ACTE TROISIÈME
PREMIER TABLEAU
Le cachot des maris récalcitrants. - Un cachot très étroit et très sombre. - Une lampe suspendue à la voûte. - Au premier plan, à droite et à gauche, deux gros anneaux scellés dans le mur supportent deux chaînes de fer; à l'extremité de ces chaînes, deux ceintures avec fermoir. - Un pilier à gauche. - Porte au fond, un peu vers la droite. - Devant le pilier, par terre, une botte de paille; près de la botte de paille, un escabeau.
SCÈNE PREMIÈRE
Un Vieux Prisonnier.
Au lever du rideau, la scène est vide. - Une trappe s'ouvre au milieu de la scène, et paraît le Vieux Prisonnier.
LE VIEUX PRISONNIER
Je suis en train de m'évader... y parviendrai-je? toute la question est là!
Avec fureur
Il y a douze ans que je suis enfermé dans cette prison...
Avec sentiment
il y a douze ans que je n'ai embrassé une femme... c'est bien long... Ces douze années de captivité, je les ai employées à percer le mur de mon cachot... avec un petit couteau que j'ai là... et j'ai pu arriver jusqu'ici...
Regardant autour de lui
Douze ans encore pour percer cet autre mur, et je serai libre... ne perdons pas une minute...
Au moment où il va attaquer le mur, on entend jouer par l'orchestre le motif des maris récalcitrants: le Vieux Prisonnier s'arrête.
J'entends du bruit, il me semble... rentrons vite... En matière d'évasion, l'on ne saurait montrer trop de prudence!
Il disparaît. La trappe se referme.
SCÈNE II
Piquillo, Panatellas, Don Pedro, Le Geôlier.
LE GEÔLIER
C'est ici, messieurs; nous sommes arrivés...
PANATELLAS
C'est ici le cachot des maris récalcitrants?
LE GEÔLIER
Oui, monseigneur.
DON PEDRO
Il est très propre.
LE GEÔLIER
Il est tout neuf, il n'a encore servi à personne.
PIQUILLO
Ainsi l'on me fourre en prison parce que je n'ai pas trouvé bon que ma femme...
PANATELLAS
On vous fourre en prison parce que vous avez été récalcitrant.
PIQUILLO
C'est que je disais... on me fourre en prison parce que je n'ai pas voulu me laisser faire... Eh bien... voilà de ces choses... je n'ai pas, quant à moi, d'opinions subversives, mais je suis obligé de vous le dire, messeigneurs, voilà de ces choses qui font comprendre les révolutions.
PANATELLAS
Oh! oh!
DON PEDRO
Qu'est-ce qu'il a dit?
PIQUILLO
Elles ne les excusent pas, mais elles les font comprendre.
PANATELLAS
Taisez-vous, mon ami.
DON PEDRO
N'aggravez pas votre position.
PANATELLAS
lui serrant la main
Au revoir, mon ami, au revoir.
PIQUILLO
Vous allez me laisser là, tout seul?
DON PEDRO
Il le faut bien, la fête continue là-haut...
PIQUILLO
La fête?...
PANATELLAS
Mais nous ne vous quitterons pas sans vous avoir dit ce que nous pensons de votre admirable conduite...
Couplets
DON PEDRO
Les maris courbaient la tête,
C'était l'usage à Lima;
Vous seul avez, âme honnête,
Osé crier: «Halte-là!...»
TOUS LES DEUX
Cette fureur généreuse
Est flatteuse
Pour la corporation!...
Recevez donc, Excellence,
L'assurance
De notre admiration.
PANATELLAS
Je vous croyais l'âme vile,
Je me trompais lourdemen
Vous n'êtes qu'un imbécile,
Je vous en fais compliment.
TOUS LES DEUX
Cette fureur généreuse
Est flatteuse
Pour la corporation!...
Recevez donc, Excellence,
L'assurance
De notre admiration.
Don Pedro et Panatellas lui donnent des poignées de main et se retirent. Alors le geôlier s'approche de Piquillo comme s'il voulait lui parler; ne trouvant rien à dire, il se contente de lui serrer la main avec effusion, essuie une larme et s'en va.
SCÈNE III
Piquillo, seul.
PIQUILLO
Il est ému... Qui ne le serait pas à l'aspect d'une pareille infortune?... Ces messieurs aussi étaient émus... ces messieurs qui viennent de sortir... Ce sont les mêmes qui, il y a une demi-heure, formaient le rond autour de moi et qui me chantaient:
Épouser la maîtresse,
La maîtresse du roi...
Avec orgueil
Maintenant, ils chantent sur un autre air... ça me prouve que je'ai reconquis la considération publique... C'est une consolation... malheuresuement, elle est insuffisante... comme la plupart des consolations, du reste...
Tout en examinant la paille de son cachot
La voilà donc, la couche de l'honnête homme... de la paille!... Je vais dormir sur la paille, tandis que, si j'avais été une canaille, je dormirais sous le duvet... Eh bien, voilà de ces choses... je ne veux pas dire de mal de la Providence, mais enfin voilà de ces choses…
Rondeau
On me proposait d'être infâme,
Je fus honnête... et me voilà!
Cela vous met la mort dans l'âme
De voir le monde comme il va...
Ma femme, avec tout ça, ma femme,
Qu'est-ce qu'elle peut fair' pendant c'temps-là?
Qu'est-ce qu'elle peut faire, la perfide,
- Je n'pensais pas du tout à ça, -
Pendant que, sur la paille humide,
Je geins et pousse des hélas!
Elle est près du roi, l'infidèle!...
Le roi lui dit ceci, cela,
Et qu'elle est belle, et qu'elle est belle,
Et patati et patata...
Baste! à quoi bon la jalousie
Quand on en est où me voilà!...
Il s'étend sur sa botte de paille.
Mieux vaut dormir: qui dort oublie...
Je n'sais pas trop qu'est-c' qu'a dit ça!...
J'ai toujours ce tourment dans l'âme,
Jamais le sommeil ne viendra...
Ma femme, ma petite femme,
Que fais-tu pendant ce temps-là?
Il s'endort, et, d'une voix éteinte:
Ma femme!... Avec tout ça ma femme
Qu'est-c' qu'ell' peut fair' pendant c'temps-là?
Il dort. Entrent la Périchole et le geôlier portant une torche.
SCÈNE IV
Piquillo, La Périchole, Le Geôlier.
LA PÉRICHOLE
Est-il lié de manière à ce que je puisse m'approcher de lui sans crainte?
LE GEÔLIER
Il n'est pas lié, madame; mais si vous y tenez, je puis le faire attacher à l'un de ces anneaux.
LA PÉRICHOLE
C'est inutile; mais tenez-vous là, et, au moindre cri, jetez-vous sur lui avec vos hommes!
LE GEÔLIER
Bien! madame.
Il sort.
SCÈNE V
Piquillo, La Périchole.
La Périchole s'approche de Piquillo et lui donne deux ou trois petits coups de pieds: Piquillo se borne d'abord à changer de position, puis il se réveille.
PIQUILLO
Qui va là? qui est là?
LA PÉRICHOLE
Moi!
PIQUILLO
Qui ça, toi?
LA PÉRICHOLE
La Périchole!
PIQUILLO
La Périchole!
LA PÉRICHOLE
Est-ce que tu ne t'attendais pas à me voir?
PIQUILLO
Je n'y comptais pas; je ne pouvais pas croire que tu aurais l'imprudence...
Retroussant ses manches
Mais, puisque tu l'as eue, cette imprudence...
Il se lève.
LA PÉRICHOLE
Eh bien?...
PIQUILLO
terrible
Tu vas voir!...
LA PÉRICHOLE
très tranquille
Un pas de plus, et j'appelle. Si j'appelle, le geôlier entre avec six de ses hommes; on se jette sur toi et l'on attache à l'un de ces deux anneaux... Maintenant, fais ce que tu voudras.
PIQUILLO
C'est sérieux, ce que tu dis là?
LA PÉRICHOLE
On ne peut plus sérieux.
PIQUILLO
C'est bon, alors!... Tu as été moins imprudente que je ne le supposais, voilà tout.
LA PÉRICHOLE
se rapprochant
Pas de bêtises, tu sais!...
PIQUILLO
C'est bon! je te dis... du moment que je ne serais pas le plus fort...
LA PÉRICHOLE
A la bonne heure!... Causons maintenant... Tu penses bien que je ne serais pas venue si je n'avais pas eu un motif.
PIQUILLO
Je le connais, ton motif.
LA PÉRICHOLE
Quel est-il, voyons?...
PIQUILLO
Femme de toutes les voluptés.
LA PÉRICHOLE
C'est possible, après?
PIQUILLO
Tu as tenu à être sûre que j'étais mal couché... Eh bien! sois satisfaite... je suis couché aussi mal qu'on peut l'être. La voilà, la couche de l'honnête homme!... c'est pour voir ça que tu es venue?
LA PÉRICHOLE
Non, ce n'est pas pour cela, mon ami.
PIQUILLO
Pourquoi, alors?
Duo
LA PÉRICHOLE
Dans ces couloirs obscurs, sous cette voûte sombre,
Piquillo, Piquillo, ne devines-tu pas
Quel but mystérieux m'a conduite dans l'ombre
Et vers ce noir cachot a dirigé mes pas.
PIQUILLO
Ce but mystérieux se devine aisément:
Tu viens pour te ficher de moi.
LA PÉRICHOLE
Non, cher amant,
Je viens pour te parler.
PIQUILLO
Pour cela seulement?
LA PÉRICHOLE
Oui, je t'assure,
Je te le jure!
Seulement pour cela, mon gentil Piquillo!..
PIQUILLO
Eh bien, soit! parlez-moi, comtess' de Tabago.
LA PÉRICHOLE
Tu veux bien?
PIQUILLO
Je veux bien.
LA PÉRICHOLE
Écoute alors, écoute et ne dis rien:
I
Tu n'es pas beau, tu n'es pas riche,
Tu manques tout à fait d'esprit;
Tes gestes sont ceux d'un godiche,
D'un saltimbanque dont on rit.
Le talent, c'est une autre affaire:
Tu n'en as guère, de talent...
De ce qu'on doit avoir pour plaire
Tu n'as presque rien, et pourtant...
PIQUILLO
Et pourtant?
LA PÉRICHOLE
Je t'adore, brigand, j'ai honte à l'avouer;
Je t'adore et ne puis vivre sans t'adorer.
II
Je ne hais pas la bonne chère...
On dînait chez ce vice-roi,
Tandis que toi, toi, pauvre hère,
Je mourais de faim avec toi!
J'en avais chez lui, de la joie;
J'en pouvais prendre tant et tant;
J'avais du velours, de la soie,
De l'or, des bijoux, et pourtant...
PIQUILLO
Et pourtant?...
LA PÉRICHOLE
Je t'adore, brigand, j'ai honte à l'avouer;
Je t'adore et ne puis vivre sans t'adorer.
PIQUILLO
C'est la vérité, dis?
LA PÉRICHOLE
C'est la vérité même.
PIQUILLO
Tu m'aimes?
LA PÉRICHOLE
Je t'aime!
PIQUILLO
O joie extrême!
LA PÉRICHOLE
Bonheur suprême!
ENSEMBLE
Et caetera, et caetera.
Felicità! felicità!
PIQUILLO
avec passion
Mon bonheur serait complet si
Je le goûtais ailleurs qu'ici.
LA PÉRICHOLE
Tu m'aimes?
PIQUILLO
Je t'aime!
LA PÉRICHOLE
O joie extrême!
PIQUILLO
Bonheur suprême!
ENSEMBLE
Et caetera, et caetera.
Felicità! felicità!
LA PÉRICHOLE
Mon Piquillo!
PIQUILLO
Tu m'aimes?
LA PÉRICHOLE
A ce point que la fortune m'est devenue insupportable dès que tu n'as plus été là pour la partager avec moi... J'ai tout quitté pour venir te retrouver, mon Piquillo!
PIQUILLO
O mon amante!
LA PÉRICHOLE
O mon amant!
PIQUILLO
Mais comment se fait-il, au fait, que tu aies pu venir?...
LA PÉRICHOLE
J'ai demandé l'autorisation au vice-roi.
PIQUILLO
Et il te l'a accordée?...
LA PÉRICHOLE
Il n'a rien à me refuser.
PIQUILLO
Eh là!...
LA PÉRICHOLE
Tu es bête!... s'il en est encore à ne rien me refuser, c'est que, moi, je lui ai tout refusé, moi!
PIQUILLO
Comment dis-tu ça?... s'il en est encore à ne te rien refuser, c'est que?...
LA PÉRICHOLE
C'est que, moi, je lui ai tout refusé... Tu ne comprends pas?...
PIQUILLO
Non.
LA PÉRICHOLE
Tu comprendras plus tard. Nous n'avons pas de temps à perdre... Tu vas être libre, mon Piquillo, tu vas être libre. J'ai gardé sur moi assez d'or et de pierreries pour corrompre tous les geôliers du monde... A moi, geôlier, à moi!...
Entre Don Andrès, le vice-roi, déguisé en geôlier: barbe hérissée, air féroce, énorme trousseau de clefs.
SCÈNE VI
Les Mêmes plus Don Andrès en geôlier.
Terzetto
DON ANDRÈS
Je suis le joli p'tit geôlier
A la belle barbe en broussaille:
On me dit quelqu'fois d'la tailler,
Mais moi, jamais je ne la taille.
En faisant sonner ses clefs
Et tin tin tin, et tin tin tin!
Sonnez, mes clefs, soir et matin!
TOUS LES TROIS
Et tin tin tin, et tin tin tin!
Chantez votre joyeux tin tin!
Sonnez, mes clefs, soir et matin.
Sonnez, ses clefs, soir et matin.
DON ANDRÈS
Aux prisonniers, d'un pas hâtif,
Je vais porter la nourriture;
Malgré mon air rébarbatif,
Je suis une bonne nature.
Agitant son gros trousseau de clefs
Et tin tin tin! et tin tin tin!
Sonnez, mes clefs soir et matin.
PIQUILLO
Il est fort bien!
LA PÉRICHOLE
Fort bien, vraiment!
PIQUILLO
Mignon, gentil, coquet, charmant.
LA PÉRICHOLE
Fringant, pimpant.
PIQUILLO
Et sémillant.
Reprise
Sonnez, mes clefs, soir et matin.
Sonnez, ses clefs, soir et matin.
Et tin tin tin, et tin tin tin!
LA PÉRICHOLE
Il est gentil! ça va aller tout seul... Venez un peu ici, petit geôlier.
DON ANDRÈS
Et tin tin tin, et tin tin tin!...
LA PÉRICHOLE
Qu'est-ce que c'est?
DON ANDRÈS
Et tin tin tin, et tin tin tin!
LA PÉRICHOLE
En voilà assez...
Lui montrant des diamants
Savez-vous ce que c'est que ça?
DON ANDRÈS
Parfaitement!... ce sont des diamants.
LA PÉRICHOLE
Qui sont à vous si vous consentez à favoriser son évasion.
PIQUILLO
Oh! dis donc... c'est beaucoup peut-être de lui donner tout ça... Enfin!...
DON ANDRÈS
Et si je consens à favoriser son évasion, qu'est-ce que vous ferez, vous?
LA PÉRICHOLE
Je partirai avec lui.
DON ANDRÈS
Avec lui!
PIQUILLO
Sans doute, avec moi, Don Alfonso Piquillo... Il est gentil, mais il est bête...
LA PÉRICHOLE
Oh! oui, qu'il est bête!
DON ANDRÈS
à part
Tu verras ça tout à l'heure, toi, si je suis bête!...
Haut
Eh bien, et ce vice-roi, ce pauvre vice-roi, vous le plantez là?
LA PÉRICHOLE
Net!
DON ANDRÈS
dissimulant son émotion
Il vous adore, pourtant!
LA PÉRICHOLE
Qu'est-ce que ça me fait?
DON ANDRÈS
Si vous l'aimiez, ça vous ferait quelque chose.
LA PÉRICHOLE
Oui, mais comme je ne l'aime pas...
DON ANDRÈS
Pas même un brin?
LA PÉRICHOLE
Pas une miette!
PIQUILLO
C'est moi qu'elle aime.
LA PÉRICHOLE
Oui, c'est lui... je l'aime! Il m'aime, nous nous aimons; nous voulons vivre l'un près de l'autre... et c'est sur vous, petit geôlier, que nous avons compté pour nous procurer cette satisfaction.
DON ANDRÈS
C'est sur moi que vous avez compté?
PIQUILLO
Oui, bon petit geôlier, c'est sur vous.
DON ANDRÈS
Eh bien, vous n'avez pas eu tort... car cette satisfaction, je vous la procurerai et plus complète que vous ne pouvez croire... A moi, vous autres!
Entrent des gardes.
PIQUILLO et LA PÉRICHOLE
Oh!
DON ANDRÈS
montrant les anneaux
La femme à gauche, l'homme à droite... ne faites pas de mal à la femme, mais vous bousculeriez un peu l'homme que je n'y verrais pas d'inconvénient.
On attache Piquillo à l'anneau de gauche, et la Périchole à l'anneau de droite.
Là, c'est bien, laissez-nous maintenant.
Les gardes sortent.
LA PÉRICHOLE
Don Andrès!...
PIQUILLO
Le vice-roi!...
DON ANDRÈS
Oui, le vice-roi, qui n'est pas aussi bête que vous le pensiez, monsieur... le vice-roi, à qui une minute a suffi pour se venger de vos dédains, madame... Vivre l'un près de l'autre, disiez-vous...
Eh bien! vous y êtes l'un près de l'autre... restez-y donc, et parlez-vous d'amour si cela vous fait plaisir.
PIQUILLO
Oui, tyran, nous nous en parlerons!
LA PÉRICHOLE
Nous nous en parlerons à ton nez et à ta barbe!
DON ANDRÈS
avec dignité, ôtant sa fausse barbe
Vous faites erreur, madame: cette barbe n'est pas à moi.
Trio
PIQUILLO
Roi pas plus haut qu'une botte!
Singe! nous nous adorons;
Marron sculpté! vil despote!
Entends-tu? nous nous aimons.
DON ANDRÈS
La jalousie et la souffrance
Déchirent mon coeur tour à tour;
J'ai la fortune et la puissance,
Tout cela ne vaut pas l'amour.
Ensemble
PIQUILLO et LA PÉRICHOLE
La jalousie et la souffrance
Déchirent son coeur tour à tour;
Il a tout, fortune et puissance,
Le gueux, mais il n'a pas l'amour.
Nous, nous avons l'amour!
DON ANDRÈS
La jalousie et la souffrance
Déchirent mon coeur tour à tour;
J'ai la fortune et la puissance,
Tout cela ne vaut pas l'amour.
Moi, je n'ai pas l'amour!
PIQUILLO
Oui, nous nous aimons,
Nous nous adorons...
Entends-tu, brigand?...
DON ANDRÈS
Ah! qu'elle est belle!
Il va vers la Périchole
PIQUILLO
Le bandit se rapproche d'elle!...
Veux-tu t'en aller! veux-tu t'en aller!
LA PÉRICHOLE
se défendant comme elle peut
Veux-tu t'en aller! veux-tu t'en aller!
DON ANDRÈS
à la Périchole
Tout bas laisse-moi te parler!
PIQUILLO
Que dit-il?
DON ANDRÈS
bas, à la Périchole
Si plus tard tu deviens raisonnable,
Si tu te montres plus traitable,
Fredonne un de ces airs que tu chantes si bien,
Je serai là!... Chut! ne me réponds rien?
LA PÉRICHOLE
Misérable!
PIQUILLO
Qu'est-ce qu'il t'a dit, le misérable?
Reprise de l'ENSEMBLE
PIQUILLO et LA PÉRICHOLE
La jalousie et la souffrance. etc.
DON ANDRÈS
La jalousie et la souffrance. etc.
Don Andrès sort à la fin du trio.
DON ANDRÈS
à la Périchole, en sortant, parlé
Je serai là.
Il reparaît: Piquillo saisit sa botte de paille et la lui jette. -- Piquillo et la Périchole restent seuls attachés en face l'un de l'autre à leurs anneaux de fer.
SCÈNE VII
La Périchole, Piquillo.
PIQUILLO
Qu'est-ce qu'il t'a dit, tout à l'heure, le vice-roi?
LA PÉRICHOLE
Quand ça?
PIQUILLO
Quand il t'a parlé bas.
LA PÉRICHOLE
Il ne m'a rien dit.
PIQUILLO
Pourquoi t'a-t-il parlé bas, alors? Quand on ne dit rien, on n'a pas besoin de parler bas.
LA PÉRICHOLE
Tu m'ennuies!... Tu vois que ça me crispe d'être attachée par le milieu du corps, et tu viens encore avec tes bêtes de questions...
PIQUILLO
En voilà une nuit de noces!... Car, enfin, en y pensant, c'est notre nuit de noces.
LA PÉRICHOLE
C'est vrai, pourtant!
PIQUILLO
Comme c'est agréable de la passer de cette façon-là!...
En riant
Heureusement que nous, pas bêtes...
LA PÉRICHOLE
Plaît-il, monsieur?
PIQUILLO
Rien... je sais ce que je veux dire... il semblerait que nous avions prévu ça, vraiment, il semblerait que nous avions prévu ça.
Musique à l'orchestre pendant que la trappe du Vieux Prisonnier s'ouvre très lentement.
LA PÉRICHOLE
Tais-toi!
PIQUILLO
Qu'est-ce qu'il y a?
LA PÉRICHOLE
Il me semble que j'entends...
PIQUILLO
Moi aussi...
SCÈNE VIII
Les Mêmes, Le Vieux Prisonnier.
LE VIEUX PRISONNIER
sortant de la trappe
Chut! chut!...
PIQUILLO et LA PÉRICHOLE
Qu'est-ce que c'est que ça?
LE VIEUX PRISONNIER
Taisez-vous!
PIQUILLO et LA PÉRICHOLE
Qu'est-ce que c'est que ça?
LE VIEUX PRISONNIER
Je vous apporte la liberté!
PIQUILLO et LA PÉRICHOLE
La liberté!
LE VIEUX PRISONNIER
J'ai mis douze ans à percer le mur de mon cachot avec ce petit couteau... Douze ans encore pour percer le mur de votre cachot à vous, et nous sommes libres!
PIQUILLO et LA PÉRICHOLE
Dans douze ans...
LE VIEUX PRISONNIER
Oui... ne perdons pas une minute.
LA PÉRICHOLE
Psstt! Dites donc, l'évadé, j'ai peut-être un moyen plus rapide... Vous l'avez sur vous, votre petit couteau?...
LE VIEUX PRISONNIER
Le voici.
LA PÉRICHOLE
Eh bien, servez-vous-en d'abord pour faire sauter un des anneaux de cette chaîne.
LE VIEUX PRISONNIER
A votre service!
Il saute sur la Périchole, et, avant de la délivrer, il l'embrasse avec fureur une demi-douzaine de fois.
LA PÉRICHOLE
se débattant
Eh bien! eh bien!...
PIQUILLO
Eh bien! qu'est-ce que c'est?... Voulez-vous bien!...
LE VIEUX PRISONNIER
Pardonnez-moi, il y avait douze ans!... il y avait douze ans, mon ami, il y avait douze ans...
délivrant la Périchole
Là, vous êtes libre.
LA PÉRICHOLE
A la bonne heure!
Le Vieux Prisonnier va délivrer Piquillo.
PIQUILLO
lui serrant la main
C'est bon! je ne vous en veux plus.
LA PÉRICHOLE
Maintenant, écoutez-moi. Le vice-roi m'a dit tout à l'heure...
PIQUILLO
Tu vois bien qu'il t'a dit quelque chose!
LA PÉRICHOLE
haussant les épaules
Le vice-roi m'a dit tout à l'heure que, si ça m'ennuyait trop de passer la nuit accrochée à cet anneau, je n'aurais qu'à chanter une des chansons que je chante si bien...
Avec modestie
Ce n'est pas moi qui parle, c'est le vice-roi.
LE VIEUX PRISONNIER
saluant cérémonieusement
Oh! madame!...
PIQUILLO
à part
C'est un homme du monde.
LA PÉRICHOLE
Il a dit qu'il serait là; que, lorsqu'il m'entendrait chanter, il reviendrait... alors, vous comprenez... Toi, Piquillo, tu vas te remettre près de ton mur, comme si tu étais toujours attaché; vous, bon vieillard, vous allez vous cacher derrière ce pilier... moi, je vais chanter... le vice-roi viendra, et, dès qu'il sera à portée...
LE VIEUX PRISONNIER
Nous sautons sur lui.
PIQUILLO
Nous le ficelons, nous lui chipons ses clés.
LA PÉRICHOLE
Et nous décampons... Y sommes-nous?
LE VIEUX PRISONNIER
Nous y sommes.
LA PÉRICHOLE
la tête tournée vers la porte
Je t'adore!... Si je suis folle,
C'est de toi!... Compte là-dessus...
Entre Don Andrès.
SCÈNE IX
Les Mêmes, Don Andrès.
DON ANDRÈS
Elle m'adore... j'ai bien entendu... elle m'adore, je puis compter là-dessus.
LA PÉRICHOLE
C'est vous, Don Andrès?
DON ANDRÈS
Oui, c'est moi. Eh bien, vous êtes devenue raisonnable?
LA PÉRICHOLE
Tout à fait raisonnable!
DON ANDRÈS
Et vous m'adorez?
LA PÉRICHOLE
Et je vous adore!...
PIQUILLO et LE VIEUX PRISONNIER
qui se sont rapprochés, jettent une corde autour du corps du vice-roi, l'emmènent près du pilier, l'y attachent solidement.
Tu vas voir comme elle t'adore, tu vas voir...
DON ANDRÈS
A moi!... à moi!... Mais je suis fou... il n'y a personne... on ne m'entendra pas!...
Une fois attaché
Ah! les femmes! les femmes!...
LA PÉRICHOLE
Tu as raison, Don Andrès, les femmes...
Sur le motif du second acte
Qu'est-c' qui, dans un tas d'circonstances,
Fait aux rois comme aux vice-rois
Commettre une foul' d'imprudences
Dont, plus tard, ils se mord'nt les doigts?...
Les femmes, il n'y a que ça, etc.
LES TROIS PRISONNIERS
Les femmes, il n'y a que ça, etc.
Tous les trois se sauvent.
DON ANDRÈS
seul, attaché au pilier
Eh bien! ils ont raison après tout. Les femmes, il n'y a que ça!... A moi! à moi! à moi!...
DEUXIÈME TABLEAU
Décor du premier acte.
SCÈNE PREMIÈRE
Berginella, Guadalena, Mastrilla, puis Piquillo, La Périchole, Le Vieux Prisonnier, puis Don Pedro, Panatellas et des Gardes.
Au lever du rideau, des passants se sauvent en courant. -- Mastrilla est au balcon, les deux autres cousines rangent les tables et les chaises.
MASTRILLA
Que se passe-t-il donc? tout le monde a peur, tout le monde se sauve...
BERGINELLA
On dit que trois prisonniers viennent de s'échapper.
GUADALENA
Et toutes les milices de la ville sont sur pied pour les rattraper... Oh!...
Entrent Piquillo, la Périchole et le Vieux Prisonnier.
BERGINELLA et GUADALENA
Piquillo!... La Périchole!...
PIQUILLO
Ne nous trahissez pas, mes bonnes demoiselles, ne nous trahissez pas!
LE VIEUX PRISONNIER
embrassant Guadalena
Il y avait douze ans...
Piquillo et la Périchole entraînent le Vieux Prisonnier; ils sortent par la droite. - Les Trois Cousines rentrent dans leur cabaret. - Paraît Don Pedro, l'épée à la main, suivi d'un peloton de soldats.
DON PEDRO et CHŒUR
En avant! en avant soldats!
Pressons le pas! pressons le pas!
DON PEDRO
D'un pied leger, d'un pas agile,
Visitant les moindres quartiers,
Nous parcourons toute la ville
Pour rattraper les prisonniers.
CHŒUR
Les bandits
Sont partis;
Tous les trois
A la fois
Ont pris la poudre d'escampette.
Furetons
Et cherchons,
Car il faut
Vite et tôt
Le découvrir dans leur cachette.
Donc en avant, d'un pas agile,
Par les quais et par les faubourgs;
Traquons-les dans toute la ville,
Suivons leurs tours et leurs détours!
Sur la fin du choeur, Panatellas entre à la tête d'une autre patrouille.
DEUXIÈME PATROUILLE
En avant! en avant soldats!
Pressons le pas! pressons le pas!
PANATELLAS
La foule nous suit, gouailleuse,
Et riant de notre embarras,
Nous chante de sa voix railleuse:
«L'attrap'ra!... l'attrap'ra pas!...»
CHŒUR
Les bandits
Sont partis, etc.
Après ce choeur, sortie des patrouilles et rentrée des Trois Cousines
LES TROIS COUSINES
Pauvres gens, où sont-ils?
Les voilà bien lotis!
C'est la faute à la Périchole:
Le satin, les atours,
Les bijoux, le velours!
Elle était grise, elle était folle!...
Mais, hélas! pauvre enfant!
La voilà maintenant
Plus malheureuse que naguère!
Profitons sagement
D'un tel enseignement,
N'ayons pas la tête légère.
MASTRILLA
Et si jamais notre doux maître,
Si notre doux maître, un jour,
Avait l'aplomb de se permettre
De nous parler se son amour...
BERGINELLA
Nous aurions bien plus de sagesse!
Et nous ferions, sur ma foi!
Avec beaucoup de politesse,
La révérance au vice-roi.
GUADALENA
Car, vrai, cela passe trop vite
Une fortune à la cour!
Le règne de la favorite
N'aura pas duré plus d'un jour!
Rentrent Don Pedro et Panatellas à la tête de leurs patrouilles. Derrière les patrouilles, le populaire.
Reprise générale
Les bandits
Sont partis, etc.
Entre le vice-roi suivi de ses pages.
SCÈNE II
Les Mêmes, Don Andrès.
DON ANDRÈS
Ils sont pris, n'est-ce pas?
DON PEDRO
Altesse!...
DON ANDRÈS
Ils sont pris?... ils sont arrêtés?...
PANATELLAS
On est sur leurs traces, Altesse, on est sur leurs traces.
DON ANDRÈS
Sur leurs traces... Ah! je la connais, celle-là, je sais ce que ça veut dire...
PANATELLAS
Mais, Altesse, ça veut dire...
DON ANDRÈS
Que vous n'avez rien trouvé, que vous ne savez rien... Ainsi, deux misérables auront osé porter la main sur ma personne sacrée; ils l'auront ficelée comme un saucisson, ma personne sacrée! puis ils se seront sauvés, en se moquant de moi... Et, quand je vous demande, à vous qui êtes gouverneur de ma ville de Lima, à vous qui êtes premier gentilhomme de ma chambre, si ces deux misérables sont arrêtés, vous pensez qu'il vous suffira de me répondre: «On est sur leurs traces, Altesse, on est sur leurs traces!...»
DON PEDRO
J'ai fouillé le palais, Altesse, et j'ai fouillé les bouges; j'ai fouillé les boutiques, j'ai fouillé les bazars, j'ai fouillé les bazars, j'ai fouillé les cabarets, j'ai fouillé les hôtels garnis, j'ai fouillé...
DON ANDRÈS
Et vous, Panatellas?..
PANATELLAS
Moi, Altesse, j'ai fouillé les habitants.
DON ANDRÈS
Et vous n'avez rien trouvé?
PANATELLAS
Pas grand'chose, Altesse.
DON ANDRÈS
Vous dites ça parce que vous avez peur que je vous demande ma part...
Avancez un peu, les trois cousines.
BERGINELLA
Altesse!...
DON ANDRÈS
Vous la connaissiez, vous, cette Périchole de malheur? vous le connaissiez, ce Piquillo?
MASTRILLA
Oui, Altesse, mais...
DON ANDRÈS
Vous les avez vus, sans doute?...
GUADALENA
troublée
Non... Altesse... non...
A ses cousines
N'est-ce pas que nous ne les avons pas vus?
DON ANDRÈS
Vous vous troublez, faites-y attention, les trois cousines!... Je vous ferai battre de verges, si vous ne me dites pas la vérité... Vous entendez, je vous ferai battre de verges après vous avoir fait préalablement déshabiller jusqu'à la ceinture.
LA FOULE
avec un murmure d'adhésion
Eh! eh!... Ah! ah!...
DON ANDRÈS
Ça vous amuse, ça, vous autres?
PANATELLAS
Dame! Altesse!...
DON ANDRÈS
Eh bien, ça n'aura pas lieu... En chasse, messieurs, en chasse!... Je rattraperai ceux qui m'ont ficelé, dussé-je, pour les rattraper, démolir la moitié de la ville! En chasse! en chasse!
PLUSIEURS VOIX
Les voilà! les voilà!
DON ANDRÈS
remontant
Qui ça?
DON PEDRO
remontant
La Périchole! Piquillo!
DON ANDRÈS
Piquillo, la Périchole!... Ils se livrent! à la bonne heure!
Entrent la Périchole et Piquillo, suivis du Vieux Prisonnier. -- Entrée absolument pareille à celle du premier acte. Ils ont repris leurs costumes de chanteurs ambulants avec les guitares en sautoir.
SCÈNE III
Les Mêmes, Piquillo, La Périchole, Le Vieux Prisonnier.
PIQUILLO
aux Trois Cousines
Vous permettez, n'est-ce pas?
LES TROIS COUSINES
effarées
Mais, très volontiers, très volontiers!
PIQUILLO
Merci, mes bonnes demoiselles... mes bonnes demoiselles, je vous remercie bien...
Tapis étendu, cahiers de chansons, soucoupe pour la quête
En voilà un public, hein? la Périchole!... il s'agit de nous distinguer.
LA PÉRICHOLE
Et il faut espérer que les gens qui nous écoutent seront généreux, très généreux.
DON ANDRÈS
Tu verras bien!
LA PÉRICHOLE
Y es-tu?
PIQUILLO
J'y suis.
LA PÉRICHOLE
La clémence d'Auguss...
DON ANDRÈS
flatté
Ça, c'est délicat!
LA PÉRICHOLE
La clémence d'Auguss... ou les Coupables récompensés quand ils auraient du être punis...
PIQUILLO
Complainte brillante, en trois couplets.
Don Andrès aperçoit le Vieux Prisonnier portant un basson.
DON ANDRÈS
Que vois-je! le marquis de Santarem!
Pour toute réponse, le marquis de Santarem attaque sur son basson la ritournelle de la complainte suivante.
Complainte
LA PÉRICHOLE
Écoutez, peup' d'Amérique,
De l'Espagne et du Pérou,
Écoutez... ça n'coût' qu'un sou!...
L'histoire très véridique.
De deux amants malheureux,
Qui finir'nt par être heureux.
ENSEMBLE
De deux amants malheureux,
Qui finir'nt par être heureux.
PIQUILLO
Le vice-roi, en colère
Les fit, pour certain' raison,
Mettre tous deux en prison;
Heureus'ment, ils s'évadèrent,
Grâce à un vieux prisonnier,
Qui du basson savait jouer.
ENSEMBLE
Grâce à un vieux prisonnier,
Qui du basson savait jouer.
LA PÉRICHOLE
On les traque, on les repince,
On va les percer de coups...
Mais ils tombent aux genoux,
Aux genoux de leur bon prince,
Qui les accable tous deux
Sous un pardon généreux!
ENSEMBLE
Qui les accable tous deux
Sous un pardon généreux!
LA PÉRICHOLE
à Piquillo
Et maintenant, laisse-moi faire la quête et laisse-moi la faire comme je l'entends.
A Don Andrès
Reprenez vos diamants, Altesse; tout ce que nous vous demandons, c'est de ne pas nous faire pendre.
PIQUILLO
Et de ne pas nous réclamer les quatre piastres... vous savez... pour notre mariage...
DON ANDRÈS
Don Andrès de Ribeira n'a pas pour habitude de reprendre ce qu'il a donné: gardez tout. Votre conduite me cause tant d'admiration, que, si je ne me retenais pas, je pleurerais comme une bête... Approchez, marquis de Santarem... Qu'aviez-vous donc fait pour être mis en prison?
LE VIEUX PRISONNIER
Je n'en sais rien.
DON ANDRÈS
C'est fâcheux: j'aurais aimé à vous le pardonner... Mais, puisque vous n'en savez rien... qu'on le reconduisse dans son cachot.
LE VIEUX PRISONNIER
Ça m'est égal: j'ai mon petit couteau.
DON ANDRÈS
Vous deux, vous êtes libres.
ENSEMBLE
Libres!
LA PÉRICHOLE
Et riches!... Tu vois, quand c'est moi qui fais la quête!...
PIQUILLO
O mon amante!
LA PÉRICHOLE
O mon amant!
Finale
PIQUILLO
Tous deux, au temps de peine et de misère,
Dans bien des cours avons chanté souvent.
LA PÉRICHOLE
Nous vous dirons, avec franchise entière,
Que c'est ici qu'on fait le plus d'argent.
PIQUILLO
Nous vous quittons... Ainsi que l'hirondelle,
Vers d'autres cieux nous prenons notre vol.
LA PÉRICHOLE
Mais en partant, reprenons de plus belle
Il grandira, car il est Espagnol!
ENSEMBLE
Il grandira, car il est Espagnol!
CHŒUR
Il grandira, car il est Espagnol!