ACTE CINQUIÈME
Tableau 1
(Le théâtre représente les jardins de la Reine. Arbres des tropiques; masses de fleurs et de fruits. À gauche l'entrée du palais)
Scène Première
(Sélika et Inès)
(Sélika entre avec Inès, entourée de soldats)
▼SÉLIKA.▲
Ciel! Il est donc vrai!
Quoi, lui, Vasco!
Déjà trahie, déjà trompée!
Ingrat, voilà donc ses serments?
▼INÈS▲
Daigne m'entendre!
▼SÉLIKA▲
Non, un instant avilie,
J'ai repris tous mes droits, et ce n'est plus ici
L'épouse, mais la reine… une reine outragée,
Qui redevient ton juge et qui sera vengée!
▼INÈS▲
Pitié, pitié pour lui!
▼SÉLIKA▲
Qui donc est si hardi
Que d'élever la voix devant sa souveraine?
Toi, redoute un courroux que je retiens à peine.
Qu'il s'éloigne à l'instant. Je le veux!
Duo
▼SÉLIKA▲
(Se tournant vers Inès)
Avant que ma vengeance ordonne ton supplice,
Approche, esclave, et réponds-moi.
Par quelle trahison et par quel artifice,
Le perfide était-il, en ces lieux, près de toi?
▼INÈS▲
Mourante, je fuyais, il s'offrit à ma vue.
▼SÉLIKA▲
Et que te disait-il, tremblant et l'âme émue?
▼INÈS▲
Il disait que l'hymen venait d'unir vos jours,
Qu'à vous étaient son existence,
Ses serments, sa reconnaissance!
▼SÉLIKA▲
(Avec dépit)
Et pourtant il t'aime toujours!
▼INÈS▲
Non!… Que votre cœur lui pardonne.
N'écoutant que l'honneur, hélas!
Il m'abandonne,
Il me fuit à jamais!
▼SÉLIKA▲
(Avec douleur)
Et pourtant il t'aimera toujours!
▼INÈS▲
À vos yeux, si tel est son crime,
Tombe sur moi votre courroux.
(Avec une grande animation)
Il est juste, il est légitime,
Et je l'implore à vos genoux.
Oui, c'est ma seule prière :
Quand on n'a plus de bonheur
Sur cette terre,
À des maux sans espoir,
Quand nos jours sont livrés,
Vienne la mort!…
(Tombant à genoux)
Frappez! frappez!
(Étonnée)
Vous pleurez?
▼SÉLIKA▲
Hélas! il doit l'aimer toujours!
▼INÈS▲
(Avec désespoir)
Voilà, voilà tous mes tourments.
Je vous l'ai dit, voilà mon crime.
Vengez-vous, frappez la victime,
Délivrez-la de ses tourments.
▼SÉLIKA▲
(À part)
Voilà, voilà tous mes tourments.
Pauvre fille, pauvre victime!
Comment, hélas! lui faire un crime
De tous les maux que je ressens?
▼SÉLIKA▲
Tu sens donc en pensant à celui qui t'est cher?
▼INÈS▲
Et l'amour et la haine en mon âme indécise!
▼SÉLIKA▲
Et tu sens là… comme un main de fer?
▼INÈS▲
Oui, qui me torture et me brise!
▼INÈS▲
Voilà, voilà tous mes tourments,
Je vous l'ai dit, voilà mon crime.
Ah! frappez, frappez la victime,
Délivrez-la de ses tourments.
Voilà tout ce que je ressens.
▼SÉLIKA▲
Voilà, voilà tous mes tourments.
Ah! pauvre fille, pauvre victime!
Ah! pauvre fille, pauvre victime!
Oui, tous ces maux je les ressens.
Voilà, voilà tous mes tourments.
▼INÈS▲
Eh bien, venge-toi,
Frappe-nous tous les deux!
▼SÉLIKA▲
Le frapper? moi sa sœur, son amie,
Qui pour le rendre heureux
Aurais donné ma vie.
(Réfléchissant)
Et si pour son bonheur je pouvais le fuir!
▼INÈS▲
(Chaleureusement)
Je le repousserais, car il est ton époux,
La mort seule, chez nous,
Brise de pareils nœuds.
▼SÉLIKA▲
Il va donc la désirer.
Ô comble de misère!
Hélas!
Ô longue souffrance,
Qui déjà commence!
Et mon cœur balance
À s'en délivrer.
Dieu qui vois mes peines,
Pour briser mes chaînes
Daigne m'inspirer.
▼INÈS▲
Toi qui vois ses peines,
Pour briser ses chaînes
Inspire-la!
▼SÉLIKA▲
Dieu qui vois mes peines,
Pour briser mes chaînes
Inspire-moi!
Scène Deuxième
(Les mêmes, Nélusko)
(Nélusko entre suivi de plusieurs soldats)
▼SÉLIKA▲
(Aux soldats, montrant Inès)
Emmenez cette femme!
(Les soldats emmènent Inès. À Nélusko)
Et toi, loin de ces lieux conduis Vasco!
▼NÉLUSKO▲
(Étonné)
Près d'elle!
▼SÉLIKA▲
(Écrivant sur ses tablettes)
Oui. Tous les deux!…
Tu vas à l'instant les conduire
Sur ce vaisseau
Qu'en mer on aperçoit encor…
▼NÉLUSKO▲
(À part)
Ô ciel!
▼SÉLIKA▲
Et puis… écoute bien :
Quand, monté sur son bord,
Il partira… remets-lui ces tablettes!
Pas avant!… tu m'entends!
▼NÉLUSKO▲
(Avec joie)
Ah! livrez-les sans crainte
Entre mes mains discrètes.
(Avec tendresse)
Ce jour heureux qui finit mes tourments,
Ô reine, te rendra la puissance et la gloire!
▼SÉLIKA▲
Et lorsque pour jamais tu verras de nos bords
S'éloigner leur vaisseau…
Viens me trouver alors
À la pointe du cap et sur ce promontoire
Qui domine les flots!
▼NÉLUSKO▲
(Avec terreur)
Ah! n'en approchez pas!
Là, s'il t'en souvient,
S'étend l'immense ombrage
Du noir mancenillier,
de l'arbre du trépas!
▼SÉLIKA▲
Je le sais!
▼NÉLUSKO▲
Malheur à l'imprudent
Qui respire ses fleurs au parfum enivrant!
Un instant il se croit aux régions célestes,
Extase mensongère et dangereux transport
Qui conduit par degrés du délire à la mort!
▼SÉLIKA▲
Je le sais, mais de ces lieux
On découvre la mer,
et c'est ce que je veux!
(Nélusko sort par la droite et Sélika rentre dans les palais)
Tableau 2
(Le théâtre change et représente un promontoire qui domine la mer. Un arbre occupe le milieu de la scène)
Scène Troisième
(Sélika, seule, s'avance lentement jusqu'au bord de la mer qu'elle contemple quelque temps en silence)
▼SÉLIKA▲
D'ici je vois la mer, immense…
Et sans limite
Ainsi que ma douleur!
Et le flot furieux qui se brise et s'agite
Hélas! comme mon cœur!
(Elle s'avance vers le mancenillier)
Ô temple magnifique! ô dôme de feuillage,
Qui balancez au loin vos funèbres rameaux!
Je viens à vous!…
Je viens chercher après l'orage
Le calme, le sommeil
Et l'oubli de mes maux…
Car votre ombre éternelle
Est l'ombre des tombeaux!
La haine m'abandonne;
Mon coeur est désarmé;
Adieu, je te pardonne;
Adieu, mon bien-aimé!
(Cueillant les fleurs qui tombent des branches du mancenillier)
Ô riante couleur!
Ô fleur vermeille et belle!
Viens sur le sein de l'épouse nouvelle!
Sois ma parure!…
Sois mon bouquet nuptial!
(Le regardant d'un air triste, puis le respirant)
Ton doux parfum, dit-on,
Donne un bonheur fatal.
Dans les cieux entr'ouverts,
Un instant il fait vivre,
Et puis, d'un long sommeil
À jamais vous endort.
Comme l'amour il vous enivre
Et comme lui donne la mort.
Ah! l'on dit vrai…
Ma tête se trouble et s'égare…
De mes sens enchantés
Quel délire s'empare!
Quels célestes accords!
Est-ce un prodige?
Que de splendeur!
À mes yeux s'entr'ouvre
La demeure des cieux,
Brahma, sur mon passage,
M'apparait radieux.
C'est lui le dieu suprême,
C'est lui, c'est son image,
Il me reçoit aux cieux!
▼CHOEUR▲
(Dans la coulisse)
Ah! ah! ah! ah! ah!
▼SÉLIKA▲
Un cygne au doux ramage
Dans un blanc nuage
Traîne un char léger.
Les houris souriantes,
Près de lui dansantes,
Viennent voltiger.
Vient-il, lui que j'adore?
Et m'aime-t-il encore?
Point ne m'oubliera!
À peine je respire,
Ô transport, ô délire!
Oui, c'est lui, Vasco!
Il vient, lui que j'adore,
Porté par ce nuage.
À mes pieds déjà
Il s'arrête, puis il monte
Et remonte, il s'élance!
Ah!
(Cri de joie)
Le voilà!
(Sélika commençant à s'endormir tombe au pied du mancenillier. Le délire qu'elle éprouve lutte encore en elle contre le froid qui peu à peu l'engourdit et l'endort. On entend un coup de canon. À ce bruit, Sélika tressaille, ouvre ses yeux appesantis, regarde du côté de la mer, et apercevant le vaisseau qui s'éloigne, pousse un cri de douleur)
Scène Quatrième
(Sélika, Nélusko)
▼NÉLUSKO▲
(Courant)
Partis, partis!
▼SÉLIKA▲
Ah! rendez-moi les cieux!
▼NÉLUSKO▲
(L'aperçoit, pousse un cri et court se jeter à ses pieds)
Sélika, fuyons ces lieux,
Ô ma jeune maîtresse.
Aux chants des noirs esprits,
Par les fleurs enivrée, tu t'endors.
Quoi, tu veux mourir,
Ô reine infortunée.
Chère ingrate, tu voix mes larmes.
Fidèle encor à ton malheur
Je veux, moi, ton esclave,
Mourir auprès de toi.
Sélika! je t'aime!
▼SÉLIKA▲
Ah! Nélusko, fuis loin de moi,
Pardonne si j'ai voulu mourir
Et si je t'abandonne.
▼NÉLUSKO▲
Hélas!
(Effrayé)
Ô ciel,
Sa main est froide et glacée,
C'est la mort!
▼SÉLIKA▲
(D'une voix mourante)
Non. C'est le bonheur!
(Elle expire les yeux tournés vers le ciel. Dans ce moment, une foule de peuple se précipite sur le théâtre, mais elle s'arrête effrayée, n'osant s'avancer sous l'ombrage du mancenillier. Nélusko reste seul à genoux près de Sélika qu'il soutient dans ses bras)
▼LE CHOEUR▲
C'est ici le séjour
De l'éternel amour;
C'est ici le séjour
D'un pur amour.
(Nélusko tombe expirant aux pieds de Sélika. Le navire paraît encore à l'horizon)
ACTE CINQUIÈME
Tableau 1
Le théâtre représente les jardins de la Reine. Arbres des tropiques; masses de fleurs et de fruits. À gauche l'entrée du palais
Scène Première
Sélika et Inès
Sélika entre avec Inès, entourée de soldats
SÉLIKA.
Ciel! Il est donc vrai!
Quoi, lui, Vasco!
Déjà trahie, déjà trompée!
Ingrat, voilà donc ses serments?
INÈS
Daigne m'entendre!
SÉLIKA
Non, un instant avilie,
J'ai repris tous mes droits, et ce n'est plus ici
L'épouse, mais la reine… une reine outragée,
Qui redevient ton juge et qui sera vengée!
INÈS
Pitié, pitié pour lui!
SÉLIKA
Qui donc est si hardi
Que d'élever la voix devant sa souveraine?
Toi, redoute un courroux que je retiens à peine.
Qu'il s'éloigne à l'instant. Je le veux!
Duo
SÉLIKA
Se tournant vers Inès
Avant que ma vengeance ordonne ton supplice,
Approche, esclave, et réponds-moi.
Par quelle trahison et par quel artifice,
Le perfide était-il, en ces lieux, près de toi?
INÈS
Mourante, je fuyais, il s'offrit à ma vue.
SÉLIKA
Et que te disait-il, tremblant et l'âme émue?
INÈS
Il disait que l'hymen venait d'unir vos jours,
Qu'à vous étaient son existence,
Ses serments, sa reconnaissance!
SÉLIKA
Avec dépit
Et pourtant il t'aime toujours!
INÈS
Non!… Que votre cœur lui pardonne.
N'écoutant que l'honneur, hélas!
Il m'abandonne,
Il me fuit à jamais!
SÉLIKA
Avec douleur
Et pourtant il t'aimera toujours!
INÈS
À vos yeux, si tel est son crime,
Tombe sur moi votre courroux.
Avec une grande animation
Il est juste, il est légitime,
Et je l'implore à vos genoux.
Oui, c'est ma seule prière :
Quand on n'a plus de bonheur
Sur cette terre,
À des maux sans espoir,
Quand nos jours sont livrés,
Vienne la mort!…
Tombant à genoux
Frappez! frappez!
Étonnée
Vous pleurez?
SÉLIKA
Hélas! il doit l'aimer toujours!
INÈS
Avec désespoir
Voilà, voilà tous mes tourments.
Je vous l'ai dit, voilà mon crime.
Vengez-vous, frappez la victime,
Délivrez-la de ses tourments.
SÉLIKA
À part
Voilà, voilà tous mes tourments.
Pauvre fille, pauvre victime!
Comment, hélas! lui faire un crime
De tous les maux que je ressens?
SÉLIKA
Tu sens donc en pensant à celui qui t'est cher?
INÈS
Et l'amour et la haine en mon âme indécise!
SÉLIKA
Et tu sens là… comme un main de fer?
INÈS
Oui, qui me torture et me brise!
INÈS
Voilà, voilà tous mes tourments,
Je vous l'ai dit, voilà mon crime.
Ah! frappez, frappez la victime,
Délivrez-la de ses tourments.
Voilà tout ce que je ressens.
SÉLIKA
Voilà, voilà tous mes tourments.
Ah! pauvre fille, pauvre victime!
Ah! pauvre fille, pauvre victime!
Oui, tous ces maux je les ressens.
Voilà, voilà tous mes tourments.
INÈS
Eh bien, venge-toi,
Frappe-nous tous les deux!
SÉLIKA
Le frapper? moi sa sœur, son amie,
Qui pour le rendre heureux
Aurais donné ma vie.
Réfléchissant
Et si pour son bonheur je pouvais le fuir!
INÈS
Chaleureusement
Je le repousserais, car il est ton époux,
La mort seule, chez nous,
Brise de pareils nœuds.
SÉLIKA
Il va donc la désirer.
Ô comble de misère!
Hélas!
Ô longue souffrance,
Qui déjà commence!
Et mon cœur balance
À s'en délivrer.
Dieu qui vois mes peines,
Pour briser mes chaînes
Daigne m'inspirer.
INÈS
Toi qui vois ses peines,
Pour briser ses chaînes
Inspire-la!
SÉLIKA
Dieu qui vois mes peines,
Pour briser mes chaînes
Inspire-moi!
Scène Deuxième
Les mêmes, Nélusko
Nélusko entre suivi de plusieurs soldats
SÉLIKA
Aux soldats, montrant Inès
Emmenez cette femme!
Les soldats emmènent Inès. À Nélusko
Et toi, loin de ces lieux conduis Vasco!
NÉLUSKO
Étonné
Près d'elle!
SÉLIKA
Écrivant sur ses tablettes
Oui. Tous les deux!…
Tu vas à l'instant les conduire
Sur ce vaisseau
Qu'en mer on aperçoit encor…
NÉLUSKO
À part
Ô ciel!
SÉLIKA
Et puis… écoute bien :
Quand, monté sur son bord,
Il partira… remets-lui ces tablettes!
Pas avant!… tu m'entends!
NÉLUSKO
Avec joie
Ah! livrez-les sans crainte
Entre mes mains discrètes.
Avec tendresse
Ce jour heureux qui finit mes tourments,
Ô reine, te rendra la puissance et la gloire!
SÉLIKA
Et lorsque pour jamais tu verras de nos bords
S'éloigner leur vaisseau…
Viens me trouver alors
À la pointe du cap et sur ce promontoire
Qui domine les flots!
NÉLUSKO
Avec terreur
Ah! n'en approchez pas!
Là, s'il t'en souvient,
S'étend l'immense ombrage
Du noir mancenillier,
de l'arbre du trépas!
SÉLIKA
Je le sais!
NÉLUSKO
Malheur à l'imprudent
Qui respire ses fleurs au parfum enivrant!
Un instant il se croit aux régions célestes,
Extase mensongère et dangereux transport
Qui conduit par degrés du délire à la mort!
SÉLIKA
Je le sais, mais de ces lieux
On découvre la mer,
et c'est ce que je veux!
Nélusko sort par la droite et Sélika rentre dans les palais
Tableau 2
Le théâtre change et représente un promontoire qui domine la mer. Un arbre occupe le milieu de la scène
Scène Troisième
Sélika, seule, s'avance lentement jusqu'au bord de la mer qu'elle contemple quelque temps en silence
SÉLIKA
D'ici je vois la mer, immense…
Et sans limite
Ainsi que ma douleur!
Et le flot furieux qui se brise et s'agite
Hélas! comme mon cœur!
Elle s'avance vers le mancenillier
Ô temple magnifique! ô dôme de feuillage,
Qui balancez au loin vos funèbres rameaux!
Je viens à vous!…
Je viens chercher après l'orage
Le calme, le sommeil
Et l'oubli de mes maux…
Car votre ombre éternelle
Est l'ombre des tombeaux!
La haine m'abandonne;
Mon coeur est désarmé;
Adieu, je te pardonne;
Adieu, mon bien-aimé!
Cueillant les fleurs qui tombent des branches du mancenillier
Ô riante couleur!
Ô fleur vermeille et belle!
Viens sur le sein de l'épouse nouvelle!
Sois ma parure!…
Sois mon bouquet nuptial!
Le regardant d'un air triste, puis le respirant
Ton doux parfum, dit-on,
Donne un bonheur fatal.
Dans les cieux entr'ouverts,
Un instant il fait vivre,
Et puis, d'un long sommeil
À jamais vous endort.
Comme l'amour il vous enivre
Et comme lui donne la mort.
Ah! l'on dit vrai…
Ma tête se trouble et s'égare…
De mes sens enchantés
Quel délire s'empare!
Quels célestes accords!
Est-ce un prodige?
Que de splendeur!
À mes yeux s'entr'ouvre
La demeure des cieux,
Brahma, sur mon passage,
M'apparait radieux.
C'est lui le dieu suprême,
C'est lui, c'est son image,
Il me reçoit aux cieux!
CHOEUR
Dans la coulisse
Ah! ah! ah! ah! ah!
SÉLIKA
Un cygne au doux ramage
Dans un blanc nuage
Traîne un char léger.
Les houris souriantes,
Près de lui dansantes,
Viennent voltiger.
Vient-il, lui que j'adore?
Et m'aime-t-il encore?
Point ne m'oubliera!
À peine je respire,
Ô transport, ô délire!
Oui, c'est lui, Vasco!
Il vient, lui que j'adore,
Porté par ce nuage.
À mes pieds déjà
Il s'arrête, puis il monte
Et remonte, il s'élance!
Ah!
Cri de joie
Le voilà!
Sélika commençant à s'endormir tombe au pied du mancenillier. Le délire qu'elle éprouve lutte encore en elle contre le froid qui peu à peu l'engourdit et l'endort. On entend un coup de canon. À ce bruit, Sélika tressaille, ouvre ses yeux appesantis, regarde du côté de la mer, et apercevant le vaisseau qui s'éloigne, pousse un cri de douleur
Scène Quatrième
Sélika, Nélusko
NÉLUSKO
Courant
Partis, partis!
SÉLIKA
Ah! rendez-moi les cieux!
NÉLUSKO
L'aperçoit, pousse un cri et court se jeter à ses pieds
Sélika, fuyons ces lieux,
Ô ma jeune maîtresse.
Aux chants des noirs esprits,
Par les fleurs enivrée, tu t'endors.
Quoi, tu veux mourir,
Ô reine infortunée.
Chère ingrate, tu voix mes larmes.
Fidèle encor à ton malheur
Je veux, moi, ton esclave,
Mourir auprès de toi.
Sélika! je t'aime!
SÉLIKA
Ah! Nélusko, fuis loin de moi,
Pardonne si j'ai voulu mourir
Et si je t'abandonne.
NÉLUSKO
Hélas!
Effrayé
Ô ciel,
Sa main est froide et glacée,
C'est la mort!
SÉLIKA
D'une voix mourante
Non. C'est le bonheur!
Elle expire les yeux tournés vers le ciel. Dans ce moment, une foule de peuple se précipite sur le théâtre, mais elle s'arrête effrayée, n'osant s'avancer sous l'ombrage du mancenillier. Nélusko reste seul à genoux près de Sélika qu'il soutient dans ses bras
LE CHOEUR
C'est ici le séjour
De l'éternel amour;
C'est ici le séjour
D'un pur amour.
Nélusko tombe expirant aux pieds de Sélika. Le navire paraît encore à l'horizon