ACTE I
Campement de soldats. Tentes au milieu de la campagne. A droite, au deuxième plan, l' entrée de la tente du général Boum. A gauche, au premier plan, la cantine. Au fond, un praticable, représentant une colline, au milieu de la scène, monte d'abord de droite à gauche, puis de gauche à droite fusils, au fond, rangés sur des râteliers. soldats, paysannes, vivandières, puis
Scène Première
CHŒUR
En attendant que l'heure sonne,
L'heure héroïque du combat,
Chantons et buvons!
Courte et bonne,
C'est la devise du soldat!
C'est la devise du soldat!
C'est la devise du soldat!
Ah!
Pendant ce chœur, quelques soldats valsent avec des paysannes; d'autres jouent aux cartes et aux dés sur des tambours; d'autres boivent, etc. Les vivandières vont de l'un à l'autre. Entrent Fritz et Wanda
WANDA
O mon Fritz, que tu m'affliges
En m'apprenant ton départ!
FRITZ
Va, je ferai des prodiges,
Oui, je ferai des prodiges,
Pour revenir sans retard.
Allez, jeunes filles,
Dansez et tournez;
Vous dans vos familles
Vous resterez;
Mais nous, pauvres hommes,
Bientôt nous irons,
Pour de faibles sommes,
Braver les canons.
Si le sort funeste
Ne peut s'éviter,
Du temps qui nous reste
Sachons profiter.
Vidons notre verre
En brave guerrier,
Et tant pis, ma chère,
Si c'est le dernier.
O filles jolies,
O braves garçons,
Tournons et valsons,
Valsons et tournons;
Valsons, Valsons Ah!
Tournons et valsons,
Valsons et tournons;
Comme des toupies,
Comme des tontons,
Tournons et valsons,
Valsons et tournons.
Comme des toupies,
Comme des tontons,
Tournons valsons,
Comme des toupies,
Comme des tontons,
Valsons tournons.
Comme des toupies,
Comme des tontons.
TOUS
Tournons et valsons, etc
FRITZ
Quand, prenant les armes,
Nous en irons,
Que de cris,
De larmes et de pâmoisons!
N'ayez peur, mes belles,
Nous vous écrirons,
Et de nos nouvelles
Nous vous donnerons.
Votre cœur, je pense,
Restera constant,
Malgré notre absence.
Mais, en attendant,
Vidons notre verre,
Prenons un baiser,
Et tant pis, ma chère,
Si c'est le dernier.
O filles jolies,
O braves garçons,
Tournons et valsons,
Valsons et tournons,
Comme des toupies,
Comme des tontons;
Tournons et valsons,
Valsons et tournons…
TOUS
Tournons et valsons, etc
Au moment où la valse est très animée, paraît le général Boum, arrivant de la droite. Il s'arrête indigné, et lève les bras au ciel: il a un énorme panache sur son chapeau
Scène Seconde
BOUM
Des femmes dans le camp,
effroyable licence!
Toutes les femmes s'enfuient avec un grand cri
FRITZ
à part
Bon! Voilà le gêneur!
BOUM
Avez vous donc, soldats,
Perdu toute prudence?
FRITZ
Pour être militaire,
En a-t-on moins un cœur?
BOUM
venant à Fritz
Vous encor, vous parlez!
FRITZ
Mais, général…
BOUM
Silence!
Quand je me fâche, L'on se tait!
Car ma rigueur, on la connaît.
CHŒUR
Quand il se fâche,
L'on se tait!
Car sa rigueur, on la connaît.
BOUM
À cheval sur la discipline,
Par les vallons
Je vais devant moi, j'extermine
Les bataillons!
Le plus fier ennemi se cache,
Tremblant, penaud,
Quand il aperçoit le panache
Que j'ai là-haut!
Le panache ue j'ai là-haut!
Pif paf pouf, tara papapoum!
Je suis le général Boum! Boum!
TOUS
Pif paf pouf, tara papapoum!
Il est le général Boum! Boum!
BOUM
Dans nos salons, après la guerre,
Je reparais;
Et la plus belle, pour me plaire,
Se met en frais;
Elle caresse ma moustache,
En souriant
En ce moment là, mon panache
Est fort gênant.
Mon panache est fort gênant.
Pif paf pouf, tara papapoum!
Je suis le général Boum! Boum!
TOUS
Pif, paf pouf, tara papapoum!
Il est, le général Boum! Boum!
Vive le général Boum!
BOUM
A la bonne heure!
Je retrouve mes enfants,
Les vaillants soldats
De la Grande-duchesse,
Notre souveraine.
TOUS
Vive la Grande-duchesse!
BOUM
Vous n'êtes pas méchants,
Mais il y a ce Fritz qui vous gâte.
FRITZ
à part
Bon!
J'étais sûr que ça allait
Tomber sur moi!
BOUM
Fusilier Fritz, venez ici.
FRITZ
s'approchant
Général?
BOUM
Mauvais soldat!
FRITZ
Je sais bien d'où ça vient, tout ça…
BOUM
Qu'est ce que vous dites?
FRITZ
Je dis que je sais bien
D'où ça vient, tout ça
C'est des histoires de femmes.
BOUM
Comment?
FRITZ
C'est parce que vous avez fait
La cour à la petite Wanda.
BOUM
Pas du tout!
FRITZ
Je vous demande bien pardon
Vous lui avez fait la cour
Et elle n'a pas voulu de vous,
Parce qu'elle est
Amoureuse de moi et voilà!
BOUM
à part
O fureur!
FRITZ
Elles ont mauvais goût,
Les femmes: elles aiment mieux
Le jeune soldat que le vieux chef.
BOUM
Je vous mettrai
À la salle de police, moi!
FRITZ
Ça n'y fera rien.
BOUM
Je vous ferai fusiller!
FRITZ
Comme ça sera malin!
BOUM
Mauvais soldat!
FRITZ
Ça vous serait bien égal
Que je soie un mauvais soldat
Mais je suis un joli soldat
C'est ça qui est vexant.
BOUM
Taisez vous!
FRITZ
Je me tais mais ça n'empêche pas!
BOUM
Jamais je ne me suis
Occupé de cette petite.
FRITZ
Je vous demande
Bien pardon derechef,
Vous vous en êtes occupé.
Scène Troisième
Entre Népomuc
NÉPOMUC
à Boum
Général!
BOUM
Dites-moi que vous m'annoncez
L'approche de l'ennemi, monsieur;
Dites-le-moi, je vous en prie!
NÉPOMUC
Non, général
Je viens vous prévenir
Que la Grande-duchesse
Va venir passer
Son régiment en revue.
BOUM
Vous entendez, soldats!
NÉPOMUC
Elle désire qu'une tente
Soit dressée pour elle ici
Au milieu même
Du campement de ses soldats.
Il sort
BOUM
Vite un homme en faction!
Fusilier Fritz!
FRITZ
à part
Toujours moi!
haut
Général?
BOUM
Vous allez vous
Mettre en faction ici.
FRITZ
En plein soleil naturellement!
BOUM
Ne répliquez pas!
FRITZ
Pourquoi faire,
D'abord, me mettre en faction?
BOUM
Pour garder la tente
De La Grande-Duchesse.
FRITZ
Puisqu'elle n'est pas dressée!
BOUM
Vous garderez
L'endroit où elle sera.
FRITZ
Alors, c'est pour empêcher qu'on
Ne vienne emporter le terrain?
Je vous demande
Un peu si ça a le sens commun!
BOUM
Toujours, alors?
FRITZ
Bon! bon!
Je sais d'où ça vient
Les femmes, voilà! les femmes!
BOUM
Ah! Comme je te ferais fusiller, toi,
Si, à la veille d'une bataille,
Je n'avais pas peur
De diminuer mon effectif!
FRITZ
Mais voilà!
Vous avez peur
De diminuer votre effectif.
BOUM
Je n'aurai pas le dernier, alors?
FRITZ
Non, par exemple!
BOUM
Alors, je serais bien bête
De m'obstiner
Soldats, à vos rangs!
Roulement de tambours: les soldats vont prendre leurs fusils et se placent sur deux rangs, au fond
Portez armes!
FRITZ
au général Boum
Eh bien, où allez vous comme ça?
BOUM
C'est trop fort, ça, par exemple!
Ça ne vous regarde pas!
Est ce qu'il va falloir que je vous rende
Compte de mes mouvements?
Soldats, par le flanc gauche!
En avant marche!
REPRISE DU CHŒUR
Pif paf pouf, tara papapoum!
Suivons le général Boum! Boum!
Les soldats sortent; Fritz reste en faction. Après le défilé, le général Boum s'approche de Fritz
BOUM
Hou! Le vilain soldat!
Il sort en courant, pour rattraper son armée
Scène Quatrième
FRITZ
seul, montant sa faction
Comme c'est encore malin,
Ça, de venir faire la grimace
A un pauvre jeune soldat
Qui ne peut pas répondre à son général!
C'est une chose
Qu'on ne veut pas comprendre!
Il y a comme ça des généraux
Qui ont des grades, des honneurs
Eh bien, ils croient que ça suffit
Auprès des femmes pas du tout!
Il arrive que les femmes préfèrent
Le jeune soldat qui n'a pas de grades
Mais qui est aimable
Alors, le vieux général
Asticote le jeune soldat
Et c'est toujours comme ça
Et tant que le monde durera,
Ça sera comme ça
Et voilà! tout ça
C'est des histoires de femmes
Et pas autre chose!
tournant la tête à gauche
Ah! La voici, la petite Wanda!
Elle croit que je vais aller la retrouver
Ah! Si je pouvais!
Voyant que je n'y vais pas, elle vient
entre Wanda par la gauche; elle reste, un moment, au fond
Comme il enragerait,
Le vieux général, s'il voyait cela!
Scène Cinquième
WANDA
loin de Fritz
Me voici, Fritz! j'ai tant couru
Que j'en suis, ma foi, hors d'haleine!
se rapprochant un peu
Mais, je te voir cet air bourru,
Ce n'était vraiment pas la peine
Dis moi pourquoi?
Fritz lui montre son fusil, puis, un doigt sur la bouche, il indique qu'on ne peut pas parler sous les armes
Que veut dire cette grimace?
J'accours, et te voilà de glace!
Es-tu muet, beau grenadier?
Ne sais-tu m'aimer que par signe?
FRITZ
immobile à son poste
Il le faut bien, car la consigne,
Hélas! Me défend de parler.
WANDA
se rapprochant toujours de Fritz
Finis cette plaisanterie
Lorsque l'on voit sa bonne amie,
Monsieur, l'on doit tout oublier
Vite, un mot, ou bien j'égratigne!
FRITZ
Je ne peux pas, car la consigne,
Hélas! Me défend de bouger.
WANDA
Comment quand mon regard t'appelle
Quand il te dit: pres de ta belle
Viens un instant t'agenuiller
Ah, tu me dis non
FRITZ
La consign
Oui! La consign me défend de bouger.
WANDA
Comment tu me dis non?
FRITZ
Oui! La consign me défend de bouger.
WANDA
Comment tu me dis non?Hélas!
FRITZ
Oui! La consign, et oui je te dis non Hélas!
WANDA
Et si, pour toi perdant la tête,
Je te disais: “viens, grosse bête,
Viens vite là prendre un baiser”,
Me ferais-tu l'injure insigne?
FRITZ
allant vivement à elle
Ah! Ma foi, non!
Car la consigne
Ne me défend pas d'embrasser.
WANDA
Je savais bien que la consigne
Ne défendait pas d'embrasser!
FRITZ
Non, ma Wanda, non, la consigne
Ne me défend pas d'embrasser!
WANDA
Je savais bien que la consigne
Ne défendait pas d'embrasser!
Fritz l'embrasse
ENSEMBLE
Au diable la consigne!
Et vive l'amour!
Tant pis bravons la consigne,
Obéissons à l'amour!
Au diable la consigne!
Et vive l'amour!
Le général Boum entre par à droite
Scène Sixième
BOUM
Ah! Ah! Je t'y prends!
FRITZ
bas, à Wanda
Nous sommes pincés!
Il reprend vivement son fusil et se remet en faction
WANDA
Mon Fritz!
BOUM
à Fritz
Cette faction que
Je t'ai ordonné de monter,
Ce mouvement que
J'ai fait faire à mon armée
tout cela a été fait pour te surprendre
et je te surprends.
FRITZ
Eh bien, tenez!
Ça doit vous faire plaisir
Car c'est la première fois
que je vois réussir
Un de vos mouvements!
BOUM
Malheureux!
Un coup de fusil au dehors
WANDA
tombant dans les bras de Fritz
Ah!
FRITZ
Ma Wanda!
Elle s'est évanouie dans ses bras
BOUM
Qu'est ce que c'est que ça?
Qu'est ce que c'est?
FRITZ
Une attaque peut être
permettez moi de la reporter chez sa mère.
Second coup de fusil
BOUM
Oui va et veille bien sur elle.
FRITZ
Ah! Vous voyez bien, général
vous voyez bien que vous l'aimez!
BOUM
Va! va!
FRITZ
à Wanda qu'il soutient toujours
Viens prendre un verre de schnaps.
Scène Septième
Il entre avec elle dans la cantine. nouveaux coups de fusil au dehors. Entre par à droite, le Baron Puck: il court effaré, courbé en deux
PUCK
Ah! Mon cher Boum!
BOUM
Qu'est-il donc arrivé?
PUCK
On m'a demandé le mot d'ordre
Absorbé comme je l'étais
Par les hautes combinaisons
De la politique,
J'ai négligé de répondre, et, alors…
BOUM
Pan, pan, ratapan!
PUCK
Pan, pan, ratapan! ils ont tiré.
BOUM
C'était leur devoir.
PUCK
Heureusement, ils m'ont manqué.
BOUM
Ils seront punis pour cela.
PUCK
Qu'est ce que vous dites?
BOUM
Je dis qu'ils n'auraient pas
Dû vous manquer.
PUCK
Alors, vous auriez voulu…?
BOUM
Comme général, certainement!
Mais j'en aurais été désolé comme ami.
PUCK
A la bonne heure!
BOUM
Et qu'est-ce qui me procure l'avantage?
PUCK
C'est une chose très délicate
Vous savez que notre habitude,
À la veille d'une campagne,
Est de ne rien négliger
De ce qui peut animer le soldat
Et faire de l'effet sur les troupes.
BOUM
Sans doute!
PUCK
Cette fois-ci,
Nous avons imaginé quelque chose qui,
Je crois, est assez ingénieux,
La Grande-duchesse va venir.
BOUM
Je le sais.
PUCK
Elle restera au milieu des soldats.
Quand elle sera là,
Vous lui offrirez de chanter devant elle
La chanson du régiment.
BOUM
Bon!
PUCK
Son altesse vous répondra:
“Mais cette chanson, je la sais”
Et elle la chantera.
BOUM
Elle même?
PUCK
Elle-même et c'est avec vous,
Rudolph, qu'elle la chantera!
BOUM
Avec moi! quel honneur!
Mais la sait elle vraiment?
PUCK
Elle la sait parfaitement
Nous avons étudié ça pendant
Deux heures, ce matin.
BOUM
C'est une affaire entendue.
PUCK
Bien!
Maintenant, parlons un peu
De nos propres affaires
il lui offre une prise de tabac
En usez vous?
BOUM
Non, pas de cela
il prend à sa ceinture un pistolet à deux coups, le décharge en l'air, puis porte, l'un après l'autre, les canons fumants sous chacune de ses narines en respirant avec force l'odeur de la poudre
Voilà ma civette, à moi!
PUCK
Vous savez pourquoi
Nous faisons la guerre.
BOUM
Moi? pas du tout!
PUCK
Je vais vous le dire
La Grande-duchesse,
Notre souveraine et mon élève
Car j'ai été son précepteur…
il ôte respectueusement son chapeau, et, en le regardant, dit avec frayeur.
Ah! Mon ami! qu'est ce que c'est?
il s'évanouit presque en montrant un grand trou dans le chapeau
Regardez la balle!
BOUM
Allons! Ils n'ont pas trop mal visé.
PUCK
Ça me fait un effet…!
Comme c'est heureux
Que j'aie eu mon chapeau!
Sans cela, j'étais mort.
BOUM
Remettez le vite.
PUCK
remettant son chapeau
Ah! Oui!
Ils n'auraient qu'à tirer encore
La Grande-duchesse donc,
Notre souveraine et mon élève,
A vingt ans jusqu'à présent,
Elle nous a laissé le pouvoir;
Mais j'ai remarqué que,
Depuis quelque temps,
Elle était inquiète, préoccupée
Je me suis dit:
“Voilà une femme qui s'ennuie
Il faut que je lui trouve
Une distraction”
Alors, j'ai fait déclarer
La guerre et voilà!
BOUM
Très ingénieux!
PUCK
N'est ce pas?
Distraire mon élève!…
C'est comme cela
Que je l'ai toujours tenue
Par des joujoux quand elle était petite…
Mais n'anticipons pas sur le passé
Plus tard, il a fallu autre chose
Et c'est pour la distraire
Que je lui ai cherché un mari.
BOUM
Le prince Paul?
PUCK
Oui mais ce malheureux prince,
Que j'avais eu soin de choisir
Du reste parfaitement nul,
N'a produit aucun effet:
La Grande-duchesse ne peut pas
Se décider à l'épouser
Elle le traîne depuis six mois
Il y a huit jours, le père du jeune homme,
l'Electeur de Steis-Stein-Steis
Laper-Bott-Moll- Schorstenburg,
l'Electeur, dis-je,
A envoyé ici un de ses plus
Fins diplomates, le baron Grog,
Avec mission de décider
notre aimable maîtresse
À prononcer le oui sacramentel.
Notre aimable maîtresse a formellement
Refusé de recevoir le Baron Grog
Et continue à s'ennuyer
Espérons que la guerre
la distraira un peu.
BOUM
Comptez sur moi.
PUCK
Malheureusement, cette distraction
Ne pourra durer que quelque temps.
La princesse a vingt ans
Elle ne tardera pas à s'apercevoir
Qu'il y a d'autres plaisirs
Son cœur n'a pas parlé encore
Il parlera bientôt
Et, ce jour-là, malheur à nous,
Si nous n'avons pas
Pris nos précautions!
BOUM
Vous me faites peur.
PUCK
Avez vous jamais pensé à ce
Que nous pourrions devenir,
Si la princesse s'avisait
D'avoir un favori?
BOUM
Nous serions rasés!
Il ne faut pas qu'elle en ait!
PUCK
Il ne le faut pas!
BOUM
Il ne le faut pas!
Roulement de tambours à une certaine distance. Entre par à droite, Népomuc. Boum remonte au devant de lui. Avec énergie, à Népomuc.
L'ennemi! c'est l'ennemi!
NÉPOMUC
Mais non, général,
C'est son altesse qui arrive.
BOUM
C'est bien, monsieur
Faites mettre les troupes sous les armes.
NÉPOMUC
Oui, général.
Il sort
PUCK
Donc, c'est entendu:
Tout à l'heure la chanson militaire
Dans huit jours, la victoire!
BOUM
Après ça, le retour dans nos foyers!
PUCK
Et à nous deux le pouvoir!
ENSEMBLE
À nous deux le pouvoir!
L'armée arrive par à droite. Les paysannes, Wanda parmi elles, entrent des deux côtés, et restent au fond, derrière les soldats. Fritz est dans les rangs. Puck a passé à droite
Scène Huitième
CHŒUR
Portez armes! Présentez armes!
Fixes, droits, l'œil à quinze pas!
Entre par à droite, la Grande-duchesse, derrière elle viennent ses demoiselles d'honneur, puis, un brillant état major de jeunes officiers en uniformes éclatants. Les soldats présentent les armes. La Grande-duchesse passe devant le front des troupes, elle paraît frappée de la beauté de Fritz, qui est à l'avant scène entre deux tout petits soldats. Scène muette: Fritz est très troublé par les regards de la Grande-duchesse
LA GRANDE-DUCHESSE
Vous aimez le danger,
Le péril vous attire,
Et vous ferez votre devoir;
Vous partirez demain,
Et moi je viens vous dire,
Non pas adieu, mais au revoir!
Ah! Que j'aime les militaires,
Leur uniforme coquet,
Leur moustache et leur plumet!
Ah! Que j'aime les militaires!
Leur air vainqueur, leurs manières,
En eux tout me plaît!
Quand je vois là mes soldats
Prêts à partir pour la guerre,
Fixes, droits, l'œil à quinze pas,
Vrai dieu! Je suis toute fière!
Seront-ils vainqueurs ou défaits?
Je n'en sais rien ce que je sais…
CHŒUR
Ce qu'elle sait
LA GRANDE-DUCHESSE
Ah! Que j'aime les militaires,
J'aime oui les militaires
Je sais ce que je voudrais
Je voudrais être cantinière!
Près d'eux toujours je serais
Et je les griserais!
Avec eux, vaillante et légère,
Au combat je m'élancerais!
Cela me plairait-il, la guerre?
Je n'en sais rien ce que je sais…
CHŒUR
Ce qu'elle sait.
LA GRANDE-DUCHESSE
Ah! Que j'aime les militaires,
Leur uniforme coquet, etc.
Ah! J'aime oui les militaires
TOUTE L'ARMEE
Vive la Grande-duchesse!
LA GRANDE-DUCHESSE
à Boum
Je suis contente, général très contente.
elle fait quelques pas et s'arrête en regardant Fritz
Général?
BOUM
Altesse?
LA GRANDE-DUCHESSE
Faites avancer ce soldat.
BOUM
appelant le soldat qui est à la droite de Fritz
Schwartz!
LA GRANDE-DUCHESSE
Non, pas celui-là, pas Schwartz.
BOUM
appelant celui qui est à la gauche de Fritz
Schumacher!
LA GRANDE-DUCHESSE
Non, pas Schumacher l'autre.
Boum désigne Fritz
Vous y êtes!
BOUM
sourdement irrité
Fusilier Fritz, trois pas en avant!
Fritz fait trois pas en avant, présentant les armes
LA GRANDE-DUCHESSE
à Fritz
Ton nom?
FRITZ
Fritz.
LA GRANDE-DUCHESSE
Combien de campagnes?
Combien de blessures?
FRITZ
Aucune campagne aucune blessure
Pourtant, une fois,
En grimpant sur un mur,
Pour aller chiper des pommes,
Je me suis un peu
Mais je ne sais pas si ça peut compter
Aucune blessure, décidément,
Aucune blessure.
LA GRANDE-DUCHESSE
Simple soldat?
FRITZ
Simple soldat.
LA GRANDE-DUCHESSE
Je te fais caporal.
FRITZ
Ah!
Il fait quelques pas pour aller à Wanda, qui est au fond, au premier rang des paysannes
BOUM
l'arrêtant
Mille millions!
FRITZ
Eh bien, c'est bon!
Il se remet en position
LA GRANDE-DUCHESSE
Où allais-tu donc?
FRITZ
J'allais dire à ma bonne amie
Que je suis caporal.
LA GRANDE-DUCHESSE
Ah! eh bien.
BOUM
Eh bien?
LA GRANDE-DUCHESSE
à Fritz
Tu diras à ta bonne amie
Que tu es sergent.
à Boum
Faites rompre les rangs, général.
BOUM
Rompez les rangs!
Et éloignez-vous.
LA GRANDE-DUCHESSE
Pourquoi s'éloigneraient-ils?
Ne sont-ils pas mes soldats, mes enfants?
PUCK
bas, à la Grande-duchesse
Très bien, altesse, très bien!
LA GRANDE-DUCHESSE
aux soldats
Restez, mes amis, restez,
Et bavardons un peu ensemble.
Les soldats se rapprochent un peu au milieu; les paysannes descendent en scène, moitié à gauche, moitié à droite. La Grande-duchesse s'assied sur un tambour qu'apporte une cantinière. Les demoiselles d'honneur se placent à ses cotés, sur des pliants que leur donnent des soldats
PUCK
bas, à Boum
Est-ce que vous avez
Remarqué l'obstination
Avec laquelle son altesse
Regardait ce soldat?
BOUM
bas
Oui mais on ne peut pas supposer.
PUCK
bas
Il faut tout supposer
J'ai été précepteur de la Grande-duchesse
Et je l'ai habituée
À faire tout ce qui lui plaît.
BOUM
bas
Ah diable! observons, alors.
PUCK
bas
Observons.
LA GRANDE-DUCHESSE
se retournant vers Fritz
Approche un peu, toi.
FRITZ
s'approchant
Altesse?
PUCK
bas, à Boum
Encore! vous voyez.
BOUM
bas
Oui, je vois
à part, en regardant Fritz
Toi, je te rattraperai!
LA GRANDE-DUCHESSE
à Fritz
Eh bien, est-elle contente, ta bonne amie?
FRITZ
Très contente.
LA GRANDE-DUCHESSE
Et toi et tes camarades êtes-vous contents?
FRITZ
Mais, dame! vous savez, altesse
On est content, et on ne l'est pas
C'est dans la nature!
LA GRANDE-DUCHESSE
Bien nourri?
FRITZ
Oui bien nourri pas mal nourri
Beaucoup de pommes de terre
Pas mal nourri tout de même.
LA GRANDE-DUCHESSE
Et les officiers,
Bons pour le soldat?
FRITZ
Très bons, les officiers
Bons et pas bons
Il y a le général qui est sévère.
LA GRANDE-DUCHESSE
En vérité?
BOUM
Mais, altesse.
LA GRANDE-DUCHESSE
Laissez-le parler!
FRITZ
Très sévère, le général
Mais je sais d'où ça vient
Des histoires de femmes
Pas autre chose des histoires de femmes.
LA GRANDE-DUCHESSE
Comment?
BOUM
Ah! J'empêcherai.
LA GRANDE-DUCHESSE
Général boum,
Je vous ordonne
de laisser parler cet homme.
à Fritz
Tu disais?
FRITZ
Très sévère, le général
Parce qu'il a fait la cour à ma bonne amie,
Et qu'elle l'a envoyé promener.
LA GRANDE-DUCHESSE
Ah çà! Mais tout le monde est
Donc amoureux de ta bonne amie?
Elle est donc bien jolie!
FRITZ
désignant Wanda
Tenez, c'est cette petite, là-bas.
LA GRANDE-DUCHESSE
Fais-la venir.
FRITZ
Eh! Wanda!…
Elle n'ose pas
Allons, viens donc c'est timide
Ce n'est pas comme nous autres,
jeunes soldats.
Wanda s'est avancée et est venue se placer devant la Grande-duchesse
LA GRANDE-DUCHESSE
Il t'aime, ce grand garçon-là?
WANDA
timidement
Je le crois, madame.
LA GRANDE-DUCHESSE
Et toi, tu l'aimes?
WANDA
Oh! Pour cela, j'en suis sûre!
LA GRANDE-DUCHESSE
En vérité?
à part.
Ah çà! Qu'est-ce que J'éprouve donc, moi?
à Fritz
T'ai-je dit que tu étais lieutenant?
Elle se lève ainsi que les demoiselles d'honneur. Wanda regagne sa place
FRITZ
Non, altesse.
LA GRANDE-DUCHESSE
Eh bien, je te le dis.
Etonnement général
FRITZ
Eh bien, je vous remercie.
PUCK
bas, à Boum
Comme elle va! Comme elle va!
BOUM
bas
Soyez tranquille!
Voilà un lieutenant
Que demain je placerai à l'avant-garde.
LA GRANDE-DUCHESSE
Il fait chaud ici.
à ses demoiselles d'honneur.
Vous n'avez pas soif, mesdames?
IZA
Mais si fait, altesse!
LA GRANDE-DUCHESSE
Moi aussi.
PUCK
On va chercher des sorbets.
LA GRANDE-DUCHESSE
Que parlez-vous de sorbets?
Je veux boire ce que boivent mes soldats.
BOUM
Mais ils boivent.
LA GRANDE-DUCHESSE
Ce que la vivandière leur verse, sans doute!
à la vivandière
Eh bien, approchez, vivandière,
Et donnez-moi un verre
la vivandière approche et verse un petit verre à la Grande-duchesse
Jusqu'au bord
Je bois à vos victoires, soldats,
Je bois à votre retour.
Elle vide son verre. L'autre vivandière verse aux demoiselles d'honneur
TOUS
Vive la Grande-duchesse!
PUCK
bas, à Boum
La voyez-vous, mon élève! comme elle va!
BOUM
bas, à Puck
Voici le moment, je crois,
Pour la chanson.
PUCK
bas
C'est mon avis.
BOUM
allant à la Grande-duchesse
Vous plairait-il, altesse,
Puisque vous avez fait à vos soldats
L'honneur de venir passer
Quelques instants auprès d'eux,
Vous plairait-il d'entendre
La chanson de leur régiment?
LA GRANDE-DUCHESSE
à part
Ah! Très bien
elle regarde Puck. Haut
Mais cette chanson,
Général, je la connais.
BOUM
feignant la surprise
Est-il possible, altesse?
LA GRANDE-DUCHESSE
Et, si vous le voulez bien,
Je la chanterai moi même.
BOUM
Oh! Altesse!
LA GRANDE-DUCHESSE
Commençons!
BOUM
Hum! Hum!
LA GRANDE-DUCHESSE
Est-ce que vous allez chanter avec moi?
BOUM
Si votre altesse daigne permettre…
LA GRANDE-DUCHESSE
Un général en chef! oh! Non!
Ne compromettons pas votre dignité.
à Fritz
Viens, toi, tu chanteras avec moi.
BOUM
Oh! Vous n'y pensez pas!
LA GRANDE-DUCHESSE
Qu'est-ce que c'est?
BOUM
Un simple lieutenant chanter avec.
LA GRANDE-DUCHESSE
Un lieutenant, est-ce trop peu?
Je le fais capitaine cela suffit-il?
BOUM
s'inclinant d'un air contraint
Altesse.
LA GRANDE-DUCHESSEà Fritz
Venez, monsieur le capitaine,
Et chantez avec moi!
Chanson du Régiment
LA GRANDE-DUCHESSE
Ah! C'est un fameux régiment,
Le régiment de la Grande-duchesse!
FRITZ
Quand l'ennemi fait l'impertinent,
À tomber dessus faut
Voir comme il s'empresse!
LA GRANDE-DUCHESSE
C'est vrai qu'les housards ont du bon,
Et qu'c'est un aimable escadron.
FRITZ
Avec sa crinière dans l'dos,
L'dragon a l'air très comme il faut.
LA GRANDE-DUCHESSE
On sait qu'dans
L'corps des artilleurs
On n'prend qu'des hommes
Qu'ont d'la valeur.
FRITZ
Mais rien ne vaut, malgré cela,
Le beau régiment que voilà!
ENSEMBLE
Ah! sapre jeu!
Ah! ventre bleu
tara ta ta ta ta
Sonnez donc la trompette
Et battez, les tambours,
En l'honneur de la guerre,
En l'honneur des amours!
CHŒUR
Sonnez donc la trompette, etc.
LA GRANDE-DUCHESSE
Ah! C'est un fameux régiment,
Le régiment de la Grande-duchesse!
FRITZ
Il a l'honneur pour sentiment;
Et la victoire, il la z'a pour maîtresse!
LA GRANDE-DUCHESSE
Avec son superbe étendard,
Quand il arrive quelque part.
FRITZ
Les femmes, elles sont enchantées,
Mais c'est les hommes qui font un nez!
LA GRANDE-DUCHESSE
Quand il s'en va, le régiment,
Les choses, elles se passant autrement.
FRITZ
C'est les hommes
Qui sont enchantés,
Mais c'est les femmes
Qui font un nez!
ENSEMBLE
Ah! sapre jeu!
Ah! ventre bleu
tara ta ta ta ta
Sonnez donc la trompette
Et battez, les tambours,
En l'honneur de la guerre,
En l'honneur des amours!
CHŒUR
Sonnez donc la trompette, etc.
NÉPOMUC
revenant par le fond, à droite
Madame! madame!
LA GRANDE-DUCHESSE
Eh bien, qu'est-ce qu'il y a?
BOUM
Cette fois, monsieur,
J'espère que vous m'annoncez l'ennemi!
NÉPOMUC
Mais vous me dites toujours
La même chose!
à la Grande-duchesse
Madame, c'est le prince Paul
Il est arrêté aux avant-postes
Avec le baron Grog
Et il fait demander le mot d'ordre
Afin de pouvoir passer.
LA GRANDE-DUCHESSE
Le prince Paul! encore!
NÉPOMUC
Que faut-il répondre?
LA GRANDE-DUCHESSE
Enfin allez chercher le prince Paul
Et amenez-le moi
Quant au baron Grog,
Qu'on ne m'en parle plus!
J'ai refusé de le recevoir
Et ne le recevrai pas!
Népomuc sort par à droite. À Fritz
Allez mettre votre uniforme,
Monsieur le capitaine
Et, dès que vous l'aurez mis,
Revenez
Je tiens à voir comment il vous va.
FRITZ
Ça m'ira très bien.
Il sort
LA GRANDE-DUCHESSE
aux soldats
Allez, mes amis allez
Tout à l'heure,
Je vous reverrai une dernière fois,
Avant votre départ pour la bataille!
Sortent par à droite. Boum fait entrer les demoiselles d'honneur dans sa tente. Les paysannes s'éloignent et Wanda sort par la gauche