No 1 - Prélude
PREMIER ACTE
Une place à Séville. À droite, la porte de la manufacture de tabac. Au fond, face au public, pont praticable traversant la scène dans toute son étendue. De la scène on arrive à ce pont par un escalier tournant qui fait sa révolution à droite au-dessus de la porte de la manufacture de tabac. Le dessous du pont est praticable. A gauche, au premier plan, le corps de garde. Devant le corps de garde, une petite galerie couverte, exhaussée de deux ou trois marches; près du corps de garde, dans un râtelier, les lances des dragons avec leurs banderolles jaunes et rouges.
No 2 - Scène et choeur
Au lever du rideau, une quinzaine de soldats (Dragons du régiment d'Almanza) sont groupés devant le corps de garde. Les uns assis et fumant, les autres accoudés sur la balustrade de la galerie. Mouvement de passants sur la place. Des gens pressés, affairés vont, viennent, se rencontrent, se saluent, se bousculent, etc.
CHOEUR
Sur la place
Chacun passe,
Chacun vient, chacun va;
Drôles de gens que ces gens-là.
Drôles de gens! Drôles de gens!
MORALES
A la porte du corps de garde,
Pour tuer le temps,
On fume, on jase, l'on regarde
Passer les passants.
Sur la place, etc.
CHOEUR
Sur la place, etc.
Depuis quelques minutes Micaëla est entrée. Jupe bleue, nattes tombant sur les épaules, hésitante, embarrassée, elle regarde les soldats, avance, recule, etc.
MORALES
aux soldats
Regardez donc cette petite
Qui semble vouloir nous parler.
Voyez, voyez, elle tourne, elle hésite.
CHOEUR
À son secours il faut aller.
MORALES
à Micaëla
Que cherchez-vous, la belle?
MICAËLA
Moi! Je cherche un brigadier.
MORALES
Je suis là,
Voilà!
MICAËLA
Mon brigadier, à moi, s'appelle
Don José … le connaissez-vous?
MORALES
Don José, nous le connaissons tous.
MICAËLA
Vraiment? Est-il avec vous, je vous prie?
MORALES
Il n'est pas brigadier dans notre compagnie.
MICAËLA
désolée
Alors il n'est pas là.
MORALES
Non, ma charmante, il n'est pas là,
Mais tout à l'heure il y sera.
Oui, tout à l'heure il y sera.
Il y sera quand la garde montante
Remplacera la garde descendante.
TOUS
Il y sera quand la garde montante
Remplacera la garde descendante.
MORALES
Mais en attendant qu'il vienne,
Voulez-vous, la belle enfant,
Voulez-vous prendre la peine
D'entrer chez nous un instant?
MICAËLA
Chez vous!
CHOEUR
Chez nous.
MICAËLA
Non pas, non pas.
Grand merci, messieurs les soldats.
MORALES
Entrez sans crainte, mignonne,
Je vous promets qu'on aura
Pour votre chère personne
Tous les égards qu'il faudra.
MICAËLA
Je n'en doute pas;
Cependant je reviendrai,
Je reviendrai, c'est plus prudent.
Reprenant en riant la phrase du sergent.
Je reviendrai quand la garde montante
Remplacera la garde descendante.
MORALES et LE CHOEUR
entourant Micaëla
Il faut rester, car la garde montante
Va remplacer la garde descendante.
MORALES
Vous resterez!
MICAËLA
cherchant à se dégager
Non pas! Non pas!
MORALES et LE CHOEUR
Vous resterez, vous resterez, vous resterez.
Oui vous resterez, vous resterez.
MICAËLA
Non pas! Non pas! Non! Non! Non! Non!
Au revoir, messieurs les soldats.
Elle s'échappe et se sauve en courant.
MORALES
L'oiseau s'envole,
On s'en console.
Reprenons notre passe-temps,
Et regardons passer les gens.
CHOEUR
Sur la place, etc.
No 2 a - Couplets de Morales
Le mouvement des passants qui avait cessé pendant la scène de Micaëla a repris avec une certaine animation. Parmi les gens qui vont et viennent, un vieux monsieur donnant le bras à une jeune dame… Le vieux monsieur voudrait continuer sa promenade, mais la jeune dame fait tout ce qu'elle peut pour le retenir sur la place. Elle paraît émue, inquiète. Elle regarde à droite, à gauche. Elle attend quelqu'un et ce quelqu'un ne vient pas. - Cette pantomime doit cadrer très exactement avec le couplet suivant.
MORALES
Attention! Chut! Taisons-nous!
Voici venir un vieil époux,
Oeil soupçonneux, mine jalouse!
Il tient au bras sa jeune épouse;
L'amant sans doute n'est pas loin;
Il va sortir de quelque coin.
En ce moment un jeune homme entre rapidement sur la place.
Ah! Ah! Ah! Ah!
Le voilà.
Voyons comment ça tournera.
Le second couplet continue et s'adapte fidèlement à la scène mimée par les trois personnages. Le jeune homme s'approche du vieux monsieur et de la jeune dame, salue et échange quelques mots à voix basse, etc.
MORALES
imitant le salut empressé du jeune homme.
Vous trouver ici, quel bonheur!
Prenant l'air rechigné du vieux mari.
Je suis bien votre serviteur.
Reprenant l'air du jeune homme.
Il salue, il parle avec grâce.
Puis l'air du vieux mari.
Le vieux mari fait la grimace;
imitant les mines souriantes de la dame
Mais d'un air très encourageant
La dame accueille le galant.
Le jeune homme, à ce moment, tire de sa poche un billet qu'il fait voir à la dame.
Ah! Ah! Ah! Ah!
L'y voilà.
Voyons comment ça tournera.
Le mari, la femme et le galant font tous les trois très lentement un petit tour sur la place. Le jeune homme cherchant à remettre son billet doux à la dame.
MORALES
Ils font ensemble quelques pas;
Notre amoureux, levant le bras,
Fait voir au mari quelque chose,
Et le mari toujours morose
Regarde en l'air … Le tour est fait,
Car la dame a pris le billet.
Le jeune homme, d'une main, montre quelque chose en l'air au vieux monsieur et, de l'autre, passe le billet à la dame.
Ah! Ah! Ah! Ah!
Et voilà,
On voit comment ça tournera.
TOUS
riant
Ah! Ah! Ah! Ah!
Et voilà,
On voit comment ça tournera.
No 3 - Choeur des gamins
On entend au loin, très au loin, une marche militaire, clairons et fifres. C'est la garde montante qui arrive. Le vieux monsieur et le jeune homme échangent une cordiale poignée de main. Salut respectueux du jeune homme à la dame. Un officier sort du poste. Les soldats du poste vont prendre leurs lances et se rangent en ligne devant le corps de garde. Les passants à droite forment un groupe pour assister à la parade. La marche militaire se rapproche, se rapproche … La garde montante débouche enfin venant de la gauche et traverse le pont. Deux clairons et deux fifres d'abord. Puis une bande de petits gamins qui s'efforcent de faire de grandes enjambées pour marcher au pas des dragons. - Aussi petits que possible les enfants. Derrière les enfants, le lieutenant Zuniga et le brigadier Don José, puis les dragons avec leurs lances.
CHOEUR DES GAMINS
Avec la garde montante
Nous arrivons, nous voilà
Sonne, trompette éclatante,
Ta ra ta ta, ta ra ta ta;
Nous marchons la tête haute
Comme de petits soldats,
Marquant sans faire de faute,
Une … deux … marquant le pas.
Les épaules en arrière
Et la poitrine en dehors,
Les bras de cette manière
Tombant tout le long du corps;
Avec la garde montante
Nous arrivons, nous voilà!
Sonne, trompette éclatante,
Ta ra ta ta, ta ra ta ta.
La garde montante va se ranger à droite en face de la garde descendante. Dès que les petits gamins qui se sont arrêtes à droite devant les curieux ont fini de chanter, les officiers se saluent de l'épée et se mettent à causer à voix basse. On relève les sentinelles.
Mélodrame
MORALES
à Don José
Il y a une jolie fille qui est venue te demander.
Elle a dit qu'elle reviendrait
JOSÉ
Une jolie fille?
MORALES
Oui, et gentiment habillée, une jupe bleue, des nattes tombant sur les épaules …
JOSÉ
C'est Micaëla.
Ce ne peut être que Micaëla.
MORALES
Elle n'a pas dit son nom.
Les factionnaires sont relevés. Sonneries des clairons. La garde descendante passe devant la garde montante. - Les gamins en troupe reprennent derrière les clairons et les fifres de la garde descendante la place qu'ils occupaient derrière les tambours et les fifres de la garde montante.
CHOEUR DES GAMINS
Et la garde descendante
Rentre chez elle et s'en va.
Sonne, trompette éclatante,
Ta ra ta ta, ta ta ta ta.
Nous marchons la tête haute
Comme de petits soldats,
Marquant sans faire de faute,
Une … deux … marquant le pas.
Ta ta ta ta, ta ta ta ta, etc.
Soldats, gamins et curieux s'éloignent par le fond; choeur fifres et clairons vont diminuant. L'officier de la garde montante, pendant ce temps, passe silencieusement l'inspection de ses hommes. Quand le choeur des gamins et les fifres ont cessé de se faire entendre, le lieutenant dit.
«Présentez lances … Haut lances … Rompez les rangs».
Les dragons vont tous déposer leurs lances dans le râtelier, puis ils rentrent dans le corps de garde. Don José et Zuniga restent seuls en scène.
Dialogue parlé
ZUNIGA
Dites-moi, brigadier?
JOSÉ
se levant
Mon lieutenant.
ZUNIGA
Je ne suis dans 'e régiment que depuis deux jours et jamais je n'étais venu à Séville. Qu'est-ce que c'est que ce grand bâtiment?
JOSÉ
C'est la manufacture de tabacs …
ZUNIGA
Ce sont des femmes qui travaillent là?
JOSÉ
Oui, mon lieutenant. Elles n'y sont pas maintenant; tout à l'heure, après leur dîner; elles vont revenir. Et je vous réponds qu'alors il y aura du monde pour les voir passer.
ZUNIGA
Elles sont beaucoup?
JOSÉ
Ma foi, elles sont bien quatre ou cinq cents qui roulent des cigares dans une grande salle…
ZUNIGA
Ce doit être curieux.
JOSÉ
Oui, mais les hommes ne peuvent pas entrer dans cette salle sans une permission …
ZUNIGA
Ah!
JOSÉ
Parce que, lorsqu'il fait chaud, ces ouvrières se mettent à leur aise, surtout les jeunes.
ZUNIGA
Il y en a des jeunes?
JOSÉ
Mais oui, mon lieutenant.
ZUNIGA
Et de jolies?
JOSÉ
en riant
Je le suppose … Mais à vous dire vrai, et bien que j'aie été de garde ici plusieurs fois déjà, je n'en suis pas bien sûr, car je ne les ai jamais beaucoup regardées…
ZUNIGA
Allons donc!
JOSÉ
Que voulez-vous? … Ces Andalouses me font peur. Je ne suis pas fait à leurs manières, toujours à railler … jamais un mot de raison …
ZUNIGA
Et puis nous avons un faible pour les jupes bleues et pour les nattes tombant sur les épaules…
JOSÉ
riant
Ah! Mon lieutenant a entendu ce que me disait Moralès?…
ZUNIGA
Oui
JOSÉ
Je ne le nierai pas … la jupe bleue, les nattes, c'est le costume de la Navarre … ça me rappelle le pays .
ZUNIGA
Vous êtes Navarrais?
JOSÉ
Et vieux chrétien. Don José Lizzarabengoa, c'est mon nom … On voulait que je fusse d'église, et l'on m'a fait étudier. Mais je ne profitais guère, j'aimais trop jouer à la paume … Un jour que j'avais gagné, un gars de l'Alava me chercha querelle; j'eus encore l'avantage, mais cela m'obligea de quitter le pays. Je me fis soldat! Je n'avais plus mon père; ma mère me suivit et vint s'établir à dix lieues de Séville … avec la petite Micaëla … c'est une orpheline que ma mère a recueillie, et qui n'a pas voulu se séparer d'elle.
ZUNIGA
Et quel âge a-t-elle, la petite Micaëla?
JOSÉ
Dix-sept ans…
ZUNIGA
Il fallait dire cela tout de suite … Je comprends maintenant pourquoi vous ne pouvez pas me dire si les ouvrières de la manufacture sont jolies ou laides…
La cloche de la manufacture se fait entendre.
JOSÉ
Voici la cloche qui sonne, mon lieutenant, et vous allez pouvoir juger par vous-même … Quant à moi je vais faire une chaîne pour attacher mon épinglette.
No 4 - Choeur des cigarières
La place se remplit de jeunes gens qui viennent se placer sur le passage des cigarières. Les soldats sortent du poste. Don José s'assied sur une chaise, et reste là fort indifférent à toutes ces allées et venues, travaillant à son épinglette.
CHOEUR
La cloche a sonné, nous, des ouvrières
Nous venons ici guetter le retour;
Et nous vous suivrons, brunes cigarières,
En vous murmurant des propos d'amour.
A ce moment paraissent les cigarières, la cigarette aux lèvres. Elles passent sous le pont et descendent lentement en scène.
CHOEUR
Voyez-les … Regards impudents,
Mine coquette
Fumant toutes du bout des dents
La cigarette.
LES CIGARIÈRES
Dans l'air, nous suivons des yeux
La fumée,
Qui vers les cieux
Monte,
Monte parfumée.
Cela monte gentiment
À la tête;
Tout doucement
Cela vous met l'âme en fête.
Le doux parler des amants
C'est fumée;
Leurs transports et leurs serments
C'est fumée.
Oui c'est fumée,
C'est fumée.
LES JEUNES GENS
aux cigarières
Sans faire les cruelles,
Écoutez-nous, les belles
Vous que nous adorons,
Que nous idolâtrons.
LES CIGARIÈRES
Dans l'air,
Nous suivons des yeux la fumée,
La fumée.
Dans l'air, nous suivons des yeux
La fumée
Qui monte en tournant vers les cieux!
La fumée! La fumée!
CHOEUR
Mais nous ne voyons pas la Carmencita.
LES CIGARIÈRES et LES JEUNES GENS
La voilà,
La voilà,
Voilà la Carmencita.
Entre Carmen. Absolument le costume et l'entrée indiqués par Mérimée. Elle a un bouquet de cassie à son corsage et une fleur de cassie dans le coin de la bouche. Trois ou quatre jeunes gens entrent avec Carmen. Ils la suivent, l'entourent, lui parlent. Elle minaude et caquette avec eux. Don José lève la tête. Il regarde Carmen, puis se remet à travailler tranquillement à son épinglette.
LES JEUNES GENS
entrés avec Carmen
Carmen, sur tes pas, nous nous pressons tous;
Carmen, sois gentille, au moins réponds-nous
Et dis-nous quel jour tu nous aimeras.
Carmen, dis-nous quel jour tu nous aimeras!
CARMEN
les regardant
Quand je vous aimerai, ma foi, je ne sais pas.
Peut-être jamais, peut-être demain;
Mais pas aujourd'hui, c'est certain.
CARMEN
L'amour est un oiseau rebelle
Que nul ne peut apprivoiser,
Et c'est bien en vain qu'on l'appelle
S'il lui convient de refuser.
Rien n'y fait; menace ou prière,
L'un parle bien, l'autre se tait;
Et c'est l'autre que je préfère,
Il n'a rien dit, mais il me plaît.
L'amour est enfant de Bohème,
Il n'a jamais, jamais connu de loi;
Si tu ne m'aimes pas, je t'aime;
Si je t'aime,
Prends garde à toi!
L'oiseau que tu croyais surprendre
Battit de l'aile et s'envola
L'amour est loin, tu peux l'attendre
Tu ne l'attends plus … il est là
Tout autour de toi, vite, vite,
Il vient, s'en va, puis il revient
Tu crois le tenir, il t'évite,
Tu crois l'éviter, il te tient.
L'amour est enfant de Bohème,
Il n'a jamais connu de loi;
Si tu ne m'aimes pas, je t'aime;
Si je t'aime,
Prends garde à toi!
No 6 - Scène
LES JEUNES GENS.
Carmen, sur tes pas, nous nous pressons tous;
Carmen, sois gentille, au moins réponds-nous!
Réponds-nous! Réponds-nous!
O Carmen! Sois gentille, au moins réponds-nous!
Moment de silence. Les jeunes gens entourent Carmen,celle-ci les regarde l'un après l'autre, sort du cercle qu'ils forment autour d'elle et s'en va droit à Don José, qui est toujours occupé de son épinglette.
CARMEN
Eh! compère, qu'est-ce que tu fais là? …
JOSÉ
Je fais une chaîne avec du fil de laiton, une chaîne pour attacher mon épinglette.
CARMEN
riant
Ton épinglette, vraiment! Ton épinglette, épinglier de mon âme…
Elle arrache de son corsage la fleur de cassie et la lance à Don José. Il se lève brusquement. La fleur de cassie est tombée à ses pieds. Eclat de rire général.
CHOEUR
L'amour est enfant de Bohème,
Il n'a jamais, jamais connu de loi,
Si tu ne m'aimes pas, je t'aime!
Si je t'aime, prends garde à toi!
La cloche de la manufacture sonne une deuxième fois.
Sortie des ouvrières et des jeunes gens. Carmen sort la première en courant et elle entre dans la manufacture. Les jeunes gens sortent à droite et à gauche. Zuniga qui, pendant cette scène bavardait avec deux ou trois ouvrières, les quitte et rentre dans le poste après que les soldats y sont rentrés. Don José reste seul.
Monologue
JOSÉ
Qu'est-ce que cela veut dire, ces façons-là? … Quelle effronterie! …
En souriant.
Tout ça parce que je ne faisais pas attention à elle! Alors, suivant l'usage des femmes et des chats qui ne viennent pas quand on les appelle et qui viennent quand on ne les appelle pas, elle est venue …
Il regarde la fleur de cassie qui est par terre, à ses pieds. Il la ramasse.
Avec quelle adresse elle me l'a lancée, cette fleur … là, juste entre les deux yeux … ça m'a fait l'effet d'une balle qui m'arrivait …
Il respire le parfum de la fleur.
Comme c'est fort! … Certainement s'il y a des sorcières, cette fille-là en est une.
Entre Micaëla.
Dialogue parlé
MICAËLA
Monsieur le brigadier?
JOSÉ
cachant précipitamment la fleur de cassie
Quoi?… Qu'est-ce que c'est?… Micaëla! …C'est toi…
MICAËLA
C'est moi!
JOSÉ
Et tu viens de là-bas?
MICAËLA
Et je viens de là-bas …
C'est votre mère qui m'envoie…
No 7 - Duo
JOSÉ
Parle-moi de ma mère!
Parle-moi de ma mère!
MICAËLA
J'apporte de sa part, fidèle messagère,
Cette lettre.
JOSÉ
regardant la lettre
Une lettre.
MICAËLA
Et puis un peu d'argent
elle lui remet une petite bourse
Pour ajouter à votre traitement,
Et puis
JOSÉ
Et puis?
MICAËLA
Et puis? … Vraiment je n'ose,
Et puis … encore une autre chose
Qui vaut mieux que l'argent et qui,
Pour un bon fils,
Aura sans doute plus de prix.
JOSÉ
Cette autre chose, quelle est-elle?
Parle donc.
MICAËLA
Oui, je parlerai;
Ce que l'on m'a donné,
Je vous le donnerai.
Votre mère avec moi sortait de la chapelle,
Et c'est alors qu'en m'embrassant,
Tu vas, m'a-t-elle dit, t'en aller à la ville:
La route n'est pas longue,
Une fois à Séville,
Tu chercheras mon fils,
Mon José, mon enfant
Et tu lui diras que sa mère
Songe nuit et jour à l'absent
Qu'elle regrette et qu'elle espère,
Qu'elle pardonne et qu'elle attend;
Tout cela, n'est-ce pas? mignonne,
De ma part tu le lui diras,
Et ce baiser que je te donne
De ma part tu le lui rendras.
JOSÉ
très ému
Un baiser de ma mère?
MICAËLA
Un baiser pour son fils.
JOSÉ
Un baiser de ma mère?
MICAËLA
Un baiser pour son fils!
José, je vous le rends, comme je l'ai promis.
Micaëla se hausse un peu sur la pointe des pieds et donne à Don José un baiser bien franc, bien maternel. Don José très ému la laisse faire. Il la regarde bien dans les yeux. - Un moment de silence.
JOSÉ
continuant de regarder Micaëla
Ma mère, je la vois
Oui je revois mon village!
O souvenirs d'autrefois,
Doux souvenirs du pays!
Doux souvenirs du pays!
O souvenirs chéris!
Vous remplissez mon coeur
De force et de courage.
O souvenirs chéris!
Ma mère je la vois, je revois mon village!
MICAËLA
Sa mère, il la revoit!
Il revoit son village!
Ô souvenirs d'autrefois!
Souvenirs du pays!
Vous remplissez son coeur
De force et de courage.
O souvenirs chéris!
Sa mère il la revoit, il revoit son village!
JOSÉ
les yeux fixés sur la manufacture
Qui sait de quel démon
J'allais être la proie!
Même de loin,
Ma mère me défend,
Et ce baiser qu'elle m'envoie,
Ce baiser qu'elle m'envoie
Ecarte le péril et sauve son enfant.
MICAËLA
Quel démon, quel péril?
Je ne comprends pas bien.
Que veut dire cela?
JOSÉ
Rien! Rien!
Parlons de toi, la messagère
Tu vas retourner au pays…
MICAËLA
Oui, ce soir même,
Demain je verrai votre mère.
JOSÉ
Tu la verras! Eh bien tu lui diras:
Que son fils l'aime et la vénère,
Et qu'il se repent aujourd'hui.
Il veut que là-bas sa mère
Soit contente de lui!
Tout cela, n'est-ce pas? mignonne,
De ma part, tu le lui diras;
Et ce baiser que je te donne,
De ma part tu le lui rendras.
Il l'embrasse.
MICAËLA
Oui, je vous le promets
De la part de son fils
José, je le rendrai
Comme je l'ai promis.
JOSÉ
Ma mère, je la vois! etc.
MICAËLA
Sa mère, il la revoit! etc.
Dialogue parlé
JOSÉ
Attends un peu maintenant … je vais lire sa lettre…
MICAËLA
J'attendrai, monsieur le brigadier, j'attendrai…
JOSÉ
embrassant la lettre avant de commencer à lire
Ah!
Lisant
«Continue à te bien conduire, mon enfant! L'on t'a promis de te faire maréchal-des-logis. Peut-être alors pourrais-tu quitter le service, te faire donner une petite place et revenir près de moi. Je commence à me faire bien vieille. Tu rievendrais près de moi et tu te marierais, nous n'aurions pas, je pense, grand'peine à te trouver une femme, et je sais bien, quant à moi, celle que je te conseillerais de choisir: c'est tout justement celle qui te porte ma lettre... Il n'y en a pas de plus sage ni de plus gentille...
MICAËLA
l'interrompant
Il vaut mieux que je ne sois pas là!…
JOSÉ
Pourquoi donc?…
MICAËLA
troublée
Je viens de me rappeler que votre mère m'a chargé de quelques petits achats: je vais m'en occuper tout de suite.
JOSÉ
Attends un peu, j'ai fini…
MICAËLA
Vous finirez quand je ne serai plus là…
JOSÉ
Mais la réponse?
MICAËLA
Je reviendrai la prendre avant mon départ et je la porterai à votre mère … Adieu!
JOSÉ
Micaëla!
MICAËLA
Non, non … je reviendrai, j'aime mieux cela … je reviendrai, je reviendrai …
Elle sort.
JOSÉ
lisant
«Il n'y en a pas de plus sage, ni de plus gentille … il n'y en a pas surtout qui t'aime davantage … et si tu voulais … ' Oui, ma mère, oui, je ferai ce que tu désires… J'épouserai Mïcaëla, et quant à cette bohémienne, avec ses fleurs qui ensorcellent …
Au moment où il va arracher les fleurs de sa veste, grande rumeur dans l'intérieur de la manufacture. - Entre Zuniga suivi des soldats.
No 8 - Choeur
ZUNIGA
Que se passe-t-il donc là-bas?
Les ouvrières sortent rapidement et en désordre.
CHŒUR DES CIGARIÈRES
Au secours! N'entendez-vous pas?
Au secours, messieurs les soldats!
PREMIER GROUPE DE FEMMES
C'est la Carmencita.
DEUXIÈME GROUPE DE FEMMES
Non, non, ce n'est pas elle.
PREMIER GROUPE
C'est la Carmencita.
DEUXIÈME GROUPE
Non, non, ce n'est pas elle! Pas du tout!
PREMIER GROUPE
C'est elle! Si fait, si fait c'est elle!
Elle a porté les premiers coups.
TOUTES LES FEMMES
entourant le lieutenant
Ne les écoutez pas, monsieur, écoutez-nous,
Ecoutez-nous, monsieur, écoutez-nous!
PREMIER GROUPE
elles tirent l'officier de leur côté
La Manuelita disait
Et répétait à voix haute
Qu'elle achèterait sans faute
Un âne qui lui plaisait.
DEUXIÈME GROUPE
même jeu
Alors la Carmencita
Railleuse à son ordinaire,
Dit: Un âne, pour quoi faire?
Un balai te suffira.
PREMIER GROUPE
Manuelita riposta
Et dit à sa camarade:
Pour certaine promenade
Mon âne te servira.
DEUXIÈME GROUPE
Et ce jour-là tu pourras
A bon droit faire la fière;
Deux laquais suivront derrière
T'émouchant à tour de bras.
TOUTES LES FEMMES
Là-dessus toutes les deux
Se sont prises aux cheveux.
ZUNIGA
Au diable tout ce bavardage.
à Don José
Prenez, José, deux hommes avec vous
Et voyez là-dedans qui cause ce tapage.
PREMIER GROUPE
C'est la Carmencita!
DEUXIÈME GROUPE
Non, non ce n'est pas elle!
PREMIER GROUPE
Si fait, si fait c'est elle!
DEUXIÈME GROUPE
Pas du tout!
PREMIER GROUPE
Elle a porté les premiers coups!
ZUNIGA
Holà!
Eloignez-moi toutes ces femmes-là.
TOUTES LES FEMMES
Monsieur!
Monsieur!
Ne les écoutez pas! Monsieur, écoutez nous!
PREMIER GROUPE
C'est la Carmencita qui porta les premiers coups!
DEUXIÈME GROUPE
C'est la Manuelita qui porta les premiers coups!
PREMIER GROUPE
La Carmencita!
DEUXIÈME GROUPE
La Manuelita!
PREMIER GROUPE
Si! Si! Si! Si!
Elle a porté les premiers coups!
C'est la Carmencita!
DEUXIÈME GROUPE
Non! Non! Non! Non!
Elle a porté les premiers coups!
C'est la Manuelita!
Les soldats réussissent enfin à repousser les cigarières. Les femmes sont maintenues à distance autour de la place par une haie de dragons. Carmen paraît, sur la porte de la manufacture, amenée par Don José et suivie par deux dragons.
Dialogue parlé
ZUNIGA
Voyons, brigadier … Maintenant que nous avons un peu de silence … qu'est-ce que vous avez trouvé là-dedans?
JOSÉ
J'ai d'abord trouvé trois cents femmes, criant, hurlant, gesticulant, faisant un tapage à ne pas entendre Dieu tonner … D'un côté il y en avait une, les quatre fers en l'air, qui criait: Confession! Confession! … Je suis morte… Elle avait sur la figure un X qu'on venait de lui marquer en deux coups de couteau … en face de la blessée j'ai vu …
Il s'arrête sur un regard de Carmen.
ZUNIGA
Eh bien?
JOSÉ
J'ai vu mademoiselle …
ZUNIGA
Mademoiselle Carmencita?
JOSÉ
Oui, mon lieutenant
ZUNIGA
Et qu'est-ce qu'elle disait, Mademoiselle Carmencita?
JOSÉ
Elle ne disait rien, mon lieutenant, elle serrait les dents et roulait des yeux comme un caméléon.
CARMEN
On m'avait provoquée… je n'ai fait que me défendre… Monsieur le brigadier vous le dira …
à José
N'est-ce pas, monsieur le brigadier?
JOSÉ
après un moment d'hésitation
Tout ce que j'ai pu comprendre au milieu du bruit, c'est qu'une discussion s'était élevée entre ces deux dames, et qu'à la suite de cette discussion, mademoiselle, avec le couteau dont elle coupait le bout des cigares, avait commencé à dessiner des croix de saint André sur le visage de sa camarade .
Zuniga regarde Carmen; celle-ci, après un regard à DonJosé et un très léger haussement d'épaules, est redevenue impassible.
Le cas m'a paru clair. J'ai prié mademoiselle de me suivre…Elle a d'abord fait un mouvement comme pourrésister … puis elle s'est
résignée … et m'a suivi, douce comme un mouton!
ZUNIGA
Et la blessure de l'autre femme?
JOSÉ
Très légère, mon lieutenant, deux balafres à fleur de peau.
ZUNIGA
à Carmen
Eh bien! La belle, vous avez entendu le brigadier? …
à José
Je n'ai pas besoin de vous demander si vous avez dit la vérité.
JOSÉ
Foi de Navarrais, Mon lieutenant!
Carmen se retourne brusquement et regarde encore une fois José.
ZUNIGA
à Carmen
Eh bien! … Vous avez entendu? … Avez-vous quelque chose à répondre? … Parlez, j'attends…
No 9 - Chanson et mélodrame
Carmen, au lieu de répondre se met à fredonner.
CARMEN
Tra la la la la la la la
Coupe-moi, brûle-moi,
Je ne te dirai rien,
Tra la la la la la la la
Je brave tout, le feu, le fer
Et le ciel même.
ZUNIGA
Ce ne sont pas des chansons que je te demande, c'est une réponse.
CARMEN
Tra la la la la la la la
Mon secret je le garde et je le garde bien:
Tra la la la la la la la
J'en aime un autre et meurs en disant que je l'aime.
ZUNIGA
Ah! Ah! Nous le prenons sur ce ton-là …
à José
Ce qui est sûr, n'est-ce pas, c'est qu'il y eut des coups de couteau, et que c'est elle qui les a donnés .
En ce moment cinq ou six femmes à droite réussissent à forcer la ligne des factionnaires et se précipitent sur la scène en criant: «Oui, oui, c'est elle! … s' Une de ces femmes se trouve près de Carmen. Celle-ci lève la main et veut se jeter sur la femme. Don José arrête Carmen. Les soldats écartent les femmes, et les repoussent cette fois tout à fait hors de la scène. Quelques sentinelles continuent à rester en vue gardant les abords de la place.
ZUNIGA
à Carmen
Eh! Eh! Vous avez la main leste décidément.
aux soldats
Trouvez-moi une corde.
Moment de silence pendant lequel Carmen se remet à fredonner de la façon la plus impertinente en regardant l'officier.
UN SOLDAT
apportant une corde
Voilà, mon lieutenant.
ZUNIGA
à Don José
Prenez et attachez-moi ces deux jolies mains.
Carmen, sans faire la moindre résistance, tend en souriant ses deux mains à Don José.
C'est dommage vraiment, car elle est gentille … Mais si gentille que vous soyez, vous n'en irez pas moins faire un tour en prison. Vous pourrez y chanter vos chansons de bohémienne. Le porte-clefs vous dira ce qu'il en pense.
Les mains de Carmen sont liées, on la fait asseoir sur un escabeau devant le corps de garde. Elle reste là immobile, les yeux à terre.
Je vais écrire l'ordre.
à Don José
C'est vous qui la conduirez …
Il sort.
Un petit moment de silence. Carmen lève les yeux et regarde Don José. Celui-ci se détourne, s'éloigne de quelques pas, puis revient à Carmen qui le regarde toujours.
Dialogue parlé
CARMEN
Où me conduirez-vous?…
JOSÉ
À la prison, ma pauvre enfant …
CARMEN
Hélas! que deviendrai-je? Seigneur officier, ayez pitié de moi … Vous êtes si gentil …
José ne répond pas, s'éloigne et revient, toujours sous le regard de Carmen.
Cette corde, comme vous l'avez serrée, cette corde…
J'ai les poignets brisés.
JOSÉ
s'approchant de Carmen
Si elle vous blesse, je puis la desserrer … Le lieutenant m'a dit de vous attacher les mains … il ne m'a pas dit…
Il desserre la corde.
CARMEN
bas
Laisse-moi m'échapper, je te donnerai un morceau de la bar lachi, une petite pierre qui te fera aimer de toutes les femmes.
JOSÉ
s'éloignant
Nous ne sommes pas ici pour dire des balivernes … Il faut aller à la prison. C'est la consigne, et il n'y a pas de remèdes.
Silence.
CARMEN
Tout à l'heure vous avez dit: foi de Navarrais … vous êtes des Provinces? …
JOSÉ
Je suis d'Elizondo…
CARMEN
Et moi d'Etchalar…
JOSÉ
s'arrêtant
D'Etchalar! … c'est à quatre heures d'Elizondo, Etchalar.
CARMEN
J'ai été emmenée par des bohémiens à Séville. Je travaillais à la manufacture pour gagner de quoi retourner en Navarre, près de ma pauvre mère qui n'a que moi pour soutien … On m'a insultée parce que je ne suis pas de ce pays de filous, de marchands d'oranges pourries, et ces coquines se sont mises contre moi parce que je leur ai dit que tous leurs Jacques de Séville avec leurs couteaux ne feraient pas peur à un gars de chez nous avec son béret bleu et son maquila. Camarade, mon ami, ne ferez-vous rien pour une payse?Oui, c'est là que je suis née…
JOSÉ
Vous êtes Navarraise, vous?
CARMEN
Sans doute.
JOSÉ
Allons donc … il n'y a pas un mot de vrai … vos yeux seuls, votre bouche, votre teint … Tout vous dit bohémienne…
CARMEN
Bohémienne, tu crois?
JOSÉ
J'en suis sûr…
CARMEN
Au fait, je suis bien bonne de me donner la peine de mentir … Oui, je suis bohémienne, mais tu n'en feras pas moins ce que je te demande … Tu le feras parce que tu m'aimes…
JOSÉ
Moi!
CARMEN
Eh! oui, tu m'aimes … ne me dis pas non, je m'y connais! Tes égards, la facon dont tu me parles. Et cette fleur que tu as gardée. Oh! Tu peux la jeter maintenant … cela n'y fera rien. Elle est restée assez de temps sur ton coeur; le charme a opéré …
JOSÉ
avec colère
Ne me parle plus, tu entends, je te défends de me parler…
CARMEN
C'est très bien, seigneur officier, c'est très bien. Vous me défendez de parler, je ne parlerai plus .
No 10 - Séguedille et duo
CARMEN
Près des remparts de Séville,
Chez mon ami Lillas Pastia,
J'irai danser la séguedille
Et boire du Manzanilla!
J'irai chez mon ami Lillas Pastia.
Oui, mais toute seule on s'ennuie,
Et les vrais plaisirs sont à deux .
Donc pour me tenir compagnie,
J'emmènerai mon amoureux
Mon amoureux! … Il est au diable
Je l'ai mis à la porte hier .
Mon pauvre coeur très consolable,
Mon coeur est libre comme l'air .
J'ai des galants à la douzaine,
Mais ils ne sont pas à mon gré;
Voici la fin de la semaine,
Qui veut m'aimer je l'aimerai.
Qui veut mon âme … elle est à prendre .
Vous arrivez au bon moment,
Je n'ai guère le temps d'attendre,
Car avec mon nouvel amant
Près des remparts de Séville.
Chez mon ami Lillas Pastia,
J'irai danser la séguedille
Et boire du Manzanilla.
Oui, j'irai chez mon ami
Lillas Pastia!
JOSÉ
Tais-toi, je t'avais dit de ne pas me parler.
CARMEN
Je ne te parle pas … je chante pour moi-même,
Et je pense … il n'est pas défendu de penser,
Je pense à certain officier qui m'aime,
Et qu'à mon tour, oui qu'à mon tour
Je pourrais bien aimer!
JOSÉ
Carmen!
CARMEN
Mon officier n'est pas un capitaine,
Pas même un lieutenant,
Il n'est que brigadier.
Mais c'est assez pour une bohémienne,
Et je daigne m'en contenter!
JOSÉ
déliant la corde qui attache les mains de Carmen
Carmen, je suis comme un homme ivre,
Si je cède, si je me livre,
Ta promesse, tu la tiendras .
Ah! Si je t'aime, Carmen,
Carmen tu m'aimeras .
CARMEN
Oui…
JOSÉ
Chez Lillas Pastia.
CARMEN
Nous danserons la séguedille
En buvant du manzanilla.
JOSÉ
Tu le promets!
Carmen! Tu le promets!
CARMEN
Ah! Près des remparts de Séville
Chez mon ami Lillas Pastia,
Nous danserons la séguedille
Et boirons du Manzanilla.
Tra la la la la la la la la la la!
JOSÉ
Le lieutenant! … Prenez garde.
Carmen va se replacer sur son escabeau, les mains derrière le dos. Rentre Zuniga.
No 11 - Final
ZUNIGA
Voici l'ordre, partez et faites bonne garde…
CARMEN
bas, à José
En chemin je te pousserai, je te pousserai
Aussi fort que je le pourrai
Laisse-toi renverser … le reste me regarde!
Elle se place entre les deux dragons. José à côté d'elle. Les femmes et les bourgeois pendant ce temps sont rentrés en scène toujours maintenus à distance par les dragons . Carmen traverse la scène de gauche à droite allant vers le pont…
CARMEN
L'amour est enfant de Bohème,
Il n'a jamais connu de loi;
Si tu ne m'aimes pas, je t'aime,
Si je t'aime, prends garde à toi.
En arrivant à l'entrée du pont à droite, Carmen pousse José qui se laisse renverser. Confusion, désordre, Carmen s'enfuit. Arrivée au milieu du pont, elle s'arrête un instant, jette sa corde à la volée par-dessus le parapet du pont et se sauve pendant que sur la scène, avec de grands éclats de rire, les cigarières entourent le lieutenant.