DUEXIÈME ACTE

(La grade cour-jardin d'une vieille et importante posada à l'enseigne:"Bon gîte contre bon argent."Des voyageurs, des voyageuses crient,tempêtent contre l'Aubergiste, contre les valetset les servantes de l'auberge)

▼TOUS LES VOYAGEURS▲
(à tue-tête)
Une chambre!

▼LES SERVANTES▲
(à tue-tête)
Rien!

▼TOUS LES VOYAGEURS▲
Une chambre!

▼LES SERVANTES▲
Rien!

▼L'AUBERGISTE▲
(à tue-tête)
Je vous dis que tout est pris.

▼TOUS LES VOYAGEURS▲
Une chambre! Une chambre!
à n'importe quel prix!

▼L'AUBERGISTE▲
Rien! Je vous dis que tout est pris. Rien!

▼LES SERVANTES▲
On vous dit que tout est pris.

▼TOUS LES VOYAGEURS▲
… à n'importe quel prix!
Une chambre! une chambre!
une chambre!
à n'importe quel prix!

▼L'AUBERGISTE▲
Toute est pris! tout est
pris! toute est pris!
Puis qu'on vous dit que tout es pris!

▼LE SERVANTES ▲
Tout est pris! tout est pris!
tout est pris!
Puis qu'on vous dit que tout est pris!

▼TOUS LES VOYAGEUSES▲
(à l'Aubergiste, d'un air menaçant)
Sur son enseigne on n'inscrit pas
«Bon gîte contre bon argent!»
Quand on ne peut loger les gens!

▼LES VOYAGEURS▲
(de même)
Sur son enseigne on n'inscrit pas
«Bon gîte contre bon argent!»
Quand on ne peut loger les gens!

▼L'AUBERGISTE▲
(apoplectique)
Ah! pas tant de désinvolture!
Vous n'êtes pas nobles , ma foi!
C'est demain grand bal chez le Roi!
Allez coucher dans vos voitures.

▼TOUS LES VOYAGEURS▲
(rageuses exclamations des voyageurs)
Ah!

▼L'AUBERGISTE▲
Et n'abîmez pas mon jardin!

▼TOUS LES VOYAGEURS▲
(tous, exaspérés)
Butor! gredin!
Qu'on le bâtonne, qu'on le tue!
Misérable!

▼L'AUBERGISTE▲
(très bousculé par les voyageurs)
A moi, mes gens! dehors, plébéienne cohue!

▼LES SERVANTES▲
Dehors! Dehors! Dehors! Dehors!

▼TOUS LES VOYAGEURS▲
Butor! Butor!
Gredin! Gredin! Misérable!

▼LES SERVANTES▲
Dehors! Dehors!

▼TOUS LES VOYAGEURS▲
(tout, en hurlant)
Non! Non!

(Les Valets et les Servantes, à coupsde broches, de balais etc… chassentces forcenés dehors. - Cris, tumulte.La Comtesse et La Baronneparaissent)

▼LA COMTESSE▲
Ah! Baronne! Enfin, c'est ici.

▼LA BARONNE▲
Je n'en puis plus, chère Comtesse.

▼L'AUBERGISTE▲
(à part)
Comtesse, Baronne!!

(avec suffisance)

… ah! voici les gens que j'aime, la Noblesse!!

(s'avançant et saluant)

Mesdames, mon respect
me prosterne à vos pieds.

▼LA BARONNE▲
(à l'Aubergiste lui coupant la parole)
Où sont nos chambres?

▼LA COMTESSE▲
Nos époux ont dû, je suppose,
Retenir nos appartements?

▼L'AUBERGISTE▲
(empressé)
Oui, deux appartements charmants;
L'un est tout bleu,
l'autre est tout rose,
Que vos grâces lèvent les yeux… C'est là.

▼LA COMTESSE▲
(regardant avec son face à main)
Ce balcon du milieu?

▼LA BARONNE▲
(prétentieuse, sentimentale)
Où s'enchevêtrent des glycines…

▼L'AUBERGISTE▲
Non… les deux fenêtres voisines…
Là…

▼LA COMTESSE▲
(sursautant)
Une lucarne!

▼LA BARONNE▲
(horrifiée)
Un oeil de boeuf!

▼L'AUBERGISTE▲
Le mobilier en est tout neuf.

▼LA BARONNE▲
C'est affreux!

▼LA COMTESSE▲
Horrible!

▼LA BARONNE▲
Lugubre!

▼L'AUBERGISTE▲
(faisant l'article)
C'est au Midi, c'est très salubre.

▼LA COMTESSE▲
(ultra nerveuse)
Nous choisir ces taudis!
nos maris étaient gris!

(d'un air décidé)

J'arrête l'autre chambre à n'importe quel prix!

▼L'AUBERGISTE▲
C'est impossible.

▼LA COMTESSE▲
Ah! ça, bélître.
ignores-tu mon rang?

▼LA BARONNE▲
Mon titre?

▼L'AUBERGISTE▲
(tout en s'inclinant)
Ah! fussiez-vous princesses de Bagdad,
Je vous refuserais.

▼LA COMTESSE▲
La colère me gagne.
Manant!
Loges-tu donc ce soir le roi d'Espagne?

▼L'AUBERGISTE▲
(avec mystère)
Le roi, non…
Mais qui sait… la Reine?
L’Ensoleillad!!

▼LA COMTESSE▲
La danseuse!

▼LA BARONNE▲
Une fille!

▼LA COMTESSE▲
Ah! j'étouffe!

▼LA BARONNE▲
J'enrage!

▼LA COMTESSE▲
J'étouffe!

▼LA BARONNE▲
J'enrage!

▼L'AUBERGISTE▲
(survenant)
Quel est ce bruit?

▼LE COMTESSE▲
(au Comte avec agitation)
Monsieur, c'est un indigne outrage!

▼LA BARONNE▲
(renchérissant)
A quoi donc sert notre vertu?

▼LA COMTESSE▲
(de même)
A quoi donc sert notre noblesse?
Si par l'aplomb d'une drôlesse

▼LA BARONNE▲
Si par l'aplomb d'un drôlesse

▼LE COMTE▲
(effrayé)
Chut!

▼LE BARON▲
(qui est entré avec le Comte,de même)
Chut!

▼LA BARONNE, LA COMTESSE▲
Notre prestige est abattu!
A quoi donc sert notre vertu!!

▼LE COMTE, LE BARON, L'AUBERGISTE▲
(tous trois avec mystère et frayeur)
Chut! Chut! parlez tout bas!

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
… notre vertu!

▼LE COMTE, LE BARON, L'AUBERGISTE▲
Chut!
parlez tout bas!

▼LE COMTE▲
La prudence vous le commande.

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
Pourquoi?

▼LE BARON▲
(en confidence)
Vous ne savez donc pas qu'ici

▼LE COMTE, LE BARON, L'AUBERGISTE▲
C'est le Roi qui la commande.

▼LE DUC▲
(survenant)
Holà!
quelqu'un!

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
Le Duc!

▼LE DUC▲
(à la Comtesse, à la Baronne)
Mesdames!

(Il leur baise la main; au Comte,au Baron)

Messieurs, le devoir vous réclame;
Le Roi reçoit dans un moment.

▼LE COMTE, LE BARON▲
Nous partons.

(Le Comte et le Baron s'inclinent les domestiques les aident à s'apprêter)

▼LE DUC▲
(mystérieusement à l'Aubergiste)
Cet appartement?

▼L'AUBERGISTE▲
(montrant la fenêtre du balcon)
Le voilà!

▼LE DUC▲
(à l'Aubergiste)
C'est bien…
La personne vous arrivera d'ici peu…

(Il remet des pièces d'or àl'Aubergiste)

▼L'AUBERGISTE▲
(saluant très bas)
Que votre Seigneurerie est bonne…

▼LE DUC▲
Adieu, Mesdames!

▼LE COMTESSE, LE BARONNE▲
(font leur plus belle révérence)
Duc, adieu!

(Le Duc, le Comte et le Baron sortent)

▼LE CAPITAINE RICARDO, 6 MANOLAS et 6 OFFICIERS▲
(Au loin, et se rapprochant peu à peu,la voix des officiers et de leurs petitesamies)
Le vin rend gai, l'amour rend fou,

▼L'AUBERGISTE▲
(allant aussitôt regarder au dehors)
Voici les officiers.

(Il frappe dans ses mains; servantes et valets arrivent apportant des tables,etc)

▼RICARDO▲
Vive Bacchus!

▼RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲
Vive Cythère!
Sur terre on vit très peu de temps.

▼RICARDO▲
Il faut donc s'amuser,

▼RICARDO, MANOLAS et OFFICIERS▲
Il faut donc s'amuser beaucoup!

(La troupe joyeuse envahit le jardinde la posada)

▼MANOLAS▲
(sopranos, en criant)
Des gâteaux! Des gâteaux!

(Officiers et Manolas s'installent s'embrassent; rires et cris)

▼OFFICIERS▲
(ténors, s'exclamant)
Pas ce vin là! non!

▼LA COMTESSE▲
(à l'Aubergiste)
Quelles sont ces femmes?

▼L'AUBERGISTE▲
Des filles de plaisir.

▼LA BARONNE▲
(entraînant la Comtesse vers laposada)
Cette auberge est infâme.

▼RICARDO, MANOLAS et OFFICIERS▲
Le vin rend gai,
l'amour rend fou.

▼RICARDO▲
C'est moi, Ricardo, qui régale!

▼L'AUBERGISTE▲
Holà!
à ces seigneurs versez
de mon vieux vin Manzanille.

(Nouvelles exclamations joyeuses)

▼MANOLAS▲
(réclamant, à tue-tête)
Des gâteaux!

▼RICARDO▲
(à l'Aubergiste; avant de boire et montrant son verre plein)
Est-il très bon?

▼L'AUBERGISTE▲
(n'osant pas trop s'avancer)
Il est meilleur.

▼MANOLAS, OFFICIERS▲
(en joie)
Sur terre on vit très peu de temps!

▼RICARDO▲
(très cavalièrement à l'Aubergiste)
Si tout n'est pas très fin, hôtelier,
on t'étrille.
Apprends donc que dans un moment
Nous allons tous fêter,
Avec ces belles filles,
Un nouveau compagnon, cornette au régiment!

▼L'AUBERGISTE▲
(s'éloignant)
Vous serez satisfait.

(Les Manolas arrangent leurscoiffures; tapotent leurs robes tout encausant)

▼UNE FILLE▲
Quel âge a ce cornette?

▼RICARDO▲
(négligemment)
Je ne sais pas!

▼UNE AUTRE FILLE▲
Vingt ans?

▼UN AUTRE▲
Trente ans?

▼UN AUTRE▲
Blond?

▼UNE AUTRE▲
Beau garçon?

▼UNE AUTRE▲
Ses titres?

▼LA 1re▲
… son pays?

▼LA 2de▲
… son rang?

▼RICARDO▲
Que de sornettes!

(Enlaçant la taille d'une belle fille:Pepa)

Pensez à nous,
Qu'il aille au diable!

▼DEUX OFFICIERS▲
Il a raison!

▼QUATRE AUTRES OFFICIERS▲
Il a raison!

▼TOUTES MANOLAS▲
(se récriant)
Mais nous sommes ici pour fêter sa venue!

▼CHÉRUBIN▲
(apparaissant sur le seuilde la posada)
Camarades, et vous, beautés, je vous salue!

▼RICARDO, OFFICIERS▲
(stupéfiés)
C'est lui! c'est lui! qu'il est petit! qu'il est petit!

▼TOUTES LES MANOLAS▲
(surprises)
C'est lui! c'est lui!
Qu'il est gentil! qu'il est mignon!

▼RICARDO▲
Mon sabre est plus haut que son corps!

▼UN TRÈS GRAND OFFICIER▲
(basse ou baryton - grosse voix)
Il nous arrive à la ceinture!

▼RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲
… qu'il est petit!

▼CHÉRUBIN▲
(se mordant les lèvres, arrive crânement sur eux)
Je ne suis pas grand, mais… tout doux…
Vous verrez que sous la mitraille
Je saurai redresser la taille,
Et qu'à la première bataille
Je paraîtrai plus grand que vous!

▼LES MANOLAS▲
(applaudissant Chérubin)
Bravo! Bravo! Bravo! Bravo!

(Chérubin embrasse et lutine une desfilles, Pepa)

▼LES OFFICIERS▲
(furieux)
Comment, il embrasse… il caresse…

▼RICARDO▲
(furieux)
Ma maîtresse! Il a besoin d'une leçon!

(s'avançant)

Çà, deux mots, mon jeune garçon!

▼CHÉRUBIN▲
(a frémi sous cette interpellation)
Je suis à vos ordres, brave homme!

▼RICARDO▲
(suffoqué)
Brave homme!
Il veut que je l'assomme!

▼CHÉRUBIN▲
(il met la main à son épée)
Assommez-moi, si vous l'osez!

▼LES MANOLAS▲
(avec transport)
Bravo! Bravo!

▼RICARDO▲
(hors de lui)
L'audace est sans pareille!

(à Chérubin)

Si je vous vois encor donner un seul baiser
Je vais vous couper les oreilles!

(Il met la main à son épée; Chérubinl'arrête du geste)

▼CHÉRUBIN▲
(à Ricardo, gentiment)
Ne mettez pas flamberge au vent
Pour chaque baiser que je donne,
Vous vous battriez trop souvent!

▼RICARDO▲
(à ses amis, montrant Chérubin)
Il raille encor!

▼CHÉRUBIN▲
(reprenant)
Mais si vous tentez ce destin
Vous vous battrez comme respire.
Vous vous battrez soir et matin

(sans respirer)

Et la nuit! Car la nuit m'inspire!

(d'un petit air rageur)

Vous vous battrez à l'infini,
Vous en aurez crampes et fièvres!

(très souriant et moqueur)

On voit moins d'abeilles au nid
Que je n'ai de baisers aux lèvres!

▼RICARDO▲
(dégaînant)
Battons-nous donc!

▼CHÉRUBIN▲
(avec son plus fin sourire)
C'est entendu!

(Les Valets accourent et ouvrent la grande porte de fond. On aperçoit une jeune femme très élégante descendre d'un carrosse. Elle a un loup)

▼LES MANOLAS▲
(à Ricardo, à Chérubin, aux Officiers)
L'arme au fourreau.
Le duel est défendu!

▼CHÉRUBIN▲
(observant les mouvements de lajeune femme)
Quelle taille! et quel fin visage!

(aux Manolas)

Mesdames, livrez-moi passage,
Je vais l'embrasser sous son loup.

(L'Ensoleillad masquée, entre, suivie de ses femmes)

▼LES MANOLAS▲
(à Chérubin)
Vous la connaissez?

▼CHÉRUBIN▲
(lestement)
Pas du tout!

(Chérubin embrasse L'Ensoleillad sur le cou; surprise, elle retire sonmasque. Chérubin stupéfié reconnaitL'Ensoleillad)

▼L'ENSOLEILLAD▲
(à Chérubin)
C'est vous?

▼CHÉRUBIN▲
C'est vous!

(pliant le genou et lui baissant la main)

Ah! j'ai l'âme marrie,
Me pardonnerez vous jamais ma brusquerie!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(lui faisant signe de se relever)
En effet, le baiser fut brusque et mal donné!

(tendant la joue)

Faites mieux, cette fois, vous serez pardonné!

(Au milieu des acclamations et des rires des Manolas, Chérubin embrasse du bout des lèvres Ensoleillad)

▼RICARDO▲
(à Chérubin, s'impatientant)
Monsieur, je vous attends.

▼CHÉRUBIN▲
(dégaînant)
En garde!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(voulant l'arrêter)
Comment! Un duel! vous êtes fou!

▼CHÉRUBIN▲
Un bon ange me garde
Puisque je me bats devant vous.

(aux Manolas; simple et galant)

Daignez ici prendre vos aises.

(aux Serviteurs)

Servantes, valets, quelques chaises…

(Les Officiers installent les dames afin qu'elles soient bien placées pour assister au duel; pendant ce temps les violons arrivent)

▼LE TRÈS GRAND OFFICIER▲
Voici les violons mandés pour le festin.

▼RICARDO▲
(nerveux)
Renvoyez-les.

▼CHÉRUBIN▲
(très gai)
Du tout,
battons-nous en musique!

▼RICARDO▲
Renvoyez-les,
c'est enfantin!

▼CHÉRUBIN▲
Non, qu'ils entrent!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(lui envoyant un baiser et une rose)
C'est héroïque!

▼RICARDO▲
(à Chérubin)
Etes-vous bientôt prêt
Car la main me picote.

▼CHÉRUBIN▲
(à L'Ensoleillad, ayant ramasséla rose)
Vos pieds n'ont pas de tabouret.

(à Ricardo)

J'y suis!

(aux violons)

Messieurs!

(Il lance aux musiciens une bourse pleine; puis il met la rose de l'Ensoleillad à sa bouche et tombe en garde. Les violons se hâtent des'accorder)

Une gavotte!

(Le duel commence)

▼L'ENSOLEILLAD▲
J'ai peur!

▼RICARDO▲
A toi!

▼CHÉRUBIN▲
(parlé)
Manqué!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(se cachant la tête derrière sonéventail)
Mon Dieu!

▼LES MANOLAS▲
(à deux)
J'ai chaud!

▼D'AUTRES▲
J'ai froid!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Seigneur! Je tremble!

▼LES MANOLAS▲
(petit cri d'effroi)
Ah!

▼CHÉRUBIN▲
(aux musiciens, tout en se battant)
…ça, messieurs de l'archet, voyons… un peu d'ensemble!!

(L'Aubergiste accourt avec Le Philosophe. Cri des filles; à cettereprise Chérubin est près d'être touché. L'Ensoleillad s'évanouiton l'entoure)

▼LE PHILOSOPHE▲
(éploré)
Un duel!

▼L'AUBERGISTE▲
Un duel! chez moi!

(criant)

Alguazils!

(à ce mot, grand tohu-bohu)

alguazils!!

▼CHÉRUBIN▲
(tenant l'Aubergiste par le cou)
Tais-toi! tais-toi!

(Chérubin lâche l'Aubergiste pour courir aux pieds de l'Ensoleillad évanouie)

▼LES MANOLAS et LES OFFICIERS▲
Quelle algarade!

▼RICARDO▲
(apercevant Chérubin aux pieds de l'Ensoleillad)
Mais… que fait-il encor?

▼LES OFFICIERS▲
(calmant Ricardo)
Du calme, camarade!

▼LE PHILOSOPHE▲
(affolé; au capitaine Ricardo)
Quoi! vous vouliez j'en suis tremblant,
Tuer cet enfant là…

▼RICARDO▲
(furieux)
Dites: cet insolent!

(tremblant de colère)

Embrasser Pepa, ma maîtresse;
C'est un outrage.

▼LE PHILOSOPHE▲
(indulgent)
Une caresse!

▼RICARDO▲
Il l'offensa!

▼LE PHILOSOPHE▲
(rectifiant)
Il l'embrassa.

▼RICARDO▲
C'est une insulte, sur mon âme!

▼LE PHILOSOPHE▲
Ah!

(avec vivacité)

comme l'on voit bien que vous n'êtes pas femme!

(Tout cette scène avec agitation, émotion tendre, et chaleur sans cesse grandissante, très larmoyant)

Songez, monsieur, que l'on est au printemps…
Que la fille est jolie
et qu'il a dix-sept ans!

(avec émotion et agitation)

Dix-sept ans!
c'est un coeur que l'amour illumine.
On rêve… on chante… on rit… on veut mourir,…
Et l'on est malheureux de ne pouvoir souffrir…

(chaleureux)

Et l'âme se fleurit comme l'herbe au printemps!
Songez donc! dix-sept ans!
Songez donc! dix-sept ans!
Dix-sept ans!

(avec des larmes)

dix-sept ans!!

▼RICARDO▲
(ému, prenant les mains du Philosophe)
Ah! vous avez raison!

▼L'AUBERGISTE▲
(accourant, s'épongeant le front tout en regardant l'Ensoleillad qui sourit à Chérubin)
Quel discrédit pour ma maison!

▼CHÉRUBIN▲
(allant vers Ricardo)
A nous!

▼RICARDO▲
(bon enfant, tendant la main à Chérubin)
Ta main!

▼L'AUBERGISTE▲
(désespéré de ce qui arrive)
L'Ensoleillad évanouie!

▼LES MANOLAS, OFFICIERS▲
C'était l'Ensoleillad!

▼L'AUBERGISTE▲
(avec la voix brisée par l'émotion)
Messieurs! j'avais l'honneur…
de recevoir chez moi… L'Ensoleillad…
mandée au Palais… par le Roi!

▼RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲
Par le Roi!

(Le temps que Chérubin est de nouveau avec l'Ensoleillad, Le Philosophe en profite pour jeter le trouble en l'âme des assistants)

▼LE PHILOSOPHE▲
Si le Roi connaît cette affaire
Nous sommes tous perdus…

▼RICARDO, L'AUBERGISTE, MANOLAS, OFFICIERS▲
(Tous, effrayés et entre eux)
Si le Roi connaît cette affaire
Nous sommes tous perdus!
Que faire?

▼L'ENSOLEILLAD▲
(arrivant en s'éventant, toute gracieuse et provocante)
Bah! messieurs, c'est tout arrangé.
Vous parlez de péril de crime,
Mais on ne s'est pas égorgé;
Ce duel n'était qu'un jeu d'escrime.

(Le Philosophe ravi, rentre dans la posada en soufflant et ens'épongeant. Une coupe de champagne à la main, avec crânerie et désinvolture)

Plus de soucis, de la gaîté!
Ah! buvons
pour que la joie en nos âmes renaisse!
Filles, buvez à la jeunesse!

(éclatant de rire et d'ivresse)

Ah! Garçons, buvez, buvez à la beauté! à la

(caressant)

beauté!

(tendre et amoureux)

Je bois à vox amants, je bois à vos maîtresses,
Je bois aux coeurs heureux,
aux coeurs brisé…
amis!: Je bois à toutes les caresses,
Et je bois à tous les baisers!
Oui! je bois à tous les baisers!
Je bois aux baisers, aux caresses…
à tous les baisers!

▼CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲
(Les Manolas et les Officiers, avecune joie enthousiaste)
A l'Ensoleillad! à l'Ensoleillad!
à la Reine de l'amour et de la beauté!!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Je bois à la beauté!!

(entourée de tous ces jeunes genset des belles filles)

Soit, j'accepte la Royauté,
Mais puisque je suis souveraine,
A l'endroit du duel, ici même,
J'ouvre le bal!
Me suit qui m'aime!

(très marqué et saccadé)

La! La! La!

(l'Ensoleillad danse la manila)

▼TOUS▲
(dans un grand élan)
Brava!

(cri prolongé)

▼L'AUBERGISTE▲
(accourant)
Madame, en votre appartement
votre poudreuse est préparée.

▼CHÉRUBIN▲
(avec chagrin)
Vous partez?

▼RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲
(désolés)
Vous partez?

▼L'ENSOLEILLAD▲
(avec mélancolie)
Les meilleurs moments ont, hélas,
le moins de durée!

▼CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲
Vous partez?

▼L'ENSOLEILLAD▲
Adieu, adieu, ma petite cour,
Un destin plus grand loin de vous m'entraîne,
Mais dans un palais quand je serai Reine
Je regretterai ce règne d'un jour!
Adieu! ma petite cour! adieu!

▼CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲
Adieu, notre Reine d'un jour! adieu!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(à Chérubin avant de disparaître)
J'espère vous revoir.

▼CHÉRUBIN▲
(très amoureux)
Ah! combien je vous aime!

(L'Ensoleillad disparaît)

▼LES OFFICIERS▲
(à Chérubin, avant de partir)
Au revoir, camarade, à demain!

▼RICARDO▲
(à Chérubin)
Mon estime est pour vous extrême,
Serrons-nous à nouveau la main.

▼LES OFFICIERS▲
(cordial)
Au revoir, camarade, à demain!

▼CHÉRUBIN▲
(aux amis qui s'éloignent)
Le vin rend gai, l'amour rend fou!
Vive Bacchus!

▼MANOLAS, OFFICIERS▲
(en disparaissent)
Vive Cythère!

▼CHÉRUBIN▲
Sur terre on vit très peu de temps!

▼MANOLAS, OFFICIERS▲
(assez loin)
Il faut donc s'amuser…

▼CHÉRUBIN▲
Il faut donc s'amuser beaucoup!

(Le crépuscule commence à tomber)

▼OFFICIERS▲
(très loin)
Le vin rend gai, l'amour rend fou!
Vive Bacchus!

▼LE PHILOSOPHE▲
(qui vient d'entrer et écoute les voixqui s'atténuent; à chérubin)
Médite sur ceci, Chérubin, et prends garde…

▼CHÉRUBIN▲
(nerveux, lui coupant la parole)
Laisse-moi, tu bavardes!

▼LE PHILOSOPHE▲
(saisi)
Qu'as-tu donc?

▼CHÉRUBIN▲
Je me tiens à quatre
Pour ne pas, toi, te provoquer!

▼LE PHILOSOPHE▲
Comment, moi?

▼CHÉRUBIN▲
J'ai failli me battre
Et mon premier duel est manqué.

▼LE PHILOSOPHE▲
(anéanti)
Quoi! c'est cela qui te tracasse;
Vraiment, c'est à désespérer.

▼CHÉRUBIN▲
(regardant la fenêtre de l'Ensoleilladqui s'est éclairée)
L'Ensoleillad devant sa glace
Doit en ce moment se parer

▼LE PHILOSOPHE▲
(inquiet)
Viens donc!

▼CHÉRUBIN▲
Non!

(Durant que Chérubin va et vient cherchant à apercevoir l'Ensoleillad, le Philosophe le suit tout en parlant; et Chérubin lui répond de façon très distraite)

▼LE PHILOSOPHE▲
Le Duc te déteste,
Et le Comte demeure ici.

▼CHÉRUBIN▲
(sur la point des pieds)
Raison de plus pour que je reste;
Je verrai ma marraine aussi.

▼LE PHILOSOPHE▲
Songe au péril qui t'environne.

▼CHÉRUBIN▲
Me prends-tu donc pour un poltron?

▼LE PHILOSOPHE▲
(de plus en plus agité)
Cette fenêtre est au baron.

▼CHÉRUBIN▲
Bravo! je verrai la baronne!

▼LE PHILOSOPHE▲
Mais choisis-en une à la fois.

▼CHÉRUBIN▲
(le plus gravement de monde)
Je voudrais bien, je ne peux pas.

▼LE PHILOSOPHE▲
Il les aime par ribambelles!

▼CHÉRUBIN▲
(s'arrêtant enfin pour éclairer une bonne fois l'esprit de son vieux maître)
Je ne peux me fixer,
les femmes sont trop belles!
Une femme! Une Femme!

(très caressant et animé)

Ce mot me rend tout attendri…
Il me parfume l'âme!

(sans respirer)

Une femme!
Ce mot, c'est mon mot favori,
quel doux mot: une femme!
De soupirer ce nom, je ne puis me lasser… ce nom, ce nom est une ivresse!
Une femme!
Quel mot charmant à prononcer…
Quelle caresse…
Et je ne puis choisir.
Chacune tour à tour
Me met le coeur en flamme!

(caressant)

Et je tombe à l'instant amoureux de l'amour…
Dès que passe une femme!

▼LE PHILOSOPHE▲
Pour élève, un tel garnement!

▼CHÉRUBIN▲
(au Philosophe, lestement ens'éloignant)
Voilà ton châtiment!

(se dressant sur la pointe des pieds vers la fenêtre de l'Ensoleillad)

Ah! lui parler!

▼LE PHILOSOPHE▲
(l'adjurant affectueusement)
Petit, recule…
l'Ensoleillad voit chaque jour
Les plus fins roués de la Cour
Et tu vas être ridicule!

▼CHÉRUBIN▲
Je reste.

▼LE PHILOSOPHE▲
Pourquoi t'obstiner?

▼CHÉRUBIN▲
(d'un air frondeur et décidé)
Parce que… toi,

(vivement)

tu m'as donné des conseils que je tiens à suivre.

▼LE PHILOSOPHE▲
Moi! Dieu puissant!
J'étais donc gris.

▼CHÉRUBIN▲
(avec un grand sérieux)
Philosophe, vous étiez ivre!

▼LE PHILOSOPHE▲
(consterné)
Juste ciel! Et que t'ai-je appris?

▼CHÉRUBIN▲
(doctoral)
Tu m'as dit:

(léger, vif, avec volubilité)

Si tu veux séduire
Beaucoup de femmes ici-bas voici
comme il faut te conduire…

▼LE PHILOSOPHE▲
(qui vient de sursauter, l'interrompant)
Doux Jésus!

▼CHÉRUBIN▲
(avec un sentiment de prière dansla voix)
Ah!

(subitement, observant que la fenêtrede l'Ensoleillad va s'ouvrir)

Va-t'en!

▼LE PHILOSOPHE▲
Mais non, il ne faut pas.

▼CHÉRUBIN▲
(vivement cette fois)
Mais va-t'en donc?

▼LE PHILOSOPHE▲
(sortant accablé)
Mea culpa!!

(L'Ensoleillad paraît derrière sonbalcon en fer forgé)

▼L'ENSOLEILLAD▲
Qui parle dans la nuit confuse?
Quelle est l'ombre sur le gazon?

▼CHÉRUBIN▲
(bas)
Soyons naïf et vous, ma muse,
Inspirez-moi quelque chanson.

▼L'ENSOLEILLAD▲
(éclairée par la lumière de sachambre)
La lune en nappe d'or s'étale
La brise est tiède comme un bain…
La nuit me rend sentimentale.

▼CHÉRUBIN▲
(à part)
Sois poitrinaire, Chérubin.

(Il chante en s'accompagnant sur son épée en guise de guitare)

Madame! J'ai vingt ans à peine
Et je suis un adolescent;

(sans respirer)

Mais j'ai tant d'amour et de peine
Que déjà je suis languissant…
Le baiser, ma lèvre l'ignore,
Tous mes rêves sont orphelins,
Et je suis très naïf encore.

▼L'ENSOLEILLAD▲
(avec un intérêt légèrement railleur)
Vous vous en vantez?

▼CHÉRUBIN▲
Je m'en plains!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Pauvre enfant! Il a l'air sincère!

(Elle réfléchit une seConde et recule doucement vers la chambre où elle disparaîtra en disant)

Il ne faut pas vous désoler…
Je descends pour vous consoler!

(La lune éclaire tout le jardin)

▼CHÉRUBIN▲
(subitement ému et tremblant)
Ici l'Ensoleillad!
Nous serons seuls ensemble!!
Mon Dieu!
c'est pour de vrai que cette fois je tremble…

(Paraît l'Ensoleillad; un moment d'émotion, puis d'une voix tremblante)

Ensoleillad!

(Il conduit l'Ensoleillad vers le banc etla regarde avec extase)

Là! près de moi?

▼L'ENSOLEILLAD▲
Enfant!

▼CHÉRUBIN▲
..que vous êtes jolie!!

(sincèrement ému)

Hélas! Ensoleillad!

(un silence)

▼L'ENSOLEILLAD▲
(lié et caressant)
Pourquoi ces grands yeux de
mélancolie?

▼CHÉRUBIN▲
(des larmes dans la voix)
Vous partez demain…

(Souriante, essuyant avec son finmouchoir de dentelles les larmes deChérubin)

▼L'ENSOLEILLAD▲
Pas ce soir.

▼CHÉRUBIN▲
(très malheureux)
Mais je ne dois plus vous revoir…
Et bientôt qui sait, demain même…
Vous m'oublierez…

(très ému)

Le Roi vous aime.

▼L'ENSOLEILLAD▲
(amoureuse et avec élan)
Qu'importe demain et tout l'avenir!

(avec une infinie tendresse)

Mon âme te parle

(plus bas)

et ton coeur m'écoute.
Rêve que ce soir ne doit plus finir…

(avec abandon)

Puisque pour un soir
je t'appartiens toute.
Admire la nuit.
La lune ce soir a tant de clarté
Qu'un oiseau surpris
croyant voir l'aurore
Au bord de son nid s'est mis à chanter.
Ecoute, le bois tout entier s'éveille…
Ecoute…
Le vent tout bas, nous souffle à l'oreille:
Amants trop bavards,
hâtez-vous d'aimer!

▼CHÉRUBIN▲
Ton âme me parle…

▼L'ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN▲
…et mon coeur l'écoute…
Rêvons que ce soir ne doit plus finir.
Ah! qu'importe demain! et tout l'avenir!
Puisque tu [je] t'[m]) appartiens toute,
toute!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(très amoureusement)
Je t'appartiens toute…
Je t'appartiens toute…

(La lune se voile)

▼CHÉRUBIN▲
Toute!

▼L'ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN▲
(dans le bois)
Toute!

(Enlacés, les deux amoureux s'éloignent dans le bois..)

▼LE COMTE▲
(paraissant à la petite porte charretière qu'il referme soigneusement derrièrelui)
Eh bien?

▼LE DUC▲
(à la porte de l'auberge)
Personne?

▼LE BARON▲
(à la porte des appartements)
Non, personne!

▼LE DUC▲
(pendant que le Comte et le Baroninspectent)
Le Comtesse, ni la Baronne
Ce soir ne me donnent d'effroi.
Si je tremble c'est pour le Roi! pour le Roi!

▼LE COMTE▲
Plaçons-nous.

▼LE DUC▲
Plaçons-nous.

▼LE BARON▲
Plaçons-nous.

▼LE DUC▲
Je veille à la porte.

▼LE BARON▲
Moi, je surveille le verger.

▼LE COMTE▲
Je surveilles les couloirs.

▼LE DUC▲
De la sorte nous conjurerons le danger.
Soyons adroits!

▼LE COMTE▲
Soyons prudents!

▼LE BARON▲
Soyons adroits!

▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲
… tandis que tout repose…
Veillons! Veillons!

▼LE DUC▲
Et bien que vous soyez en cause,
Mes amis, ne pensez qu'au Roi!

▼LE COMTE▲
… et soyons adroits!

▼LE BARON▲
… et soyons prudents!

(Pendant que le Duc, le Comte et le Baron vont au fond se consulter, l'Ensoleillad et Chérubin paraissent à l'orée du bois)

▼CHÉRUBIN▲
(amoureusement)
Ensoleillad!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(très effrayée, apercevant les troishommes)
J'ai peur! Ils sont là!

▼CHÉRUBIN▲
(regardant, puis en prenant viteson parti)
Ma Mésange!
Je vais les dépister
en leur donnant le change.
Fais un détour… par le sentier. Là!

(Il l'embrasse, goguenard)

A fin chasseur plus fin gibier!!!

(Elle s'esquive et rentre furtivement dans la posada. Chérubin disparaît au moment où les trois hommes se séparent. On entend la voix de Chérubin)

Lorsque vous n'aurez rien à faire

(les trois hommes revenant vite lesuns près des autres)

▼LE DUC, LE COMTE, BARON▲
Chérubin! c'est lui!

▼CHÉRUBIN▲
Mandez-moi vite auprès de vous…

▼LE BARON▲
D'ici, la voix sort…

▼LE DUC▲
Il se tait…

▼LE VOIX DE CHÉRUBIN▲
Ah!

▼LE COMTE▲
Non!

▼LE DUC▲
Il chante encor!

▼LE BARON▲
Il chant encor!

▼LE VOIX DE CHÉRUBIN▲
(comme plus loin)
Le paradis que je préfère
c'est un coussin à vos genoux!

▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲
Le scélérat est dans le bois…
Nous le tenons bien cette fois.

(L'Ensoleillad inquiète paraît à son balcon; on entend la voix des trois hommes criant: Taïaut)

▼L'ENSOLEILLAD▲
Taïaut

(émue)

Je les entends à sa poursuite…
Mais Chérubin se moque deux.
Hélas, le bonheur passe vite,

(lié et caressant)

Nous étions si bien
seuls tous les deux!
Ses lèvres cherchaient mes lèvres dans l'ombre…

(chaleureux)

Chérubin! reviens! ah! reviens!

▼LE VOIX DE CHÉRUBIN▲
Je suis là!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(regardant en vain)
Chérubin!

▼CHÉRUBIN▲
(toujours invisible)
J'ai dépisté la meute.

(en riant)

Le Duc jure si fort
Que la forêt s'ameute.

▼L'ENSOLEILLAD▲
Mais… je ne te vois pas…
Où donc te caches-tu?

▼CHÉRUBIN▲
(apparaissant à califourchon surle mur)
J'y suis!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Ciel!
sur le mur!

▼CHÉRUBIN▲
(en se préparant à descendre)
Aïe!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Qu'as-tu?

▼CHÉRUBIN▲
(il descend par le treillage)
Non! j'ai mal!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Où donc?

▼CHÉRUBIN▲
(continuant sa dégringolade)
Pas à l'oreille.
Car je m'étais assis
sur un fond de bouteille.

▼L'ENSOLEILLAD▲
(amusée et joyeuse)
Prends garde!

▼CHÉRUBIN▲
(sautant à terre)
Je descends!

(Il prend une échelle et l'applique contre le balcon de l'Ensoleillad. Chérubin grimpe et se trouve aussitôt en haut de l'échelle; s'il ne peut pénétrer chez l'Ensoleillad. Gaîment)

Mais c'est pour mieux monter!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Ah! mon Dieu!

▼CHÉRUBIN▲
(il parvient, à travers les barreaux du balcon fermé, à enlacer son amie; triomphant)
Me voilà!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Chérubin!!

▼CHÉRUBIN▲
Ma beauté!

(Ils s'étreignent. La lune les caressed'un grand rayon)

▼L'ENSOLEILLAD▲
(avec élan)
Amour! amour!

(sempre appassionate)

quand tu t'en mêles,
Les jaloux peuvent sur venir;
Les amants qu'on veut désunir…

▼CHÉRUBIN▲
Tu les rapproches d'un coup d'aile.

(avec élan)

Amour! amour!

(sempre appassionate)

entends ma voix;

▼L'ENSOLEILLAD▲
Phoebé luit trop sur nos visages,

▼CHÉRUBIN▲
Les jaloux vont nous voir du bois…

▼L'ENSOLEILLAD▲
Cache la lune…
Cache la lune d'un nuage.

(La lune s'obscurcit)

▼CHÉRUBIN▲
(joyeux)
Miracle! Eros répond…
Et Phoebé s'obscurcit!!

▼L'ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN▲
Eros, Dieu d'allégresse, Eros!
O toi qui fais mourir
d'une main qui caresse…
Divin Eros, Eros merci!

(Tout à coup les jalousies des fenêtres de la Baronne et de la Comtesse se soulèvent)

▼L'ENSOLEILLAD▲
(effrayée)
Du bruit, descends.

(Ils se laisse glisser en bas de l'échelle… L'Ensoleillad s'est sauvée un instant dans sa chambre)

▼LA COMTESSE▲
(de la fenêtre)
Qui va là?

▼CHÉRUBIN▲
(à part)
Ma marraine!

▼LA BARONNE▲
(apparaissant de même)
Qui parle?

▼CHÉRUBIN▲
(à part)
Seigneur, l'autre aussi!

(vivement à la Baronne)

C'est moi!

▼LA COMTESSE▲
Quoi?

▼CHÉRUBIN▲
(à la Comtesse)
C'est moi!

▼LA COMTESSE▲
(très bas)
Vous ici!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(revenant)
Parlez plus haut, j'entends à peine!

▼LE COMTESSE et LA BARONNE▲
Imprudent!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Quoi?

(surprise d'entendre plusieurs voix)

qui chuchotte ainsi?

▼LA COMTESSE et LA BARONNE▲
(surprises d'entendre plusieurs voix)
… qui chuchotte ainsi?

▼CHÉRUBIN▲
(cherchant une défaite)
C'est le vent!!

▼L'ENSOLEILLAD, COMTESSE, LA BARONNE▲
Quoi?

▼CHÉRUBIN▲
Chut! Puisque de si loin
on ne peut s'embrasser,
Puisqu'on ne peut parler,

(tendre)

lancez-moi quelque gage…
J'implore un souvenir
à défaut d'un baiser.

▼L'ENSOLEILLAD, LA COMTESSE et LA BARONNE▲
Ah! comment vous résister, beau page!

▼LA BARONNE▲
(lui lançant un bouquet)
Tiens!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(lui lançant sa jarretière)
Tiens!

▼LA COMTESSE▲
(lui lançant un ruban de son cou)
Tiens!

▼CHÉRUBIN▲
(ravi, attrapant les trois gages, puis lespressant contre son coeur)
Ah! le bon tour!
Je suis tout mitraillé d'amour!

▼L'ENSOLEILLAD▲
(effrayée)
Le Duc!

(Chaque fenêtre se fermebrusquement aprèschaque exclamation)

▼LA BARONNE▲
(effarée)
Le Baron!

▼LA COMTESSE▲
(craintive)
Le Comte!

(Chérubin, pour apercevoir l'ennemi,grimpe sur l'échelle)

▼LE BARON▲
(arrivant, une lanterne à la main)
Il est pris!

▼LE DUC▲
Cernons le jardin!

▼LE COMTE▲
C'est un scandale!

▼LE DUC▲
Une honte!

(Chérubin dégringole au milieu d'euxtrois. Il jette devant lui l'échelle, et,goguenard, provocant, les attend lesbras croisés)

▼LE BARON▲
Bandit!

▼LE DUC▲
Gredin!

(Les trois hommes sont exaspérés)

▼LE COMTE▲
(dans une colère froide)
D'où venez-vous?

▼LE DUC▲
(avec explosion)
De quelle chambre?

▼LE COMTE▲
(désignant la chambre de la Comtesse, à part)
Vient-il d'ici?

▼LE BARON▲
(montrant la chambre de la Baronne; à part)
Vient-il de là?

▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲
Réponds! Réponds!

▼CHÉRUBIN▲
(leur éclatant de rire au nez)
Tra la la la la la la!!

▼LE DUC, LE COMTE, LE BARON▲
Réponds! Réponds!

▼CHÉRUBIN▲
Je m'amuse!
Je m'amuse!

▼LE BARON▲
(en levant sa lanterne vers Chérubin)
Ce bouquet est à ma femme!

▼LE COMTE▲
(trépidant de rage concentrée)
Ce ruban à la Comtesse!

▼LE DUC▲
(avec explosion)
Sa jarretière!!

▼CHÉRUBIN▲
Je m'amuse!
Je m'amuse!

▼LE DUC▲
(se découvrant)
Pauvre Roi!

▼LE COMTE▲
Ce ruban!

▼LE BARON▲
Ce bouquet!

▼LE DUC▲
Rendez la jarretière!

▼LE BARON▲
(dégaînant)
Rendez!

▼LE DUC▲
(dégaînant)
Rendez!

▼LE COMTE▲
(dégaînant)
…ou c'est la mort! la mort! la mort!

▼LE DUC▲
(roulant des yeux terribles)
…avec le cimetière!

▼LE BARON▲
…avec le cimetière!

(Tous les trois chargeant Chérubin avec des cris féroces)

▼CHÉRUBIN▲
Jamais! Jamais! Jamais!

▼LE DUC, LE COMTE, LE BARON▲
Tiens! Tiens! Tiens!
Tiens! Tiens! Tiens! Tiens!

(Chérubin tient tête aux trois énergumènes, mais, aux cris arrivent aussitôt l'Aubergiste affolé et Le Philosophe éploré)

▼L'AUBERGISTE▲
(accourant affolé)
Alguazils!! alguazils!!

▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲
Tiens! Tiens!

▼LE PHILOSOPHE▲
(éploré)
Trois duels! ah! mon pauvre garçon!
Trois duels! Trois duels!

(On sonne la cloche. Le duel s'est arrêté - la porte charretière est ouverte la cour de la posada est envahie par une foule de serviteurs - avec torches et lanternes - de servantes, de passants, de voyageurs et voyageuses réveillés en sursaut, qui paraissent dans leurs costume de nuit)

▼L'AUBERGISTE, LES SERVANTES, LES VALET, LES VOYAGEUSES et LES VOYAGEURS▲
Quel scandale! Quel scandale!
Quel scandale!

▼LE DUC▲
Je tuerai demain ce garçon!
Le Roi me donnera raison!
Le Roi me donnera raison!

▼LE COMTE et LE BARON▲
Ma femme aimer ce polisson!
Ah! quelle indigne trahison!
Ah! quelle indigne trahison!

▼CHÉRUBIN▲
Tra la la! Tra la la!
Je m'amuse!
Je m'amuse!

(paraît le Corrégidor suive d'Alguazils)

▼LES SERVITEURS▲
(annonçant à tue-tête)
Le Corrégidor!!

▼LE BARON▲
(se jette sur le Corrégidor; à part, avec effarement)
Gardez-vous qu'on le soupçonne;
Mais avec la Comtesse il est bien!

▼LE COMTE▲
(même, jeu)
Ah! monsieur, n'en parlez a personne
Il vient de chez l'Ensoleillad!

(de l'autre côté)

Chut! n'en dites rien!

▼LE BARON▲
(de l'autre côté)
Chut! n'en dites rien!
n'en dites rien! rien!

▼LE DUC▲
(même, jeu)
Il vient de chez la Baronne, chut!
mais au Baronne n'en dites rien!

▼L'AUBERGISTE, SERVANTES, VALETS▲
Pour la maison quel scandale!
Le patron en perdra la raison!

(Les trois fenêtres se sont ouvertes, les trois femmes sont apparues)

▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲
Chut! n'en dites rien!

(Les trois femmes à leurs fenêtres)

▼L'ENSOLEILLAD▲
(éplorée, à part)
Trois duels à la fois!
Ils le tueront!

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
(à part)
Ils le tueront!

▼LE PHILOSOPHE▲
Trois duels à la fois!
Ils le tueront! mon Dieu! O mon Dieu!
O mon Dieu! O mon Dieu!

▼CHÉRUBIN▲
Tra la la la la la la la la la!
Je suis gai comme un pinson!
Zon! zon! zon!
Ah! que je m'amuse! la la!
Quelle nuit! Je m'amuse! la! la!

▼L'AUBERGISTE, SERVANTES, LES VALETS et LA FOULE▲
Quel scandale! Quel scandale!

▼L'ENSOLEILLAD, LA COMTESSE, LA BARONNE▲
Pauvre garçon! Ils le tueront!

▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲
Voyez, il rit! voyez, il rit!
Je tuerai demain ce garçon!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Hélas! Hélas!

▼LA COMTESSE et LA BARONNE▲
C'en est fait! Ils le tueront!
C'en est fait! Ils le tueront!

▼L'AUBERGISTE, SERVANTES, LES VALETS, LA FOULE▲
Quel scandale! Pour la maison!

▼LE PHILOSOPHE▲
Mon Dieu!
Il a trois duels!

▼DUC, COMTE, BARON▲
Le Roi me donnera raison!

▼LE DUC▲
Oui, je tuerai ce garçon!

▼LE COMTE et LE BARON▲
Quelle indigne trahison!

▼LE COMTE▲
(à Chérubin; très catégorique)
Demain, je vous tuerai!

▼L'AUBERGISTE, LES SERVANTES, LES VALETS et LA FOULE▲
Quel scandale pour la maison!
Quel scandale pour la maison! Ah!

▼L'ENSOLEILLAD, LA COMTESSE, LA BARONNE▲
Ah! Ah! mon Dieu!

▼LE PHILOSOPHE▲
Mon Dieu! Mon Dieu! Ah!

▼LE DUC, LE COMTE, LE BARON▲
A mort! A mort! Ah!

▼CHÉRUBIN▲
Tra la la!
Tra la la!
Tra la la!

(Sur un signe du Corrégidor les alguazils entourent et arrêtent le Duc, le Comte et le Baron qui protestent et se démènent comme des fous furieux. Les trois femmes s'évanouissent, chacune à son balcon.cris tumulte indescriptible)
DUEXIÈME ACTE

(La grade cour-jardin d'une vieille et importante posada à l'enseigne:"Bon gîte contre bon argent."Des voyageurs, des voyageuses crient,tempêtent contre l'Aubergiste, contre les valetset les servantes de l'auberge)

TOUS LES VOYAGEURS
(à tue-tête)
Une chambre!

LES SERVANTES
(à tue-tête)
Rien!

TOUS LES VOYAGEURS
Une chambre!

LES SERVANTES
Rien!

L'AUBERGISTE
(à tue-tête)
Je vous dis que tout est pris.

TOUS LES VOYAGEURS
Une chambre! Une chambre!
à n'importe quel prix!

L'AUBERGISTE
Rien! Je vous dis que tout est pris. Rien!

LES SERVANTES
On vous dit que tout est pris.

TOUS LES VOYAGEURS
… à n'importe quel prix!
Une chambre! une chambre!
une chambre!
à n'importe quel prix!

L'AUBERGISTE
Toute est pris! tout est
pris! toute est pris!
Puis qu'on vous dit que tout es pris!

LE SERVANTES
Tout est pris! tout est pris!
tout est pris!
Puis qu'on vous dit que tout est pris!

TOUS LES VOYAGEUSES
(à l'Aubergiste, d'un air menaçant)
Sur son enseigne on n'inscrit pas
«Bon gîte contre bon argent!»
Quand on ne peut loger les gens!

LES VOYAGEURS
(de même)
Sur son enseigne on n'inscrit pas
«Bon gîte contre bon argent!»
Quand on ne peut loger les gens!

L'AUBERGISTE
(apoplectique)
Ah! pas tant de désinvolture!
Vous n'êtes pas nobles , ma foi!
C'est demain grand bal chez le Roi!
Allez coucher dans vos voitures.

TOUS LES VOYAGEURS
(rageuses exclamations des voyageurs)
Ah!

L'AUBERGISTE
Et n'abîmez pas mon jardin!

TOUS LES VOYAGEURS
(tous, exaspérés)
Butor! gredin!
Qu'on le bâtonne, qu'on le tue!
Misérable!

L'AUBERGISTE
(très bousculé par les voyageurs)
A moi, mes gens! dehors, plébéienne cohue!

LES SERVANTES
Dehors! Dehors! Dehors! Dehors!

TOUS LES VOYAGEURS
Butor! Butor!
Gredin! Gredin! Misérable!

LES SERVANTES
Dehors! Dehors!

TOUS LES VOYAGEURS
(tout, en hurlant)
Non! Non!

(Les Valets et les Servantes, à coupsde broches, de balais etc… chassentces forcenés dehors. - Cris, tumulte.La Comtesse et La Baronneparaissent)

LA COMTESSE
Ah! Baronne! Enfin, c'est ici.

LA BARONNE
Je n'en puis plus, chère Comtesse.

L'AUBERGISTE
(à part)
Comtesse, Baronne!!

(avec suffisance)

… ah! voici les gens que j'aime, la Noblesse!!

(s'avançant et saluant)

Mesdames, mon respect
me prosterne à vos pieds.

LA BARONNE
(à l'Aubergiste lui coupant la parole)
Où sont nos chambres?

LA COMTESSE
Nos époux ont dû, je suppose,
Retenir nos appartements?

L'AUBERGISTE
(empressé)
Oui, deux appartements charmants;
L'un est tout bleu,
l'autre est tout rose,
Que vos grâces lèvent les yeux… C'est là.

LA COMTESSE
(regardant avec son face à main)
Ce balcon du milieu?

LA BARONNE
(prétentieuse, sentimentale)
Où s'enchevêtrent des glycines…

L'AUBERGISTE
Non… les deux fenêtres voisines…
Là…

LA COMTESSE
(sursautant)
Une lucarne!

LA BARONNE
(horrifiée)
Un oeil de boeuf!

L'AUBERGISTE
Le mobilier en est tout neuf.

LA BARONNE
C'est affreux!

LA COMTESSE
Horrible!

LA BARONNE
Lugubre!

L'AUBERGISTE
(faisant l'article)
C'est au Midi, c'est très salubre.

LA COMTESSE
(ultra nerveuse)
Nous choisir ces taudis!
nos maris étaient gris!

(d'un air décidé)

J'arrête l'autre chambre à n'importe quel prix!

L'AUBERGISTE
C'est impossible.

LA COMTESSE
Ah! ça, bélître.
ignores-tu mon rang?

LA BARONNE
Mon titre?

L'AUBERGISTE
(tout en s'inclinant)
Ah! fussiez-vous princesses de Bagdad,
Je vous refuserais.

LA COMTESSE
La colère me gagne.
Manant!
Loges-tu donc ce soir le roi d'Espagne?

L'AUBERGISTE
(avec mystère)
Le roi, non…
Mais qui sait… la Reine?
L’Ensoleillad!!

LA COMTESSE
La danseuse!

LA BARONNE
Une fille!

LA COMTESSE
Ah! j'étouffe!

LA BARONNE
J'enrage!

LA COMTESSE
J'étouffe!

LA BARONNE
J'enrage!

L'AUBERGISTE
(survenant)
Quel est ce bruit?

LE COMTESSE
(au Comte avec agitation)
Monsieur, c'est un indigne outrage!

LA BARONNE
(renchérissant)
A quoi donc sert notre vertu?

LA COMTESSE
(de même)
A quoi donc sert notre noblesse?
Si par l'aplomb d'une drôlesse

LA BARONNE
Si par l'aplomb d'un drôlesse

LE COMTE
(effrayé)
Chut!

LE BARON
(qui est entré avec le Comte,de même)
Chut!

LA BARONNE, LA COMTESSE
Notre prestige est abattu!
A quoi donc sert notre vertu!!

LE COMTE, LE BARON, L'AUBERGISTE
(tous trois avec mystère et frayeur)
Chut! Chut! parlez tout bas!

LA COMTESSE, LA BARONNE
… notre vertu!

LE COMTE, LE BARON, L'AUBERGISTE
Chut!
parlez tout bas!

LE COMTE
La prudence vous le commande.

LA COMTESSE, LA BARONNE
Pourquoi?

LE BARON
(en confidence)
Vous ne savez donc pas qu'ici

LE COMTE, LE BARON, L'AUBERGISTE
C'est le Roi qui la commande.

LE DUC
(survenant)
Holà!
quelqu'un!

LA COMTESSE, LA BARONNE
Le Duc!

LE DUC
(à la Comtesse, à la Baronne)
Mesdames!

(Il leur baise la main; au Comte,au Baron)

Messieurs, le devoir vous réclame;
Le Roi reçoit dans un moment.

LE COMTE, LE BARON
Nous partons.

(Le Comte et le Baron s'inclinent les domestiques les aident à s'apprêter)

LE DUC
(mystérieusement à l'Aubergiste)
Cet appartement?

L'AUBERGISTE
(montrant la fenêtre du balcon)
Le voilà!

LE DUC
(à l'Aubergiste)
C'est bien…
La personne vous arrivera d'ici peu…

(Il remet des pièces d'or àl'Aubergiste)

L'AUBERGISTE
(saluant très bas)
Que votre Seigneurerie est bonne…

LE DUC
Adieu, Mesdames!

LE COMTESSE, LE BARONNE
(font leur plus belle révérence)
Duc, adieu!

(Le Duc, le Comte et le Baron sortent)

LE CAPITAINE RICARDO, 6 MANOLAS et 6 OFFICIERS
(Au loin, et se rapprochant peu à peu,la voix des officiers et de leurs petitesamies)
Le vin rend gai, l'amour rend fou,

L'AUBERGISTE
(allant aussitôt regarder au dehors)
Voici les officiers.

(Il frappe dans ses mains; servantes et valets arrivent apportant des tables,etc)

RICARDO
Vive Bacchus!

RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS
Vive Cythère!
Sur terre on vit très peu de temps.

RICARDO
Il faut donc s'amuser,

RICARDO, MANOLAS et OFFICIERS
Il faut donc s'amuser beaucoup!

(La troupe joyeuse envahit le jardinde la posada)

MANOLAS
(sopranos, en criant)
Des gâteaux! Des gâteaux!

(Officiers et Manolas s'installent s'embrassent; rires et cris)

OFFICIERS
(ténors, s'exclamant)
Pas ce vin là! non!

LA COMTESSE
(à l'Aubergiste)
Quelles sont ces femmes?

L'AUBERGISTE
Des filles de plaisir.

LA BARONNE
(entraînant la Comtesse vers laposada)
Cette auberge est infâme.

RICARDO, MANOLAS et OFFICIERS
Le vin rend gai,
l'amour rend fou.

RICARDO
C'est moi, Ricardo, qui régale!

L'AUBERGISTE
Holà!
à ces seigneurs versez
de mon vieux vin Manzanille.

(Nouvelles exclamations joyeuses)

MANOLAS
(réclamant, à tue-tête)
Des gâteaux!

RICARDO
(à l'Aubergiste; avant de boire et montrant son verre plein)
Est-il très bon?

L'AUBERGISTE
(n'osant pas trop s'avancer)
Il est meilleur.

MANOLAS, OFFICIERS
(en joie)
Sur terre on vit très peu de temps!

RICARDO
(très cavalièrement à l'Aubergiste)
Si tout n'est pas très fin, hôtelier,
on t'étrille.
Apprends donc que dans un moment
Nous allons tous fêter,
Avec ces belles filles,
Un nouveau compagnon, cornette au régiment!

L'AUBERGISTE
(s'éloignant)
Vous serez satisfait.

(Les Manolas arrangent leurscoiffures; tapotent leurs robes tout encausant)

UNE FILLE
Quel âge a ce cornette?

RICARDO
(négligemment)
Je ne sais pas!

UNE AUTRE FILLE
Vingt ans?

UN AUTRE
Trente ans?

UN AUTRE
Blond?

UNE AUTRE
Beau garçon?

UNE AUTRE
Ses titres?

LA 1re
… son pays?

LA 2de
… son rang?

RICARDO
Que de sornettes!

(Enlaçant la taille d'une belle fille:Pepa)

Pensez à nous,
Qu'il aille au diable!

DEUX OFFICIERS
Il a raison!

QUATRE AUTRES OFFICIERS
Il a raison!

TOUTES MANOLAS
(se récriant)
Mais nous sommes ici pour fêter sa venue!

CHÉRUBIN
(apparaissant sur le seuilde la posada)
Camarades, et vous, beautés, je vous salue!

RICARDO, OFFICIERS
(stupéfiés)
C'est lui! c'est lui! qu'il est petit! qu'il est petit!

TOUTES LES MANOLAS
(surprises)
C'est lui! c'est lui!
Qu'il est gentil! qu'il est mignon!

RICARDO
Mon sabre est plus haut que son corps!

UN TRÈS GRAND OFFICIER
(basse ou baryton - grosse voix)
Il nous arrive à la ceinture!

RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS
… qu'il est petit!

CHÉRUBIN
(se mordant les lèvres, arrive crânement sur eux)
Je ne suis pas grand, mais… tout doux…
Vous verrez que sous la mitraille
Je saurai redresser la taille,
Et qu'à la première bataille
Je paraîtrai plus grand que vous!

LES MANOLAS
(applaudissant Chérubin)
Bravo! Bravo! Bravo! Bravo!

(Chérubin embrasse et lutine une desfilles, Pepa)

LES OFFICIERS
(furieux)
Comment, il embrasse… il caresse…

RICARDO
(furieux)
Ma maîtresse! Il a besoin d'une leçon!

(s'avançant)

Çà, deux mots, mon jeune garçon!

CHÉRUBIN
(a frémi sous cette interpellation)
Je suis à vos ordres, brave homme!

RICARDO
(suffoqué)
Brave homme!
Il veut que je l'assomme!

CHÉRUBIN
(il met la main à son épée)
Assommez-moi, si vous l'osez!

LES MANOLAS
(avec transport)
Bravo! Bravo!

RICARDO
(hors de lui)
L'audace est sans pareille!

(à Chérubin)

Si je vous vois encor donner un seul baiser
Je vais vous couper les oreilles!

(Il met la main à son épée; Chérubinl'arrête du geste)

CHÉRUBIN
(à Ricardo, gentiment)
Ne mettez pas flamberge au vent
Pour chaque baiser que je donne,
Vous vous battriez trop souvent!

RICARDO
(à ses amis, montrant Chérubin)
Il raille encor!

CHÉRUBIN
(reprenant)
Mais si vous tentez ce destin
Vous vous battrez comme respire.
Vous vous battrez soir et matin

(sans respirer)

Et la nuit! Car la nuit m'inspire!

(d'un petit air rageur)

Vous vous battrez à l'infini,
Vous en aurez crampes et fièvres!

(très souriant et moqueur)

On voit moins d'abeilles au nid
Que je n'ai de baisers aux lèvres!

RICARDO
(dégaînant)
Battons-nous donc!

CHÉRUBIN
(avec son plus fin sourire)
C'est entendu!

(Les Valets accourent et ouvrent la grande porte de fond. On aperçoit une jeune femme très élégante descendre d'un carrosse. Elle a un loup)

LES MANOLAS
(à Ricardo, à Chérubin, aux Officiers)
L'arme au fourreau.
Le duel est défendu!

CHÉRUBIN
(observant les mouvements de lajeune femme)
Quelle taille! et quel fin visage!

(aux Manolas)

Mesdames, livrez-moi passage,
Je vais l'embrasser sous son loup.

(L'Ensoleillad masquée, entre, suivie de ses femmes)

LES MANOLAS
(à Chérubin)
Vous la connaissez?

CHÉRUBIN
(lestement)
Pas du tout!

(Chérubin embrasse L'Ensoleillad sur le cou; surprise, elle retire sonmasque. Chérubin stupéfié reconnaitL'Ensoleillad)

L'ENSOLEILLAD
(à Chérubin)
C'est vous?

CHÉRUBIN
C'est vous!

(pliant le genou et lui baissant la main)

Ah! j'ai l'âme marrie,
Me pardonnerez vous jamais ma brusquerie!

L'ENSOLEILLAD
(lui faisant signe de se relever)
En effet, le baiser fut brusque et mal donné!

(tendant la joue)

Faites mieux, cette fois, vous serez pardonné!

(Au milieu des acclamations et des rires des Manolas, Chérubin embrasse du bout des lèvres Ensoleillad)

RICARDO
(à Chérubin, s'impatientant)
Monsieur, je vous attends.

CHÉRUBIN
(dégaînant)
En garde!

L'ENSOLEILLAD
(voulant l'arrêter)
Comment! Un duel! vous êtes fou!

CHÉRUBIN
Un bon ange me garde
Puisque je me bats devant vous.

(aux Manolas; simple et galant)

Daignez ici prendre vos aises.

(aux Serviteurs)

Servantes, valets, quelques chaises…

(Les Officiers installent les dames afin qu'elles soient bien placées pour assister au duel; pendant ce temps les violons arrivent)

LE TRÈS GRAND OFFICIER
Voici les violons mandés pour le festin.

RICARDO
(nerveux)
Renvoyez-les.

CHÉRUBIN
(très gai)
Du tout,
battons-nous en musique!

RICARDO
Renvoyez-les,
c'est enfantin!

CHÉRUBIN
Non, qu'ils entrent!

L'ENSOLEILLAD
(lui envoyant un baiser et une rose)
C'est héroïque!

RICARDO
(à Chérubin)
Etes-vous bientôt prêt
Car la main me picote.

CHÉRUBIN
(à L'Ensoleillad, ayant ramasséla rose)
Vos pieds n'ont pas de tabouret.

(à Ricardo)

J'y suis!

(aux violons)

Messieurs!

(Il lance aux musiciens une bourse pleine; puis il met la rose de l'Ensoleillad à sa bouche et tombe en garde. Les violons se hâtent des'accorder)

Une gavotte!

(Le duel commence)

L'ENSOLEILLAD
J'ai peur!

RICARDO
A toi!

CHÉRUBIN
(parlé)
Manqué!

L'ENSOLEILLAD
(se cachant la tête derrière sonéventail)
Mon Dieu!

LES MANOLAS
(à deux)
J'ai chaud!

D'AUTRES
J'ai froid!

L'ENSOLEILLAD
Seigneur! Je tremble!

LES MANOLAS
(petit cri d'effroi)
Ah!

CHÉRUBIN
(aux musiciens, tout en se battant)
…ça, messieurs de l'archet, voyons… un peu d'ensemble!!

(L'Aubergiste accourt avec Le Philosophe. Cri des filles; à cettereprise Chérubin est près d'être touché. L'Ensoleillad s'évanouiton l'entoure)

LE PHILOSOPHE
(éploré)
Un duel!

L'AUBERGISTE
Un duel! chez moi!

(criant)

Alguazils!

(à ce mot, grand tohu-bohu)

alguazils!!

CHÉRUBIN
(tenant l'Aubergiste par le cou)
Tais-toi! tais-toi!

(Chérubin lâche l'Aubergiste pour courir aux pieds de l'Ensoleillad évanouie)

LES MANOLAS et LES OFFICIERS
Quelle algarade!

RICARDO
(apercevant Chérubin aux pieds de l'Ensoleillad)
Mais… que fait-il encor?

LES OFFICIERS
(calmant Ricardo)
Du calme, camarade!

LE PHILOSOPHE
(affolé; au capitaine Ricardo)
Quoi! vous vouliez j'en suis tremblant,
Tuer cet enfant là…

RICARDO
(furieux)
Dites: cet insolent!

(tremblant de colère)

Embrasser Pepa, ma maîtresse;
C'est un outrage.

LE PHILOSOPHE
(indulgent)
Une caresse!

RICARDO
Il l'offensa!

LE PHILOSOPHE
(rectifiant)
Il l'embrassa.

RICARDO
C'est une insulte, sur mon âme!

LE PHILOSOPHE
Ah!

(avec vivacité)

comme l'on voit bien que vous n'êtes pas femme!

(Tout cette scène avec agitation, émotion tendre, et chaleur sans cesse grandissante, très larmoyant)

Songez, monsieur, que l'on est au printemps…
Que la fille est jolie
et qu'il a dix-sept ans!

(avec émotion et agitation)

Dix-sept ans!
c'est un coeur que l'amour illumine.
On rêve… on chante… on rit… on veut mourir,…
Et l'on est malheureux de ne pouvoir souffrir…

(chaleureux)

Et l'âme se fleurit comme l'herbe au printemps!
Songez donc! dix-sept ans!
Songez donc! dix-sept ans!
Dix-sept ans!

(avec des larmes)

dix-sept ans!!

RICARDO
(ému, prenant les mains du Philosophe)
Ah! vous avez raison!

L'AUBERGISTE
(accourant, s'épongeant le front tout en regardant l'Ensoleillad qui sourit à Chérubin)
Quel discrédit pour ma maison!

CHÉRUBIN
(allant vers Ricardo)
A nous!

RICARDO
(bon enfant, tendant la main à Chérubin)
Ta main!

L'AUBERGISTE
(désespéré de ce qui arrive)
L'Ensoleillad évanouie!

LES MANOLAS, OFFICIERS
C'était l'Ensoleillad!

L'AUBERGISTE
(avec la voix brisée par l'émotion)
Messieurs! j'avais l'honneur…
de recevoir chez moi… L'Ensoleillad…
mandée au Palais… par le Roi!

RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS
Par le Roi!

(Le temps que Chérubin est de nouveau avec l'Ensoleillad, Le Philosophe en profite pour jeter le trouble en l'âme des assistants)

LE PHILOSOPHE
Si le Roi connaît cette affaire
Nous sommes tous perdus…

RICARDO, L'AUBERGISTE, MANOLAS, OFFICIERS
(Tous, effrayés et entre eux)
Si le Roi connaît cette affaire
Nous sommes tous perdus!
Que faire?

L'ENSOLEILLAD
(arrivant en s'éventant, toute gracieuse et provocante)
Bah! messieurs, c'est tout arrangé.
Vous parlez de péril de crime,
Mais on ne s'est pas égorgé;
Ce duel n'était qu'un jeu d'escrime.

(Le Philosophe ravi, rentre dans la posada en soufflant et ens'épongeant. Une coupe de champagne à la main, avec crânerie et désinvolture)

Plus de soucis, de la gaîté!
Ah! buvons
pour que la joie en nos âmes renaisse!
Filles, buvez à la jeunesse!

(éclatant de rire et d'ivresse)

Ah! Garçons, buvez, buvez à la beauté! à la

(caressant)

beauté!

(tendre et amoureux)

Je bois à vox amants, je bois à vos maîtresses,
Je bois aux coeurs heureux,
aux coeurs brisé…
amis!: Je bois à toutes les caresses,
Et je bois à tous les baisers!
Oui! je bois à tous les baisers!
Je bois aux baisers, aux caresses…
à tous les baisers!

CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS
(Les Manolas et les Officiers, avecune joie enthousiaste)
A l'Ensoleillad! à l'Ensoleillad!
à la Reine de l'amour et de la beauté!!

L'ENSOLEILLAD
Je bois à la beauté!!

(entourée de tous ces jeunes genset des belles filles)

Soit, j'accepte la Royauté,
Mais puisque je suis souveraine,
A l'endroit du duel, ici même,
J'ouvre le bal!
Me suit qui m'aime!

(très marqué et saccadé)

La! La! La!

(l'Ensoleillad danse la manila)

TOUS
(dans un grand élan)
Brava!

(cri prolongé)

L'AUBERGISTE
(accourant)
Madame, en votre appartement
votre poudreuse est préparée.

CHÉRUBIN
(avec chagrin)
Vous partez?

RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS
(désolés)
Vous partez?

L'ENSOLEILLAD
(avec mélancolie)
Les meilleurs moments ont, hélas,
le moins de durée!

CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS
Vous partez?

L'ENSOLEILLAD
Adieu, adieu, ma petite cour,
Un destin plus grand loin de vous m'entraîne,
Mais dans un palais quand je serai Reine
Je regretterai ce règne d'un jour!
Adieu! ma petite cour! adieu!

CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS
Adieu, notre Reine d'un jour! adieu!

L'ENSOLEILLAD
(à Chérubin avant de disparaître)
J'espère vous revoir.

CHÉRUBIN
(très amoureux)
Ah! combien je vous aime!

(L'Ensoleillad disparaît)

LES OFFICIERS
(à Chérubin, avant de partir)
Au revoir, camarade, à demain!

RICARDO
(à Chérubin)
Mon estime est pour vous extrême,
Serrons-nous à nouveau la main.

LES OFFICIERS
(cordial)
Au revoir, camarade, à demain!

CHÉRUBIN
(aux amis qui s'éloignent)
Le vin rend gai, l'amour rend fou!
Vive Bacchus!

MANOLAS, OFFICIERS
(en disparaissent)
Vive Cythère!

CHÉRUBIN
Sur terre on vit très peu de temps!

MANOLAS, OFFICIERS
(assez loin)
Il faut donc s'amuser…

CHÉRUBIN
Il faut donc s'amuser beaucoup!

(Le crépuscule commence à tomber)

OFFICIERS
(très loin)
Le vin rend gai, l'amour rend fou!
Vive Bacchus!

LE PHILOSOPHE
(qui vient d'entrer et écoute les voixqui s'atténuent; à chérubin)
Médite sur ceci, Chérubin, et prends garde…

CHÉRUBIN
(nerveux, lui coupant la parole)
Laisse-moi, tu bavardes!

LE PHILOSOPHE
(saisi)
Qu'as-tu donc?

CHÉRUBIN
Je me tiens à quatre
Pour ne pas, toi, te provoquer!

LE PHILOSOPHE
Comment, moi?

CHÉRUBIN
J'ai failli me battre
Et mon premier duel est manqué.

LE PHILOSOPHE
(anéanti)
Quoi! c'est cela qui te tracasse;
Vraiment, c'est à désespérer.

CHÉRUBIN
(regardant la fenêtre de l'Ensoleilladqui s'est éclairée)
L'Ensoleillad devant sa glace
Doit en ce moment se parer

LE PHILOSOPHE
(inquiet)
Viens donc!

CHÉRUBIN
Non!

(Durant que Chérubin va et vient cherchant à apercevoir l'Ensoleillad, le Philosophe le suit tout en parlant; et Chérubin lui répond de façon très distraite)

LE PHILOSOPHE
Le Duc te déteste,
Et le Comte demeure ici.

CHÉRUBIN
(sur la point des pieds)
Raison de plus pour que je reste;
Je verrai ma marraine aussi.

LE PHILOSOPHE
Songe au péril qui t'environne.

CHÉRUBIN
Me prends-tu donc pour un poltron?

LE PHILOSOPHE
(de plus en plus agité)
Cette fenêtre est au baron.

CHÉRUBIN
Bravo! je verrai la baronne!

LE PHILOSOPHE
Mais choisis-en une à la fois.

CHÉRUBIN
(le plus gravement de monde)
Je voudrais bien, je ne peux pas.

LE PHILOSOPHE
Il les aime par ribambelles!

CHÉRUBIN
(s'arrêtant enfin pour éclairer une bonne fois l'esprit de son vieux maître)
Je ne peux me fixer,
les femmes sont trop belles!
Une femme! Une Femme!

(très caressant et animé)

Ce mot me rend tout attendri…
Il me parfume l'âme!

(sans respirer)

Une femme!
Ce mot, c'est mon mot favori,
quel doux mot: une femme!
De soupirer ce nom, je ne puis me lasser… ce nom, ce nom est une ivresse!
Une femme!
Quel mot charmant à prononcer…
Quelle caresse…
Et je ne puis choisir.
Chacune tour à tour
Me met le coeur en flamme!

(caressant)

Et je tombe à l'instant amoureux de l'amour…
Dès que passe une femme!

LE PHILOSOPHE
Pour élève, un tel garnement!

CHÉRUBIN
(au Philosophe, lestement ens'éloignant)
Voilà ton châtiment!

(se dressant sur la pointe des pieds vers la fenêtre de l'Ensoleillad)

Ah! lui parler!

LE PHILOSOPHE
(l'adjurant affectueusement)
Petit, recule…
l'Ensoleillad voit chaque jour
Les plus fins roués de la Cour
Et tu vas être ridicule!

CHÉRUBIN
Je reste.

LE PHILOSOPHE
Pourquoi t'obstiner?

CHÉRUBIN
(d'un air frondeur et décidé)
Parce que… toi,

(vivement)

tu m'as donné des conseils que je tiens à suivre.

LE PHILOSOPHE
Moi! Dieu puissant!
J'étais donc gris.

CHÉRUBIN
(avec un grand sérieux)
Philosophe, vous étiez ivre!

LE PHILOSOPHE
(consterné)
Juste ciel! Et que t'ai-je appris?

CHÉRUBIN
(doctoral)
Tu m'as dit:

(léger, vif, avec volubilité)

Si tu veux séduire
Beaucoup de femmes ici-bas voici
comme il faut te conduire…

LE PHILOSOPHE
(qui vient de sursauter, l'interrompant)
Doux Jésus!

CHÉRUBIN
(avec un sentiment de prière dansla voix)
Ah!

(subitement, observant que la fenêtrede l'Ensoleillad va s'ouvrir)

Va-t'en!

LE PHILOSOPHE
Mais non, il ne faut pas.

CHÉRUBIN
(vivement cette fois)
Mais va-t'en donc?

LE PHILOSOPHE
(sortant accablé)
Mea culpa!!

(L'Ensoleillad paraît derrière sonbalcon en fer forgé)

L'ENSOLEILLAD
Qui parle dans la nuit confuse?
Quelle est l'ombre sur le gazon?

CHÉRUBIN
(bas)
Soyons naïf et vous, ma muse,
Inspirez-moi quelque chanson.

L'ENSOLEILLAD
(éclairée par la lumière de sachambre)
La lune en nappe d'or s'étale
La brise est tiède comme un bain…
La nuit me rend sentimentale.

CHÉRUBIN
(à part)
Sois poitrinaire, Chérubin.

(Il chante en s'accompagnant sur son épée en guise de guitare)

Madame! J'ai vingt ans à peine
Et je suis un adolescent;

(sans respirer)

Mais j'ai tant d'amour et de peine
Que déjà je suis languissant…
Le baiser, ma lèvre l'ignore,
Tous mes rêves sont orphelins,
Et je suis très naïf encore.

L'ENSOLEILLAD
(avec un intérêt légèrement railleur)
Vous vous en vantez?

CHÉRUBIN
Je m'en plains!

L'ENSOLEILLAD
Pauvre enfant! Il a l'air sincère!

(Elle réfléchit une seConde et recule doucement vers la chambre où elle disparaîtra en disant)

Il ne faut pas vous désoler…
Je descends pour vous consoler!

(La lune éclaire tout le jardin)

CHÉRUBIN
(subitement ému et tremblant)
Ici l'Ensoleillad!
Nous serons seuls ensemble!!
Mon Dieu!
c'est pour de vrai que cette fois je tremble…

(Paraît l'Ensoleillad; un moment d'émotion, puis d'une voix tremblante)

Ensoleillad!

(Il conduit l'Ensoleillad vers le banc etla regarde avec extase)

Là! près de moi?

L'ENSOLEILLAD
Enfant!

CHÉRUBIN
..que vous êtes jolie!!

(sincèrement ému)

Hélas! Ensoleillad!

(un silence)

L'ENSOLEILLAD
(lié et caressant)
Pourquoi ces grands yeux de
mélancolie?

CHÉRUBIN
(des larmes dans la voix)
Vous partez demain…

(Souriante, essuyant avec son finmouchoir de dentelles les larmes deChérubin)

L'ENSOLEILLAD
Pas ce soir.

CHÉRUBIN
(très malheureux)
Mais je ne dois plus vous revoir…
Et bientôt qui sait, demain même…
Vous m'oublierez…

(très ému)

Le Roi vous aime.

L'ENSOLEILLAD
(amoureuse et avec élan)
Qu'importe demain et tout l'avenir!

(avec une infinie tendresse)

Mon âme te parle

(plus bas)

et ton coeur m'écoute.
Rêve que ce soir ne doit plus finir…

(avec abandon)

Puisque pour un soir
je t'appartiens toute.
Admire la nuit.
La lune ce soir a tant de clarté
Qu'un oiseau surpris
croyant voir l'aurore
Au bord de son nid s'est mis à chanter.
Ecoute, le bois tout entier s'éveille…
Ecoute…
Le vent tout bas, nous souffle à l'oreille:
Amants trop bavards,
hâtez-vous d'aimer!

CHÉRUBIN
Ton âme me parle…

L'ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN
…et mon coeur l'écoute…
Rêvons que ce soir ne doit plus finir.
Ah! qu'importe demain! et tout l'avenir!
Puisque tu [je] t'[m]) appartiens toute,
toute!

L'ENSOLEILLAD
(très amoureusement)
Je t'appartiens toute…
Je t'appartiens toute…

(La lune se voile)

CHÉRUBIN
Toute!

L'ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN
(dans le bois)
Toute!

(Enlacés, les deux amoureux s'éloignent dans le bois..)

LE COMTE
(paraissant à la petite porte charretière qu'il referme soigneusement derrièrelui)
Eh bien?

LE DUC
(à la porte de l'auberge)
Personne?

LE BARON
(à la porte des appartements)
Non, personne!

LE DUC
(pendant que le Comte et le Baroninspectent)
Le Comtesse, ni la Baronne
Ce soir ne me donnent d'effroi.
Si je tremble c'est pour le Roi! pour le Roi!

LE COMTE
Plaçons-nous.

LE DUC
Plaçons-nous.

LE BARON
Plaçons-nous.

LE DUC
Je veille à la porte.

LE BARON
Moi, je surveille le verger.

LE COMTE
Je surveilles les couloirs.

LE DUC
De la sorte nous conjurerons le danger.
Soyons adroits!

LE COMTE
Soyons prudents!

LE BARON
Soyons adroits!

LE DUC, LE COMTE et LE BARON
… tandis que tout repose…
Veillons! Veillons!

LE DUC
Et bien que vous soyez en cause,
Mes amis, ne pensez qu'au Roi!

LE COMTE
… et soyons adroits!

LE BARON
… et soyons prudents!

(Pendant que le Duc, le Comte et le Baron vont au fond se consulter, l'Ensoleillad et Chérubin paraissent à l'orée du bois)

CHÉRUBIN
(amoureusement)
Ensoleillad!

L'ENSOLEILLAD
(très effrayée, apercevant les troishommes)
J'ai peur! Ils sont là!

CHÉRUBIN
(regardant, puis en prenant viteson parti)
Ma Mésange!
Je vais les dépister
en leur donnant le change.
Fais un détour… par le sentier. Là!

(Il l'embrasse, goguenard)

A fin chasseur plus fin gibier!!!

(Elle s'esquive et rentre furtivement dans la posada. Chérubin disparaît au moment où les trois hommes se séparent. On entend la voix de Chérubin)

Lorsque vous n'aurez rien à faire

(les trois hommes revenant vite lesuns près des autres)

LE DUC, LE COMTE, BARON
Chérubin! c'est lui!

CHÉRUBIN
Mandez-moi vite auprès de vous…

LE BARON
D'ici, la voix sort…

LE DUC
Il se tait…

LE VOIX DE CHÉRUBIN
Ah!

LE COMTE
Non!

LE DUC
Il chante encor!

LE BARON
Il chant encor!

LE VOIX DE CHÉRUBIN
(comme plus loin)
Le paradis que je préfère
c'est un coussin à vos genoux!

LE DUC, LE COMTE et LE BARON
Le scélérat est dans le bois…
Nous le tenons bien cette fois.

(L'Ensoleillad inquiète paraît à son balcon; on entend la voix des trois hommes criant: Taïaut)

L'ENSOLEILLAD
Taïaut

(émue)

Je les entends à sa poursuite…
Mais Chérubin se moque deux.
Hélas, le bonheur passe vite,

(lié et caressant)

Nous étions si bien
seuls tous les deux!
Ses lèvres cherchaient mes lèvres dans l'ombre…

(chaleureux)

Chérubin! reviens! ah! reviens!

LE VOIX DE CHÉRUBIN
Je suis là!

L'ENSOLEILLAD
(regardant en vain)
Chérubin!

CHÉRUBIN
(toujours invisible)
J'ai dépisté la meute.

(en riant)

Le Duc jure si fort
Que la forêt s'ameute.

L'ENSOLEILLAD
Mais… je ne te vois pas…
Où donc te caches-tu?

CHÉRUBIN
(apparaissant à califourchon surle mur)
J'y suis!

L'ENSOLEILLAD
Ciel!
sur le mur!

CHÉRUBIN
(en se préparant à descendre)
Aïe!

L'ENSOLEILLAD
Qu'as-tu?

CHÉRUBIN
(il descend par le treillage)
Non! j'ai mal!

L'ENSOLEILLAD
Où donc?

CHÉRUBIN
(continuant sa dégringolade)
Pas à l'oreille.
Car je m'étais assis
sur un fond de bouteille.

L'ENSOLEILLAD
(amusée et joyeuse)
Prends garde!

CHÉRUBIN
(sautant à terre)
Je descends!

(Il prend une échelle et l'applique contre le balcon de l'Ensoleillad. Chérubin grimpe et se trouve aussitôt en haut de l'échelle; s'il ne peut pénétrer chez l'Ensoleillad. Gaîment)

Mais c'est pour mieux monter!

L'ENSOLEILLAD
Ah! mon Dieu!

CHÉRUBIN
(il parvient, à travers les barreaux du balcon fermé, à enlacer son amie; triomphant)
Me voilà!

L'ENSOLEILLAD
Chérubin!!

CHÉRUBIN
Ma beauté!

(Ils s'étreignent. La lune les caressed'un grand rayon)

L'ENSOLEILLAD
(avec élan)
Amour! amour!

(sempre appassionate)

quand tu t'en mêles,
Les jaloux peuvent sur venir;
Les amants qu'on veut désunir…

CHÉRUBIN
Tu les rapproches d'un coup d'aile.

(avec élan)

Amour! amour!

(sempre appassionate)

entends ma voix;

L'ENSOLEILLAD
Phoebé luit trop sur nos visages,

CHÉRUBIN
Les jaloux vont nous voir du bois…

L'ENSOLEILLAD
Cache la lune…
Cache la lune d'un nuage.

(La lune s'obscurcit)

CHÉRUBIN
(joyeux)
Miracle! Eros répond…
Et Phoebé s'obscurcit!!

L'ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN
Eros, Dieu d'allégresse, Eros!
O toi qui fais mourir
d'une main qui caresse…
Divin Eros, Eros merci!

(Tout à coup les jalousies des fenêtres de la Baronne et de la Comtesse se soulèvent)

L'ENSOLEILLAD
(effrayée)
Du bruit, descends.

(Ils se laisse glisser en bas de l'échelle… L'Ensoleillad s'est sauvée un instant dans sa chambre)

LA COMTESSE
(de la fenêtre)
Qui va là?

CHÉRUBIN
(à part)
Ma marraine!

LA BARONNE
(apparaissant de même)
Qui parle?

CHÉRUBIN
(à part)
Seigneur, l'autre aussi!

(vivement à la Baronne)

C'est moi!

LA COMTESSE
Quoi?

CHÉRUBIN
(à la Comtesse)
C'est moi!

LA COMTESSE
(très bas)
Vous ici!

L'ENSOLEILLAD
(revenant)
Parlez plus haut, j'entends à peine!

LE COMTESSE et LA BARONNE
Imprudent!

L'ENSOLEILLAD
Quoi?

(surprise d'entendre plusieurs voix)

qui chuchotte ainsi?

LA COMTESSE et LA BARONNE
(surprises d'entendre plusieurs voix)
… qui chuchotte ainsi?

CHÉRUBIN
(cherchant une défaite)
C'est le vent!!

L'ENSOLEILLAD, COMTESSE, LA BARONNE
Quoi?

CHÉRUBIN
Chut! Puisque de si loin
on ne peut s'embrasser,
Puisqu'on ne peut parler,

(tendre)

lancez-moi quelque gage…
J'implore un souvenir
à défaut d'un baiser.

L'ENSOLEILLAD, LA COMTESSE et LA BARONNE
Ah! comment vous résister, beau page!

LA BARONNE
(lui lançant un bouquet)
Tiens!

L'ENSOLEILLAD
(lui lançant sa jarretière)
Tiens!

LA COMTESSE
(lui lançant un ruban de son cou)
Tiens!

CHÉRUBIN
(ravi, attrapant les trois gages, puis lespressant contre son coeur)
Ah! le bon tour!
Je suis tout mitraillé d'amour!

L'ENSOLEILLAD
(effrayée)
Le Duc!

(Chaque fenêtre se fermebrusquement aprèschaque exclamation)

LA BARONNE
(effarée)
Le Baron!

LA COMTESSE
(craintive)
Le Comte!

(Chérubin, pour apercevoir l'ennemi,grimpe sur l'échelle)

LE BARON
(arrivant, une lanterne à la main)
Il est pris!

LE DUC
Cernons le jardin!

LE COMTE
C'est un scandale!

LE DUC
Une honte!

(Chérubin dégringole au milieu d'euxtrois. Il jette devant lui l'échelle, et,goguenard, provocant, les attend lesbras croisés)

LE BARON
Bandit!

LE DUC
Gredin!

(Les trois hommes sont exaspérés)

LE COMTE
(dans une colère froide)
D'où venez-vous?

LE DUC
(avec explosion)
De quelle chambre?

LE COMTE
(désignant la chambre de la Comtesse, à part)
Vient-il d'ici?

LE BARON
(montrant la chambre de la Baronne; à part)
Vient-il de là?

LE DUC, LE COMTE et LE BARON
Réponds! Réponds!

CHÉRUBIN
(leur éclatant de rire au nez)
Tra la la la la la la!!

LE DUC, LE COMTE, LE BARON
Réponds! Réponds!

CHÉRUBIN
Je m'amuse!
Je m'amuse!

LE BARON
(en levant sa lanterne vers Chérubin)
Ce bouquet est à ma femme!

LE COMTE
(trépidant de rage concentrée)
Ce ruban à la Comtesse!

LE DUC
(avec explosion)
Sa jarretière!!

CHÉRUBIN
Je m'amuse!
Je m'amuse!

LE DUC
(se découvrant)
Pauvre Roi!

LE COMTE
Ce ruban!

LE BARON
Ce bouquet!

LE DUC
Rendez la jarretière!

LE BARON
(dégaînant)
Rendez!

LE DUC
(dégaînant)
Rendez!

LE COMTE
(dégaînant)
…ou c'est la mort! la mort! la mort!

LE DUC
(roulant des yeux terribles)
…avec le cimetière!

LE BARON
…avec le cimetière!

(Tous les trois chargeant Chérubin avec des cris féroces)

CHÉRUBIN
Jamais! Jamais! Jamais!

LE DUC, LE COMTE, LE BARON
Tiens! Tiens! Tiens!
Tiens! Tiens! Tiens! Tiens!

(Chérubin tient tête aux trois énergumènes, mais, aux cris arrivent aussitôt l'Aubergiste affolé et Le Philosophe éploré)

L'AUBERGISTE
(accourant affolé)
Alguazils!! alguazils!!

LE DUC, LE COMTE et LE BARON
Tiens! Tiens!

LE PHILOSOPHE
(éploré)
Trois duels! ah! mon pauvre garçon!
Trois duels! Trois duels!

(On sonne la cloche. Le duel s'est arrêté - la porte charretière est ouverte la cour de la posada est envahie par une foule de serviteurs - avec torches et lanternes - de servantes, de passants, de voyageurs et voyageuses réveillés en sursaut, qui paraissent dans leurs costume de nuit)

L'AUBERGISTE, LES SERVANTES, LES VALET, LES VOYAGEUSES et LES VOYAGEURS
Quel scandale! Quel scandale!
Quel scandale!

LE DUC
Je tuerai demain ce garçon!
Le Roi me donnera raison!
Le Roi me donnera raison!

LE COMTE et LE BARON
Ma femme aimer ce polisson!
Ah! quelle indigne trahison!
Ah! quelle indigne trahison!

CHÉRUBIN
Tra la la! Tra la la!
Je m'amuse!
Je m'amuse!

(paraît le Corrégidor suive d'Alguazils)

LES SERVITEURS
(annonçant à tue-tête)
Le Corrégidor!!

LE BARON
(se jette sur le Corrégidor; à part, avec effarement)
Gardez-vous qu'on le soupçonne;
Mais avec la Comtesse il est bien!

LE COMTE
(même, jeu)
Ah! monsieur, n'en parlez a personne
Il vient de chez l'Ensoleillad!

(de l'autre côté)

Chut! n'en dites rien!

LE BARON
(de l'autre côté)
Chut! n'en dites rien!
n'en dites rien! rien!

LE DUC
(même, jeu)
Il vient de chez la Baronne, chut!
mais au Baronne n'en dites rien!

L'AUBERGISTE, SERVANTES, VALETS
Pour la maison quel scandale!
Le patron en perdra la raison!

(Les trois fenêtres se sont ouvertes, les trois femmes sont apparues)

LE DUC, LE COMTE et LE BARON
Chut! n'en dites rien!

(Les trois femmes à leurs fenêtres)

L'ENSOLEILLAD
(éplorée, à part)
Trois duels à la fois!
Ils le tueront!

LA COMTESSE, LA BARONNE
(à part)
Ils le tueront!

LE PHILOSOPHE
Trois duels à la fois!
Ils le tueront! mon Dieu! O mon Dieu!
O mon Dieu! O mon Dieu!

CHÉRUBIN
Tra la la la la la la la la la!
Je suis gai comme un pinson!
Zon! zon! zon!
Ah! que je m'amuse! la la!
Quelle nuit! Je m'amuse! la! la!

L'AUBERGISTE, SERVANTES, LES VALETS et LA FOULE
Quel scandale! Quel scandale!

L'ENSOLEILLAD, LA COMTESSE, LA BARONNE
Pauvre garçon! Ils le tueront!

LE DUC, LE COMTE et LE BARON
Voyez, il rit! voyez, il rit!
Je tuerai demain ce garçon!

L'ENSOLEILLAD
Hélas! Hélas!

LA COMTESSE et LA BARONNE
C'en est fait! Ils le tueront!
C'en est fait! Ils le tueront!

L'AUBERGISTE, SERVANTES, LES VALETS, LA FOULE
Quel scandale! Pour la maison!

LE PHILOSOPHE
Mon Dieu!
Il a trois duels!

DUC, COMTE, BARON
Le Roi me donnera raison!

LE DUC
Oui, je tuerai ce garçon!

LE COMTE et LE BARON
Quelle indigne trahison!

LE COMTE
(à Chérubin; très catégorique)
Demain, je vous tuerai!

L'AUBERGISTE, LES SERVANTES, LES VALETS et LA FOULE
Quel scandale pour la maison!
Quel scandale pour la maison! Ah!

L'ENSOLEILLAD, LA COMTESSE, LA BARONNE
Ah! Ah! mon Dieu!

LE PHILOSOPHE
Mon Dieu! Mon Dieu! Ah!

LE DUC, LE COMTE, LE BARON
A mort! A mort! Ah!

CHÉRUBIN
Tra la la!
Tra la la!
Tra la la!

(Sur un signe du Corrégidor les alguazils entourent et arrêtent le Duc, le Comte et le Baron qui protestent et se démènent comme des fous furieux. Les trois femmes s'évanouissent, chacune à son balcon.cris tumulte indescriptible)
最終更新:2022年06月03日 18:16