈLE
Eh! vraiment, oui
HORACE
Chez elle tout est réuni!
Alors, quel obstacle peut naître! Prenez pitié de ma douleur.
Faut-il donc mourir sans connaître ce secret qui fait mon malheur?
Angèle Quel trouble en mon âme vient de naître!
Ah! j'ai pitié de sa douleur
Mais, hélas! il ne peut connaître ie secret qui fait mon malheur.
HORACE
De vous, hélas! que puisje attendre?
ANGÈLE
Mon amitié qui de loin vous suivra.
HORACE
Et d'un ami, de l'ami le plus tendre rien désormais ne vous rapprochera.
ANGÈLE
soupirant
Ah! mon Dieu, non.
HORACE
Ah! je vous supplie!
qu'une fois encore dans ma vie je puisse contempler vos traits.
Oh! que cet espoir me console… une fois!… une seule!
ANGÈLE
Eh bien! je le promets.
HORACE
Vous le jurez? Vous le jurez?
ANGÈLE
À ma parole je ne manque jamais.
HORACE
Vous le jurez? Vous le jurez?
ANGÈLE
lui montrant la salle du bal
J'entends la danse, et par prudence cessons, monsieur, cet entretien.
Le bal commence et de la danse le bruit fait qu'on n'entend plus rien
HORACE
Non, non, la danse ne peut, je pense, interrompre cet entretien.
Malgré la danse qui recommence je vous entends toujours très bien.
ANGÈLE
Cessons cet entretien, monsieur.
Profitez du temps, dans quelques instants,
rêves de plaisir vont s'évanouir.
J'entends la danse, etc.
HORACE
Non, non, la danse, etc.
Ainsi, de vous revoir vous me laissez l'espoir?
ANGÈLE
Une fois… je l'ai dit.
HORACE
Et comment le sauraije?
ANGÈLE
Le bon ange qui vous protoge vous l'apprendra, mais d'ici là du secret…
HORACE
Ah! jamais je ne parle à personne.
ANGÈLE
Des faveurs qu'on vous donne…
HORACE
Oui, quand l'on me donne.
Mais jusques à présent,
et vous-même en effet devez le reconnattre,
je ne peux pas être discret.
tendrement, et s'approchant d'elle
Faites que j'aie au moins quelque mérite à l'être.
ANGÈLE
J'entends la danse, etc.
HORACE
Non, non, la danse, etc.
lls vont pour entrer dans la salle du bal à droite, et à la pendule de l'un des salons, on entend en dehors sonner minuit.
ANGÈLE
s'arrêtant
O ciel! qu'entendsje?
regardant l'horloge du fond
Il me semble qu'il n'est pas encore l'heure…
et pourtant c'est minuit qui dans ce salon retentit.
HORACE
voulant l'empêcher d'entendre
C'est une erreur..
ANGÈLE
entendant sonner dans le salon à gauche
Eh! non!…
HORACE
C'est une erreur…
ANGÈLE
entendant sonner dans un troisième salon
Encore!… ah! tous ensemble!
Ah, c'en est fait de moi!..
Je meurs d'effroi!…
Et ma compagne, hélas!… ma compagne fidèle où la chercher?
où donc est-elle?
Comment la trouver à présent?
HORACE
avec embarras
Elle est… elle est partie.
ANGÈLE
O ciel ! sans m'attendre. . . et comment?
HORACE
de même
Par une ruse dont je m'accuse…
J'ai su, pour vous garder, !'éloigner en secret!
ANGÈLE
Ah! vous m'avez perdue!
HORACE
O mon Dieu! qu'aije fait?
ANGÈLEO
terreur qui m'accable!
Qu'aije fait, misérable!
À tous les yeux coupable, que vaisie devenir?
Qu'ai-je fait, misérable!
Que résoudre et que faire?
Au châtiment sévère nen ne peut me soustraire,
je n'ai plus qu'à mourir!
HORACE
O terreur qui m'accable!
Qu'ai-je fait, miserable!
C'est moi qui suis coupable. Comment la retenir?
Que résoudre et que faire?
À sa juste colère rien ne peut me soustraire, je n'ai plus qu'à mourir!
Qu'à moi du moins votre cœur se confie; si je peux réparer mes torts…
ANGÈLE
Jamais!… jamais!…
HORACE
Ah! je vous en supplie…
Laissez-moi par mon zèle expier mes forfaits,
laissez-moi vous défendre ou du moins vous conduire!
ANGÈLE
Non, je dois partir seule!…
HORACE
la retenant
Encore quelqùes instants!
ANGÈLE
Laissez-moi mièloigner, ou devant vous j'expire!
HORACE
Eh bien! je vous suivrai!
ANGÈLE
Non… je vous le défends. Ah! vous m'avez perdue!
HORACE
O mon Dieu, qu'ai-ie fait?
ANGÈLE
O terreur qui m'accable! etc.
HORACE
O terreur qui m'accable! etc.
Elle s'éloigne malgré les efforts d'Horace pour la retenir Arrivée près de la porte, d'un signe de la main, elle lui défend de la suivre; Horace s'arrête. Elle remet son masque et s'éloigne.
seul
Vous le voulezà cet arrêt terrible je me soumetsj'obeirai…
après un instant de combat intérieur
Non, non, c'est impossible
Quoi qu'il arrive, hélas! je la suivrai!
Il s'elance sur ses pas et disparaît.