ACTE TROISIÈME
Premier Tableau
(La chambre de Chimène. La nuit Une lampe brûle sur la table. Au fond, on aperçoit les jardins éclairés par la lune)
RIDEAU
(Chimène est assise, accablée, la tête dans les mains.)
▼CHIMÈNE▲
De cet affreux combat je sors l'âme brisée!
Mais enfin je suis libre
et je pourrai du moins
Soupirer sans contrainte
et souffrir sans témoins.
(avec un grand sentiment)
Pleurez! pleurez mes yeux! tombez triste rosée
Qu'un rayon de soleil ne doit jamais tarir!
S'il me reste un espoir,
c'est de bientôt mourir!
Pleurez toutes vox larmes! pleurez mes yeux!
(Elle pleure. Se redressant.)
Mais qui donc a voulu l'éternité des pleurs?
O chers ensevelis,
trouvez-vous tant de charmes
à léguer aux vivants d'implacables douleurs?
(Rêveuse)
Hélas! je me souviens, il me disait:
Avec ton doux sourire…
Tu ne saurais jamais conduire
Qu'aux chemins glorieux
ou qu'aux sentiers bénis!
(douloureux)
Ah! mon père! Hélas!
(Rodrigue paraît)
(Avec effroi)
Rodrigue! Toi! toi! dans cette demeure!
▼RODRIGUE▲
(doux et résigne)
Alors que je te laisse, ou devant que je meure
Une dernière fois j'ai voulu te revoir!
▼CHIMÈNE▲
(sombre)
Tu viens me reprocher l'éclat de ma colère!
Pourtant, je sais de toi comme on
fait son devoir!
▼RODRIGUE▲
(toujours loin d'elle)
De ce que tu peux faire
Je ne reproche rien!
Venant de toi, Chimène, tout est bien!
En vain tu seras cruelle,
Je garde à ton coeur fermé,
Reconnaissance éternelle
De m'avoir un jour aimé!
▼ENSEMBLE▲
O jours de première tendresse,
Même alors que vous n'êtes plus
En nous demeure votre ivresse,
Comme on reste ébloui de rayons
disparus!
▼CHIMÈNE▲
(émue)
Qui de nous deux,
Rodrigue, a la plus rude peine?
▼RODRIGUE▲
Celui-là qui n'a pas l'oubli de ses amours!
▼CHIMÈNE▲
Mais la gloire t'attend aux chemins
où tu cours!
▼RODRIGUE▲
Y devais-je courir en emportant ta haine!
▼CHIMÈNE▲
Va! je ne te hais point!
▼RODRIGUE▲
(Se rapprochant)
Tu le dois!
▼CHIMÈNE▲
Je ne puis! Hélas!
si d'un autre que toi
j'avais appris les larmes,
Mon âme aurait trouvé dans le bien de te voir
L'unique allégement qu'elle eût pu recevoir;
Mais quand c'est de toi seul
que viennent mes alarmes,
Mon faible coeur… se brise… à te vouloir
punir. Je demande ta vie…
et crains de l'obtenir!
▼RODRIGUE▲
(comme extasié)
Ô miracle d'amour!
▼CHIMÈNE▲
Ô comble de misères!
▼ENSEMBLE▲
Que de maux et de pleurs…
nous coûteront nos pères!
▼CHIMÈNE▲
(s'attendrissant de plus en plus)
Ah! Rodrigue, qui l'eût pensé?
▼RODRIGUE▲
Qui nous l'aurait dit… Chimène?
▼ENSEMBLE▲
Que la félicité prochaine
Aurait si loin de nous et si vite passé…
pour jamais!
▼CHIMÈNE▲
Ah! tais-toi! C'est assez de blasphèmes!
J'offense en t'écoutant
Et la tombe et le ciel!
Va-t-en! va-t-en! Ah!
▼RODRIGUE▲
(qui a reculé sous le geste et les paroles de Chimène)
Reçois donc mes adieux suprêmes!
Je vais mourir!
▼CHIMÈNE▲
(faisant un pas vers Rodrigue comme pour le retenir)
Mourir! Tu vas mourir! L'ennemi qui t'attend
est-il se redoutable…
Qu'il donne l'épouvante
à cette âme indomptable?
Ou n'as-tu de courage…
et d'élan, et d'ardeur…
Que pour frapper mon père
(avec des sanglots)
et me briser le coeur?
Tu vas mourir!
Quoi! faut-il que ce soit Chimène
qui t'engage a conserver des jours
qui lui sont un outrage!
Va! cours! vole au combat!
et qu'importent la rage…
Et le nombre… et l'instant… et le lieu!
Souviens-toi!
Sauve, tu l'as juré, ton pays et ton roi!
Sauve, tu l'as juré, ton pays et ton roi!
Te dirai-je encore plus?
(avec tendresse)
Si jamais je t'aimai, cher Rodrigue!
Si jamais, je t'aimai!
Va! songe à ta défense!
Pour forcer mon devoir
et m'imposer silence…
Reviens! reviens!
Reviens si grand!
reviens chargé de tants d'exploits
qu'on serait moins coupable
en contemplant ta gloire
d'oublier le passé que
d'en garder mémoire!
▼RODRIGUE▲
(extasié)
Pouvais-je le croire?
Dieu! elle pardonnerait!
▼CHIMÈNE▲
Ah! mon coeur tressaille encore!
Mais le Dieu que j'implore
Nous sépare à jamais!
▼RODRIGUE▲
Ô Dieu bon! Dieu bon! tu le permets!
Ah! son coeur tressaille encore
Pour celui qu'elle adore,
A jamais! son coeur tressaille encore!
(avec éclat)
Chimène! tu l'as dit: je reviendrai vainqueur!
▼CHIMÈNE▲
(éperdue)
Ah! qu'ai-je dit? Non! non!
je n'ai rien dit! rien! rien! rien!
Ah! pas d'oubli ni de pardon! Adieu! va-t-en!
Ces mots me font mourir de honte!
Ah! adieu!
(Elle s'enfuit)
▼RODRIGUE▲
Chimène! je reviendrai vainqueur!
(transfiguré)
Est-il quelque ennemi
qu'à présent je ne dompte?
Paraissez Navarrais, Maures et Castillans!
Et tout ce que l'Espagne
a nourri de vaillants!
Accourez par les mers, par les monts
et la plaine!
La terre est à Rodrigue,
et Rodrigue à Chimène!
Paraissez, Navarrais, Maures et Castillans!
RIDEAU
Deuxième Tableau
(Le camp de Rodrigue. A l'horizon: la mer C'est le soir - Des capitaines et de soldats navarrais et castillans boivent et chantent. A gauche sont accroupis des prisonniers, des prisonnières et des musiciens maures. Désordre très pittoresque.)
RIDEAU
▼CAPITAINES et SOLDATS▲
Vivons sans peur et sans remords!
L'Enfer est un mensonge…
et le ciel est un rêve!
Mais la terre est à nous!
Car nous sommes les forts!
Et notre droit c'est notre glaive!
Vivons sans peur et sans remords!
Du vin, de l'amour, de l'or!
Chaque jour fêtes nouvelles!
(Rodrigue paraît suivi d'un groupe de capitaines et de soldats)
▼RODRIGUE▲
(avec autorité, aux soldats que boivent)
Arrêtez!
Est-ce ainsi qu'à la honteuse ivresse
Vous employez le temps que le Seigneur
vous laisse pour vous préparer à la mort?
(Mouvement)
▼LES CAPITAINES et LES SOLDATS▲
(avec assurance)
La victoire est à nous!
▼RODRIGUE▲
Non! Une armée immense
S'étend autour de nous et
grandit et s'avance…
Contre elle il faut tenter
notre suprême effort!
▼SOLDATS▲
(1er Groupe)
Non! pourquoi résister?
partons avant l'aurore!
fuyons! fuyons!
▼RODRIGUE▲
Qui parle de s'enfuir?
▼SOLDATS▲
(2d groupe, pour Rodrigue)
Nous sommes avec toi!
▼RODRIGUE▲
Nous pouvons vaincre encore!
▼SOLDATS▲
(1er groupe)
Le sort est contre nous!
▼RODRIGUE▲
(avec élan)
On peut toujours mourir!
▼SOLDATS▲
(2d groupe)
Tu ne seras pas seul à l'instant redoutable!
Il en est parmi nous qui ne désertent pas!
▼SOLDATS▲
(1er groupe)
Combattre sans espoir est démence coupable!
Nous gardons notre sang pour de plus
sûrs combats!
▼RODRIGUE▲
Lâches! lâches! fuyez!
(Rodrigue d'un dernier geste chasse les fuyards, puis se tourne vers soldats. La nuit est venue peu à peu.)
Amis au coeur fidèle
Cherchez dans le repos
l'oubli de votre sort!
Que l'ange du sommeil effleure de son aile
Les fronts déjà promis à l'ange de la mort!
Moi! je veillerai!
(Les soldats s'éloignent. Les derniers appels des trompettes, se répondent puis s'éloignent , au loin dans le camp. Tout repose.)
Troisième Tableau
(La tente de Rodrigue)
▼RODRIGUE▲
(seul, avec un profond découragement)
Ah! tout est bien fini…
Mon beau rêve de gloire,
Mes rêves de bonheur S'envolent à jamais!
Tu m'as pris mon amour…
Tu me prends la victoire…
Seigneur, je me soumets!
O souverain, ô juge, ô père,
Toujours voilé, présent toujours,
Je t'adorais au temps prospère
Et te bénis aux sombres jours!
Je vais où la loi me réclame
Libre de tous regrets humains!
Ô souverain, ô juge, ô père,
Ta seule image est dans mon âme
Que je remets entre tes mains!
(Un lueur grandit peu à peu et se détache sur le fond de la tente. C'est l'image vivante de Saint Jacques le Major qui apparaît pendant que des voix célestes se font entendre)
▼VOIX DU CIEL▲
Ô souverain, ô juge, ô père!
Toujours voilé, toujours présent!
▼RODRIGUE▲
(extasié)
Ces voix! ces voix d'en haut!
la nuit s'éclaire!
▼SAINT JACQUES▲
Rodrigue!
▼RODRIGUE▲
Saint Jacques!
▼SAINT JACQUES▲
Jusqu'au ciel a monté ta prière!
▼RODRIGUE▲
Naguère, il a reçu ma foi!
Il m'entendait! il vient à moi! à moi!
Ô souverain ô juge, ô père!
Ta seule image est dans mon âme
que je remets entre tes mains
Ô souverain ô juge, ô père!
▼SAINT JACQUES▲
Qui donne le fardeau prête aussi le soutien…
Et je l'apporte au fils,
au soldat, au chrétien!
▼VOIX DU CIEL▲
Ô souverain ô juge, ô père!
Tu seras vainqueur! Va! Va! Va!
▼SAINT JACQUES▲
(répétant, comme en extase)
Tu seras vainqueur!
(La vision disparaît.)
▼RODRIGUE▲
(avec égarement)
La vision s'efface!
(comme transfiguré)
Ah! le souffle d'en haut a passé sur ma face!
Dieu m'a parlé!
(La fondre éclate, le tonnerre gronde avec force. La tente s'engloutit )
Quatrième Tableau
(Le camp - La bataille Lever du jour. Les soldats accourent par groupes. Les fanfares se rapprochent. Rodrigue. Soldats.)
▼SOLDATS▲
Alerte, amis, aux armes!
Aux armes! Nous somme prêts!
mourons en combattant!
▼RODRIGUE▲
(à l'armée)
Dieu m'a parlé! Compagnons!
plus d'alarmes!
▼LES SOLDATS▲
Nous sommes prêts! mourons!
▼RODRIGUE▲
C'est le triomphe, et non la mort
qui nous attend!
(Il tire son épée; tous l'imitent)
▼RODRIGUE ET LES SOLDATS▲
O noble lame étincelante,
Pure comme un regard d'enfant!
Combats, gardienne vigilantes,
Et fais l'honneur seul triomphant!
Dans les batailles nouvelles
Tressaille encore à sa clarté!
Mais sois de flamme. et prends des ailes.
Pour l'Espagne et sa liberté!
En avant! en avant! en avant!!!
RIDEAU
ACTE TROISIÈME
Premier Tableau
(La chambre de Chimène. La nuit Une lampe brûle sur la table. Au fond, on aperçoit les jardins éclairés par la lune)
RIDEAU
(Chimène est assise, accablée, la tête dans les mains.)
CHIMÈNE
De cet affreux combat je sors l'âme brisée!
Mais enfin je suis libre
et je pourrai du moins
Soupirer sans contrainte
et souffrir sans témoins.
(avec un grand sentiment)
Pleurez! pleurez mes yeux! tombez triste rosée
Qu'un rayon de soleil ne doit jamais tarir!
S'il me reste un espoir,
c'est de bientôt mourir!
Pleurez toutes vox larmes! pleurez mes yeux!
(Elle pleure. Se redressant.)
Mais qui donc a voulu l'éternité des pleurs?
O chers ensevelis,
trouvez-vous tant de charmes
à léguer aux vivants d'implacables douleurs?
(Rêveuse)
Hélas! je me souviens, il me disait:
Avec ton doux sourire…
Tu ne saurais jamais conduire
Qu'aux chemins glorieux
ou qu'aux sentiers bénis!
(douloureux)
Ah! mon père! Hélas!
(Rodrigue paraît)
(Avec effroi)
Rodrigue! Toi! toi! dans cette demeure!
RODRIGUE
(doux et résigne)
Alors que je te laisse, ou devant que je meure
Une dernière fois j'ai voulu te revoir!
CHIMÈNE
(sombre)
Tu viens me reprocher l'éclat de ma colère!
Pourtant, je sais de toi comme on
fait son devoir!
RODRIGUE
(toujours loin d'elle)
De ce que tu peux faire
Je ne reproche rien!
Venant de toi, Chimène, tout est bien!
En vain tu seras cruelle,
Je garde à ton coeur fermé,
Reconnaissance éternelle
De m'avoir un jour aimé!
ENSEMBLE
O jours de première tendresse,
Même alors que vous n'êtes plus
En nous demeure votre ivresse,
Comme on reste ébloui de rayons
disparus!
CHIMÈNE
(émue)
Qui de nous deux,
Rodrigue, a la plus rude peine?
RODRIGUE
Celui-là qui n'a pas l'oubli de ses amours!
CHIMÈNE
Mais la gloire t'attend aux chemins
où tu cours!
RODRIGUE
Y devais-je courir en emportant ta haine!
CHIMÈNE
Va! je ne te hais point!
RODRIGUE
(Se rapprochant)
Tu le dois!
CHIMÈNE
Je ne puis! Hélas!
si d'un autre que toi
j'avais appris les larmes,
Mon âme aurait trouvé dans le bien de te voir
L'unique allégement qu'elle eût pu recevoir;
Mais quand c'est de toi seul
que viennent mes alarmes,
Mon faible coeur… se brise… à te vouloir
punir. Je demande ta vie…
et crains de l'obtenir!
RODRIGUE
(comme extasié)
Ô miracle d'amour!
CHIMÈNE
Ô comble de misères!
ENSEMBLE
Que de maux et de pleurs…
nous coûteront nos pères!
CHIMÈNE
(s'attendrissant de plus en plus)
Ah! Rodrigue, qui l'eût pensé?
RODRIGUE
Qui nous l'aurait dit… Chimène?
ENSEMBLE
Que la félicité prochaine
Aurait si loin de nous et si vite passé…
pour jamais!
CHIMÈNE
Ah! tais-toi! C'est assez de blasphèmes!
J'offense en t'écoutant
Et la tombe et le ciel!
Va-t-en! va-t-en! Ah!
RODRIGUE
(qui a reculé sous le geste et les paroles de Chimène)
Reçois donc mes adieux suprêmes!
Je vais mourir!
CHIMÈNE
(faisant un pas vers Rodrigue comme pour le retenir)
Mourir! Tu vas mourir! L'ennemi qui t'attend
est-il se redoutable…
Qu'il donne l'épouvante
à cette âme indomptable?
Ou n'as-tu de courage…
et d'élan, et d'ardeur…
Que pour frapper mon père
(avec des sanglots)
et me briser le coeur?
Tu vas mourir!
Quoi! faut-il que ce soit Chimène
qui t'engage a conserver des jours
qui lui sont un outrage!
Va! cours! vole au combat!
et qu'importent la rage…
Et le nombre… et l'instant… et le lieu!
Souviens-toi!
Sauve, tu l'as juré, ton pays et ton roi!
Sauve, tu l'as juré, ton pays et ton roi!
Te dirai-je encore plus?
(avec tendresse)
Si jamais je t'aimai, cher Rodrigue!
Si jamais, je t'aimai!
Va! songe à ta défense!
Pour forcer mon devoir
et m'imposer silence…
Reviens! reviens!
Reviens si grand!
reviens chargé de tants d'exploits
qu'on serait moins coupable
en contemplant ta gloire
d'oublier le passé que
d'en garder mémoire!
RODRIGUE
(extasié)
Pouvais-je le croire?
Dieu! elle pardonnerait!
CHIMÈNE
Ah! mon coeur tressaille encore!
Mais le Dieu que j'implore
Nous sépare à jamais!
RODRIGUE
Ô Dieu bon! Dieu bon! tu le permets!
Ah! son coeur tressaille encore
Pour celui qu'elle adore,
A jamais! son coeur tressaille encore!
(avec éclat)
Chimène! tu l'as dit: je reviendrai vainqueur!
CHIMÈNE
(éperdue)
Ah! qu'ai-je dit? Non! non!
je n'ai rien dit! rien! rien! rien!
Ah! pas d'oubli ni de pardon! Adieu! va-t-en!
Ces mots me font mourir de honte!
Ah! adieu!
(Elle s'enfuit)
RODRIGUE
Chimène! je reviendrai vainqueur!
(transfiguré)
Est-il quelque ennemi
qu'à présent je ne dompte?
Paraissez Navarrais, Maures et Castillans!
Et tout ce que l'Espagne
a nourri de vaillants!
Accourez par les mers, par les monts
et la plaine!
La terre est à Rodrigue,
et Rodrigue à Chimène!
Paraissez, Navarrais, Maures et Castillans!
RIDEAU
Deuxième Tableau
(Le camp de Rodrigue. A l'horizon: la mer C'est le soir - Des capitaines et de soldats navarrais et castillans boivent et chantent. A gauche sont accroupis des prisonniers, des prisonnières et des musiciens maures. Désordre très pittoresque.)
RIDEAU
CAPITAINES et SOLDATS
Vivons sans peur et sans remords!
L'Enfer est un mensonge…
et le ciel est un rêve!
Mais la terre est à nous!
Car nous sommes les forts!
Et notre droit c'est notre glaive!
Vivons sans peur et sans remords!
Du vin, de l'amour, de l'or!
Chaque jour fêtes nouvelles!
(Rodrigue paraît suivi d'un groupe de capitaines et de soldats)
RODRIGUE
(avec autorité, aux soldats que boivent)
Arrêtez!
Est-ce ainsi qu'à la honteuse ivresse
Vous employez le temps que le Seigneur
vous laisse pour vous préparer à la mort?
(Mouvement)
LES CAPITAINES et LES SOLDATS
(avec assurance)
La victoire est à nous!
RODRIGUE
Non! Une armée immense
S'étend autour de nous et
grandit et s'avance…
Contre elle il faut tenter
notre suprême effort!
SOLDATS
(1er Groupe)
Non! pourquoi résister?
partons avant l'aurore!
fuyons! fuyons!
RODRIGUE
Qui parle de s'enfuir?
SOLDATS
(2d groupe, pour Rodrigue)
Nous sommes avec toi!
RODRIGUE
Nous pouvons vaincre encore!
SOLDATS
(1er groupe)
Le sort est contre nous!
RODRIGUE
(avec élan)
On peut toujours mourir!
SOLDATS
(2d groupe)
Tu ne seras pas seul à l'instant redoutable!
Il en est parmi nous qui ne désertent pas!
SOLDATS
(1er groupe)
Combattre sans espoir est démence coupable!
Nous gardons notre sang pour de plus
sûrs combats!
RODRIGUE
Lâches! lâches! fuyez!
(Rodrigue d'un dernier geste chasse les fuyards, puis se tourne vers soldats. La nuit est venue peu à peu.)
Amis au coeur fidèle
Cherchez dans le repos
l'oubli de votre sort!
Que l'ange du sommeil effleure de son aile
Les fronts déjà promis à l'ange de la mort!
Moi! je veillerai!
(Les soldats s'éloignent. Les derniers appels des trompettes, se répondent puis s'éloignent , au loin dans le camp. Tout repose.)
Troisième Tableau
(La tente de Rodrigue)
RODRIGUE
(seul, avec un profond découragement)
Ah! tout est bien fini…
Mon beau rêve de gloire,
Mes rêves de bonheur S'envolent à jamais!
Tu m'as pris mon amour…
Tu me prends la victoire…
Seigneur, je me soumets!
O souverain, ô juge, ô père,
Toujours voilé, présent toujours,
Je t'adorais au temps prospère
Et te bénis aux sombres jours!
Je vais où la loi me réclame
Libre de tous regrets humains!
Ô souverain, ô juge, ô père,
Ta seule image est dans mon âme
Que je remets entre tes mains!
(Un lueur grandit peu à peu et se détache sur le fond de la tente. C'est l'image vivante de Saint Jacques le Major qui apparaît pendant que des voix célestes se font entendre)
VOIX DU CIEL
Ô souverain, ô juge, ô père!
Toujours voilé, toujours présent!
RODRIGUE
(extasié)
Ces voix! ces voix d'en haut!
la nuit s'éclaire!
SAINT JACQUES
Rodrigue!
RODRIGUE
Saint Jacques!
SAINT JACQUES
Jusqu'au ciel a monté ta prière!
RODRIGUE
Naguère, il a reçu ma foi!
Il m'entendait! il vient à moi! à moi!
Ô souverain ô juge, ô père!
Ta seule image est dans mon âme
que je remets entre tes mains
Ô souverain ô juge, ô père!
SAINT JACQUES
Qui donne le fardeau prête aussi le soutien…
Et je l'apporte au fils,
au soldat, au chrétien!
VOIX DU CIEL
Ô souverain ô juge, ô père!
Tu seras vainqueur! Va! Va! Va!
SAINT JACQUES
(répétant, comme en extase)
Tu seras vainqueur!
(La vision disparaît.)
RODRIGUE
(avec égarement)
La vision s'efface!
(comme transfiguré)
Ah! le souffle d'en haut a passé sur ma face!
Dieu m'a parlé!
(La fondre éclate, le tonnerre gronde avec force. La tente s'engloutit )
Quatrième Tableau
(Le camp - La bataille Lever du jour. Les soldats accourent par groupes. Les fanfares se rapprochent. Rodrigue. Soldats.)
SOLDATS
Alerte, amis, aux armes!
Aux armes! Nous somme prêts!
mourons en combattant!
RODRIGUE
(à l'armée)
Dieu m'a parlé! Compagnons!
plus d'alarmes!
LES SOLDATS
Nous sommes prêts! mourons!
RODRIGUE
C'est le triomphe, et non la mort
qui nous attend!
(Il tire son épée; tous l'imitent)
RODRIGUE ET LES SOLDATS
O noble lame étincelante,
Pure comme un regard d'enfant!
Combats, gardienne vigilantes,
Et fais l'honneur seul triomphant!
Dans les batailles nouvelles
Tressaille encore à sa clarté!
Mais sois de flamme. et prends des ailes.
Pour l'Espagne et sa liberté!
En avant! en avant! en avant!!!
RIDEAU