ACTE TROISIÈME

(Le patio pittoresque de la mêmeposada espagnole. Un escalier de bois conduit à la galerie dupremier étage; à droite, des lauriers roseset des grenadiers dans des jarres formentun coin printanier au milieu Duquel Chérubin,accoudé sur une table, écrit silencieusement.Le Philosophe paraît: il s'avance discrètementdu côté de Chérubin et l'observesans en être aperçu)

▼LE PHILOSOPHE▲
(doucement)
Chérubin!

▼CHÉRUBIN▲
(continuant à écrire et presquesans lever la tête)
Un moment!

▼LE PHILOSOPHE▲
(doucement)
Chérubin!

(intrigué)

Qu'écris-tu là?

▼CHÉRUBIN▲
(de belle humeur)
Mon testament!
J'ai trois duels!

▼LE PHILOSOPHE▲
(estomaqué)
Malheureux!

▼CHÉRUBIN▲
(un peu songeur, mais cependantfrivole)
Ah! je soupire un peu…

(assez légèrement)

Mais je n'ai pas l'âme morose…
J'ai toujours vu la vie en bleu;

(au mot de «mort» le pauvre Philosophe devient tout pâle)

La mort… je veux la voir en rose.

(Il lit son testament)

Si je reçois un coup de dague,
Si ce soir je dois trépasser,
A Nina je donne ma bague…
Pour être un peu son fiancé.
A l'Ensoleillad rose et brune,
Dont l'amour un soir m'a grisé,
Je donne toute ma fortune,
Et c'est bien peu pour son baiser.

(avec émotion)

A mon seul ami…

(le Philosophe désespéré lui fait signe qu'il ne voudrait rien entendre)

… j'abandonne
Mes bois et mon manoir.
Je lui fis du chagrin par fois…
Mais je sais bien qu'il me pardonne!

(à ces mots, le Philosophe, qui sanglote, se jette dans les bras de Chérubin)

▼LE PHILOSOPHE▲
(très ému)
Mourir!
Quand on a cet air radieux!
Quand l'amour rayonne en ses yeux!

(hors de lui)

Mourir quand l'amour rayonne en ses yeux,
Mourir quand la vie en son coeur s'éveille,
Mourir quand on a cet air radieux,

▼CHÉRUBIN▲
Que dis-tu?

▼LE PHILOSOPHE▲
Mourir quand on a des couleurs pareilles!
Mourir! Mourir!

(violemment ému)

Mourir!

▼CHÉRUBIN▲
Que dis-tu?

▼LE PHILOSOPHE▲
(enragé)
Que ta mort serait abominable!
Non! tu ne mourras point, par le diable!

▼CHÉRUBIN▲
(amusé)
Il jure!

▼LE PHILOSOPHE▲
(transfiguré)
En garde!

▼CHÉRUBIN▲
Pourquoi donc?

▼LE PHILOSOPHE▲
(confidentiel)
Je veux t'apprendre un coup de maître.

▼CHÉRUBIN▲
(s'amusant beaucoup)
Tu t'es donc battu?

▼LE PHILOSOPHE▲
(se confessant)
Comme un reître.

▼CHÉRUBIN▲
Toi si sage!

(Le Philosophe s'armant d'une lardoire lui donne une leçon d'escrime)

▼LE PHILOSOPHE▲
A ton espadon!
Je simule un contre de quarte,
En sixte, en quarte,
En sixte, encor,
Ton fer veut passer, je l'écarte,
Battez, dégagez.

(Il se fend)

Tu es mort!

▼CHÉRUBIN▲
(enthousiasmé)
Bravo! Superbe!

▼L'AUBERGISTE▲
(revenant du dehors)
Un duel encor! Alguazils! Alguazils!

▼CHÉRUBIN▲
Tais-toi butor!
Ce n'était qu'un jeu!

(l'Aubergiste sort)

▼LE PHILOSOPHE▲
(apparaissent la Comtesse et La Baronne)
La Comtesse!

▼CHÉRUBIN▲
Et la Baronne.

▼LA BARONNE▲
(à la Comtesse)
De l'adresse.

▼LA COMTESSE▲
(à la Baronne)
Du calme!

▼CHÉRUBIN▲
(au Philosophe, à part)
Quel air courroucé!

▼LE PHILOSOPHE▲
(à Chérubin, à part)
Qui fait des fautes les supporte.

▼CHÉRUBIN▲
Va faire le guet à la porte!

(Le Philosophe sort. Très ennuyé, voyant venir à lui lesdeux femmes, à lui-même)

Ah! quel moment je vais passer!

(aux deux femmes)

Je tombe aux pieds de tant de grâce!

(Les deux femmes très irritées,très nerveuses)

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
Pas de grands mots!
Et pas de phrases!

▼CHÉRUBIN▲
Mais…

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
(sèchement et impératif)
Répondez-nous… la vérité!
la vérité! la vérité!
Pour qui chantez-vous donc, beau page,
cette nuit?

▼CHÉRUBIN▲
(embarrassé)
Cette nuit?

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
(après s'être consultéesen confidence)
Pourquoi demandez-vous des gages?
Cette nuit?

▼CHÉRUBIN▲
Cette nuit?

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
(toutes les deux avec irritationet fermeté)
Le vérité, voyons, Monsieur, la vérité!

▼CHÉRUBIN▲
(commençant à en avoir assez)
Eh bien, tant pis!
Hier j'ai chanté…

▼LA COMTESSE▲
(soupirant)
Pour moi?

▼LA BARONNE▲
(de même)
Pour moi?

▼CHÉRUBIN▲
(un peu confus)
Non… pour une autre!

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
(ayant tout deviné, furieuses, exaspérées)
L'Ensoleillad!

▼LE PHILOSOPHE▲
(arrivant vivement)
Vos maris!

(Il s'esquive aussitôt)

▼LE COMTESSE▲
(à part)
Bien!

(Le Comte et le Baron s'arrêtent en voyant leurs femmes causer avec Chérubin. Celles-ci feignent d'ignorer la présence de messieurs leurs maris et accablent Chérubin qui souffre mille morts)

▼LA COMTESSE▲
(haut, en redoublant de colère vis à vis de Chérubin et paraissant très amoureuse quand il s'agit de son mari)
Vous me compromettiez aux yeux
d'un époux que j'adore!

▼LA BARONNE▲
(même jeu, plus outrée encore)
Vous chantiez pour l'Ensoleillad
Et mon pauvre mari, oui,
Mon mari l'ignore!

▼LE BARON▲
(pris au jeu, au Comte)
Les entendez-vous?

▼CHÉRUBIN▲
(à part, exaspéré)
Les pécores!

▼LA BARONNE▲
Enfin, répondez…

▼LA COMTESSE▲
Est-ce vrai, répondez?

(bas à Chérubin)

Répondez ou vous me perdez…

▼CHÉRUBIN▲
(tremblant de rage, mais voulant malgré tout disculper les deux femmes)
C'est vrai! c'est vrai!

▼LE BARON▲
(accourant vers sa femme qui semblestupéfiée de le trouver là; avecexpansion)
Chère femme adorée!

▼LA BARONNE▲
(jouant l'étonnement)
Vous!

▼LE COMTE▲
(même jeu que le Baron)
Femme aimée!

▼LA COMTESSE▲
(même jeu que la Baronne, mais avecplus de hauteur)
Ah! c'est vous!

▼CHÉRUBIN▲
(trépignant de rage devant cettedouble comédie)
Les perfides! les perfides!

▼LE COMTE▲
(bas à sa femme)
Pardonnez-moi!

▼LE BARON▲
(doucement à la sienne)
Pardonnez-nous!

▼CHÉRUBIN▲
(n'en pouvant plus, se tournant vers les deux hommes; très décidé)
Nos duels tiennent toujours,
j'espère?

▼LA BARONNE▲
(insolente)
Vous dites?

▼LA COMTESSE▲
(persiflante et méprisante)
Un duel?
Pourquoi faire?

▼LA BARONNE▲
(de même)
Il perd la tête ce garçon!

▼LA COMTESSE▲
(railleuse)
Il devient fou!

▼CHÉRUBIN▲
(anxieux)
Que signifie?

▼LA COMTESSE▲
(même ton)
Il faut une raison
Pour exposer sa vie!

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
Pour un duel
il faut un outrage,
Or l'outrage n'existe plus!

▼CHÉRUBIN▲
(avec colère)
Que signifie!

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
Quittez ces grands airs superflus,
Ils conviennent mal votre âge!

▼LE COMTE, LE BARON▲
(railleurs)
Tous mes regrets, mon jeune enfant!

▼LE COMTE▲
Tous mes regrets…

▼LE BARON▲
Adieu, petit.

▼CHÉRUBIN▲
(bondissant sous l'insulte)
Je vous défends!

▼LA COMTESSE et LA BARONNE▲
(éclatant de rire se moquant de lui)
Il vous défend!

(en manière de raillerie, à leurs cher maris)

Oh! prenez garde!

(Tous remontent pour s'éloigner)

▼CHÉRUBIN▲
(outré, hors de lui)
Ah! les coquines! les pendardes!
Me font-elles assez souffrir!

▼LE COMTE▲
(en se retournant)
Tous mes regrets…

▼LE BARON▲
(de même)
Adieu, petit.

▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲
(de même)
Adieu, petit.

▼CHÉRUBIN▲
(très nerveux - éclatant - emporté)
Ah! ne pas même pouvoir mourir!

(On voit arriver le Duc, envoyé de Roi,entouré d'officiers, de seigneurset de pages)

Ah! le Duc! au moins lui!

(Il se précipite vers le Duc)

▼LE DUC▲
(très important; à haute voix à la foulequi accourt)
Arrière! au nom du Roi!

(à l'Aubergiste, haletant)

A l'Ensoleillad hâte-toi
De porter ce royal message.

▼CHÉRUBIN▲
(frappé, à part)
L'Ensoleillad!

▼L'AUBERGISTE▲
(à la foule qui envahit le patio,à tue-tête)
Rangez-vous tous! livrez passage
A la chaise à porteurs du Roi!

(Il se hâte de gravir l'escalier qui même chez l'Ensoleillad.Des musiciens (guitaristes,mandolinistes) ont aussitôt grimpél'escalier et donnent une aubade àl'Ensoleillad, devant sa porte, au 1erétage. La foule écoute avec ravissement. Chérubin est seul, à part,très ému)

▼L'ENSOLEILLAD▲
(On entend la voix de l'Ensoleillad quise marie avec les instruments)
Vive amour qui rêve, embrase et fuit!
Vive amour qui meurt en une nuit!
Pleurez donc damoiselles,
Mais des larmes frivoles!
Pleurez donc damoiselles,
Mais des larmes frivoles!

▼CHÉRUBIN▲
(à part, très ému)
Vers elle tout mon coeur m'entraîne!
Pendant un soir, l'éternité,
Je fus le roi de cette reine!
Ce fut à moi tant de beauté!

(L'Ensoleillad apparaît éclairée par un coup de soleil radieux; elle reprend le chant de l'aubade, tout en restant immobile près de la porte ouverte)

▼L'ENSOLEILLAD▲
(à pleine voix)
Vive amour qui rêve, embrase et fuit!
Vive amour qui meurt en une nuit!
Si l'amour a des ailes,
C'est afin qu'il s'envole!
Si l'amour a des ailes,
C'est afin qu'il s'envole!
Si l'amour a des ailes
C'est afin qu'ils s'envole!

▼LA FOULE▲
(extasiée)
L'Ensoleillad est reine par la beauté!

▼L'ENSOLEILLAD▲
Ah!

(L'Ensoleillad va s'avancer, mais, devant l'attitude de Chérubin elle s'arrête… interdite)

▼CHÉRUBIN▲
(à l'Ensoleillad, fou de désespoiret d'amour)
Par pitié! Ne pars pas!
Ah! que ton coeur m'écoute!
Tu m'as dit: Je t'appartiens toute!
Tu m'as dit: Ce soir ne doit plus finir!

(déchirant)

Qu'importe
demain et tout l'avenir!
Ah!

(L'Ensoleillad descend lentement, les yeux fixés sur Chérubin tout palpitant; parvenue au bas de l'escalier, faisant effort pour dissimuler son émotion et, ne pouvant reconnaître Chérubin en un pareil moment, elle s'adresse à la foule en le désignant)

▼L'ENSOLEILLAD▲
Quel est-il?

▼CHÉRUBIN▲
(brisé)
O mon Dieu!

▼LE DUC et LA FOULE▲
(Tous à Chérubin)
Impudent! qu'il recule!
Place aux gens de Sa Majesté!

(L'Ensoleiilade est montée dans sa chaise; la foule l'acclame pendant qu'elle s'éloigne, laissant Chérubin éperdue et pleurant dans les bras du Philosophe qui vient d'entrer tout ému)

▼LA FOULE▲
(unies)
L'Ensoleillad est deux fois reine
Par la faveur et la beauté!
Par la beauté!
Adieu!

(Tous s'inclinent. Sortie générale)

(pause)

▼CHÉRUBIN▲
(abattu, au Philosophe qui le bercedans comme un enfant)
Ton amitié me reste seule…
Et je n'ai plus que toi…
L'amour même, je le déteste,
On a flétri ce que j'aimais.

▼LE PHILOSOPHE▲
(affectueux)
C'est ton premier chagrin, en somme,
Bénis-Ie s'il t'a transformé;

(très ému)

Tu viens de souffrir comme un homme,
Te voilà digne enfin d'aimer.

▼CHÉRUBIN▲
(avec amertume)
Je ne veux plus aimer jamais…
Mon âme désormais a trop de dégoût…
Je ne veux plus aimer jamais…

(violent)

La femme est vile, elle est infâme!

▼LE PHILOSOPHE▲
(avec une philosophie douceet consolante)
Ne plus aimer jamais!
Pourquoi, petit, tant de rancoeur?
Ne plus aimer jamais!
C'est bien à tort que tu t'irrites…
A coeur léger fille sans coeur…
On a les femmes qu'on mérite!
Petit! Attends la femme pleine de douceur
Qui console dans l'infortune,
Chacun de nous en connaît une…
Attends de l'avoir rencontrée…
Tu verras, petit, tu verras!

▼CHÉRUBIN▲
(sincère, résolu)
Ah! jamais je n'ai tant désiré

(palpitant et nerveux)

Une épaule pour y pleurer,
Un bras qui me soutienne!

▼LE PHILOSOPHE▲
Tu verras, petit, tu verras!

▼CHÉRUBIN▲
Qu'elle vienne!

▼LE PHILOSOPHE▲
…attends!!

▼CHÉRUBIN▲
(avec un tendre élan)
J'attends!!

(On a entendu le roulement d'unevoiture puis quelques doux tintementsde sonnailles)

▼LE PHILOSOPHE▲
(apercevant la Nina encore invisible;lentement)
Et quand Eliézer vit Rebecca paraître,
Il dit: Mon Dieu,
Voici la femme de mon maître.

(Il sort doucement au moment où Nina apparaît au seuil de la posada. Elle est dans ses vêtements de deuil)

▼CHÉRUBIN▲
(ému, troublé, courant à Nina)
Nina!

▼NINA▲
(tremblante et s'arrêtant interdite)
Chérubin!

▼CHÉRUBIN▲
En voiles de deuil!
Pourquoi si pâle et si changée…
Et pourquoi dans tout votre accueil
Cette douceur découragée?

▼NINA▲
(doucement, sans méchanceté,ni rancoeur)
Las! est-ce à vous de l'ignorer?

▼CHÉRUBIN▲
(l'attirant dans le coin fleuri du patiode la posada)
Nina! mon coeur tremble et s'étonne…
C'est moi qui vous fis tant pleurer?

▼NINA▲
(très simple)
Je ne pleure plus…
Demain j'abandonne
Le monde et les miens,
Car j'entre au couvent.
Voici vos vers… Je vous pardonne…
J'y croyais… J'étais une enfant…
J'ai dû vous paraître un peu bête.
J'ai cru, vous voyant plein d'émoi,
Que j'avais fait votre conquête
Et que ces vers étaient pour moi…
J'ai dû vous paraître un peu bête.
Quand vous veniez auprès de moi…
Mon coeur me montait à la tête…
Je tremblais… je ne sais pourquoi,
Mais je perdais un peu la tête…
Quand vous veniez auprès de moi.

(à mi-voix)

Et maintenant… que je m'apprête
A vous quitter,

(émue)

j'ai tant d'émoi…
Que mon courage est en défaite…

(simple)

Adieu, adieu… demain j'entre en retraite.
Je vous aimais! oubliez-moi! oubliez-moi!

(regardant Chérubin)

Vous pleurez?

▼CHÉRUBIN▲
(des larmes plein les yeux)
Nina!

▼NINA▲
(très émue)
Quoi, tu pleures?

▼CHÉRUBIN▲
Ces larmes là sont meilleures
Que tout les vains plaisirs
Qu'autrefois j'ai connus.

▼NINA▲
(palpitante)
Tu n'as plus ton rire moqueur!

▼CHÉRUBIN▲
(ravi)
Un sourire plus beau s'éveille
Dans mon coeur.

▼NINA▲
(dans une progression d'émotion)
Quoi, tu ne railles pas?
Ta tendresse est profonde?

▼CHÉRUBIN▲
Avec des yeux nouveaux
Je regarde le monde!
Viens! ma Nina! viens!
ma Nina! viens!
tout contre moi.

▼NINA▲
(vaincue, confiante, amoureuse)
Mon Chérubin, je crois en toi!

▼CHÉRUBIN▲
Je n'avais de l'amour compris
Que la caresse…

▼NINA et CHÉRUBIN▲
Aimer, sentir, souffrir,
ces mots sont une ivresse!
Aimer, sentir, souffrir,
ces mots sont une ivresse!

▼NINA▲
Mon Chérubin, je crois en toi!
Je crois en toi!
Mon Chérubin, je crois en toi!
Toujours à toi!

▼CHÉRUBIN▲
Viens contre moi, tout contre moi!
Tout contre moi!
O Nina! viens tout contre moi?
Je crois en toi!

(Au moment où Chérubin et Nina sont encore enlacés, revient le Duc avec le Philosophe et les officiers qui devaient être témoins dans le duel.Ils portent des épées de combat sousle bras)

▼LE DUC▲
(Suffoqué, en apercevant sa pupilledans les bras de ce petit gredinde Chérubin)
Dans ses bras, ma pupille!
O rage!
ô triple rage!

▼RICARDO▲
(se tordant de rire)
Quel gaillard!

▼LE DUC▲
(hors de lui)
A qui s'en prendra-t'il demain!

▼CHÉRUBIN▲
(s'inclinant devant le Duc, ébahi)
Ce n'est pas un nouvel outrage,
La Nina m'accorde sa main.

(La Nina va supplier son tuteur qui semble lui dire: «Pauvre fille»!)

▼RICARDO▲
(goguenard, à Chérubin)
Tu parles mariage…
Quoi, tu sonnes déjà la retraite à ton âge?

▼CHÉRUBIN▲
(radieux, frappant sur l'épaulede Ricardo)
La retraite! Allons donc.

(Cloches lointaines. Souriant et doux)

Dans ce lever du jour
Ecoute le clocher qui s'éveille et résonne…
Ecoute, ce n'est pas la retraite qui sonne…
C'est la diane pour l'éveil de notre amour!

▼LE PHILOSOPHE▲
(bas à Chérubin en apercevant leruban de la Comtesse qui sort deson habit)
Ces gages, jette-les.
Nina doit te suffire!

▼CHÉRUBIN▲
(après un mouvement d'hésitation, ne pouvant se décider à se dessaisir des gages d'amour, avec en sourire indéfinissable, il renfonce le ruban;parlé)
Bah!!

(courant à Nina qui a conquis sontuteur et le plus ingénument dumonde; parlé)

Nina, je t'aime!

▼RICARDO▲
(regardant Chérubin et joyeusement)
C'est Don Juan!

▼LE PHILOSOPHE▲
(pensif, regardant Nina)
C'est Elvire!
ACTE TROISIÈME

(Le patio pittoresque de la mêmeposada espagnole. Un escalier de bois conduit à la galerie dupremier étage; à droite, des lauriers roseset des grenadiers dans des jarres formentun coin printanier au milieu Duquel Chérubin,accoudé sur une table, écrit silencieusement.Le Philosophe paraît: il s'avance discrètementdu côté de Chérubin et l'observesans en être aperçu)

LE PHILOSOPHE
(doucement)
Chérubin!

CHÉRUBIN
(continuant à écrire et presquesans lever la tête)
Un moment!

LE PHILOSOPHE
(doucement)
Chérubin!

(intrigué)

Qu'écris-tu là?

CHÉRUBIN
(de belle humeur)
Mon testament!
J'ai trois duels!

LE PHILOSOPHE
(estomaqué)
Malheureux!

CHÉRUBIN
(un peu songeur, mais cependantfrivole)
Ah! je soupire un peu…

(assez légèrement)

Mais je n'ai pas l'âme morose…
J'ai toujours vu la vie en bleu;

(au mot de «mort» le pauvre Philosophe devient tout pâle)

La mort… je veux la voir en rose.

(Il lit son testament)

Si je reçois un coup de dague,
Si ce soir je dois trépasser,
A Nina je donne ma bague…
Pour être un peu son fiancé.
A l'Ensoleillad rose et brune,
Dont l'amour un soir m'a grisé,
Je donne toute ma fortune,
Et c'est bien peu pour son baiser.

(avec émotion)

A mon seul ami…

(le Philosophe désespéré lui fait signe qu'il ne voudrait rien entendre)

… j'abandonne
Mes bois et mon manoir.
Je lui fis du chagrin par fois…
Mais je sais bien qu'il me pardonne!

(à ces mots, le Philosophe, qui sanglote, se jette dans les bras de Chérubin)

LE PHILOSOPHE
(très ému)
Mourir!
Quand on a cet air radieux!
Quand l'amour rayonne en ses yeux!

(hors de lui)

Mourir quand l'amour rayonne en ses yeux,
Mourir quand la vie en son coeur s'éveille,
Mourir quand on a cet air radieux,

CHÉRUBIN
Que dis-tu?

LE PHILOSOPHE
Mourir quand on a des couleurs pareilles!
Mourir! Mourir!

(violemment ému)

Mourir!

CHÉRUBIN
Que dis-tu?

LE PHILOSOPHE
(enragé)
Que ta mort serait abominable!
Non! tu ne mourras point, par le diable!

CHÉRUBIN
(amusé)
Il jure!

LE PHILOSOPHE
(transfiguré)
En garde!

CHÉRUBIN
Pourquoi donc?

LE PHILOSOPHE
(confidentiel)
Je veux t'apprendre un coup de maître.

CHÉRUBIN
(s'amusant beaucoup)
Tu t'es donc battu?

LE PHILOSOPHE
(se confessant)
Comme un reître.

CHÉRUBIN
Toi si sage!

(Le Philosophe s'armant d'une lardoire lui donne une leçon d'escrime)

LE PHILOSOPHE
A ton espadon!
Je simule un contre de quarte,
En sixte, en quarte,
En sixte, encor,
Ton fer veut passer, je l'écarte,
Battez, dégagez.

(Il se fend)

Tu es mort!

CHÉRUBIN
(enthousiasmé)
Bravo! Superbe!

L'AUBERGISTE
(revenant du dehors)
Un duel encor! Alguazils! Alguazils!

CHÉRUBIN
Tais-toi butor!
Ce n'était qu'un jeu!

(l'Aubergiste sort)

LE PHILOSOPHE
(apparaissent la Comtesse et La Baronne)
La Comtesse!

CHÉRUBIN
Et la Baronne.

LA BARONNE
(à la Comtesse)
De l'adresse.

LA COMTESSE
(à la Baronne)
Du calme!

CHÉRUBIN
(au Philosophe, à part)
Quel air courroucé!

LE PHILOSOPHE
(à Chérubin, à part)
Qui fait des fautes les supporte.

CHÉRUBIN
Va faire le guet à la porte!

(Le Philosophe sort. Très ennuyé, voyant venir à lui lesdeux femmes, à lui-même)

Ah! quel moment je vais passer!

(aux deux femmes)

Je tombe aux pieds de tant de grâce!

(Les deux femmes très irritées,très nerveuses)

LA COMTESSE, LA BARONNE
Pas de grands mots!
Et pas de phrases!

CHÉRUBIN
Mais…

LA COMTESSE, LA BARONNE
(sèchement et impératif)
Répondez-nous… la vérité!
la vérité! la vérité!
Pour qui chantez-vous donc, beau page,
cette nuit?

CHÉRUBIN
(embarrassé)
Cette nuit?

LA COMTESSE, LA BARONNE
(après s'être consultéesen confidence)
Pourquoi demandez-vous des gages?
Cette nuit?

CHÉRUBIN
Cette nuit?

LA COMTESSE, LA BARONNE
(toutes les deux avec irritationet fermeté)
Le vérité, voyons, Monsieur, la vérité!

CHÉRUBIN
(commençant à en avoir assez)
Eh bien, tant pis!
Hier j'ai chanté…

LA COMTESSE
(soupirant)
Pour moi?

LA BARONNE
(de même)
Pour moi?

CHÉRUBIN
(un peu confus)
Non… pour une autre!

LA COMTESSE, LA BARONNE
(ayant tout deviné, furieuses, exaspérées)
L'Ensoleillad!

LE PHILOSOPHE
(arrivant vivement)
Vos maris!

(Il s'esquive aussitôt)

LE COMTESSE
(à part)
Bien!

(Le Comte et le Baron s'arrêtent en voyant leurs femmes causer avec Chérubin. Celles-ci feignent d'ignorer la présence de messieurs leurs maris et accablent Chérubin qui souffre mille morts)

LA COMTESSE
(haut, en redoublant de colère vis à vis de Chérubin et paraissant très amoureuse quand il s'agit de son mari)
Vous me compromettiez aux yeux
d'un époux que j'adore!

LA BARONNE
(même jeu, plus outrée encore)
Vous chantiez pour l'Ensoleillad
Et mon pauvre mari, oui,
Mon mari l'ignore!

LE BARON
(pris au jeu, au Comte)
Les entendez-vous?

CHÉRUBIN
(à part, exaspéré)
Les pécores!

LA BARONNE
Enfin, répondez…

LA COMTESSE
Est-ce vrai, répondez?

(bas à Chérubin)

Répondez ou vous me perdez…

CHÉRUBIN
(tremblant de rage, mais voulant malgré tout disculper les deux femmes)
C'est vrai! c'est vrai!

LE BARON
(accourant vers sa femme qui semblestupéfiée de le trouver là; avecexpansion)
Chère femme adorée!

LA BARONNE
(jouant l'étonnement)
Vous!

LE COMTE
(même jeu que le Baron)
Femme aimée!

LA COMTESSE
(même jeu que la Baronne, mais avecplus de hauteur)
Ah! c'est vous!

CHÉRUBIN
(trépignant de rage devant cettedouble comédie)
Les perfides! les perfides!

LE COMTE
(bas à sa femme)
Pardonnez-moi!

LE BARON
(doucement à la sienne)
Pardonnez-nous!

CHÉRUBIN
(n'en pouvant plus, se tournant vers les deux hommes; très décidé)
Nos duels tiennent toujours,
j'espère?

LA BARONNE
(insolente)
Vous dites?

LA COMTESSE
(persiflante et méprisante)
Un duel?
Pourquoi faire?

LA BARONNE
(de même)
Il perd la tête ce garçon!

LA COMTESSE
(railleuse)
Il devient fou!

CHÉRUBIN
(anxieux)
Que signifie?

LA COMTESSE
(même ton)
Il faut une raison
Pour exposer sa vie!

LA COMTESSE, LA BARONNE
Pour un duel
il faut un outrage,
Or l'outrage n'existe plus!

CHÉRUBIN
(avec colère)
Que signifie!

LA COMTESSE, LA BARONNE
Quittez ces grands airs superflus,
Ils conviennent mal votre âge!

LE COMTE, LE BARON
(railleurs)
Tous mes regrets, mon jeune enfant!

LE COMTE
Tous mes regrets…

LE BARON
Adieu, petit.

CHÉRUBIN
(bondissant sous l'insulte)
Je vous défends!

LA COMTESSE et LA BARONNE
(éclatant de rire se moquant de lui)
Il vous défend!

(en manière de raillerie, à leurs cher maris)

Oh! prenez garde!

(Tous remontent pour s'éloigner)

CHÉRUBIN
(outré, hors de lui)
Ah! les coquines! les pendardes!
Me font-elles assez souffrir!

LE COMTE
(en se retournant)
Tous mes regrets…

LE BARON
(de même)
Adieu, petit.

LA COMTESSE, LA BARONNE
(de même)
Adieu, petit.

CHÉRUBIN
(très nerveux - éclatant - emporté)
Ah! ne pas même pouvoir mourir!

(On voit arriver le Duc, envoyé de Roi,entouré d'officiers, de seigneurset de pages)

Ah! le Duc! au moins lui!

(Il se précipite vers le Duc)

LE DUC
(très important; à haute voix à la foulequi accourt)
Arrière! au nom du Roi!

(à l'Aubergiste, haletant)

A l'Ensoleillad hâte-toi
De porter ce royal message.

CHÉRUBIN
(frappé, à part)
L'Ensoleillad!

L'AUBERGISTE
(à la foule qui envahit le patio,à tue-tête)
Rangez-vous tous! livrez passage
A la chaise à porteurs du Roi!

{(Il se hâte de gravir l'escalier qui même chez l'Ensoleillad.Des musiciens (guitaristes,mandolinistes) ont aussitôt grimpél'escalier et donnent une aubade àl'Ensoleillad, devant sa porte, au 1erétage. La foule écoute avec ravissement. Chérubin est seul, à part,très ému)

L'ENSOLEILLAD
(On entend la voix de l'Ensoleillad quise marie avec les instruments)
Vive amour qui rêve, embrase et fuit!
Vive amour qui meurt en une nuit!
Pleurez donc damoiselles,
Mais des larmes frivoles!
Pleurez donc damoiselles,
Mais des larmes frivoles!

CHÉRUBIN
(à part, très ému)
Vers elle tout mon coeur m'entraîne!
Pendant un soir, l'éternité,
Je fus le roi de cette reine!
Ce fut à moi tant de beauté!

(L'Ensoleillad apparaît éclairée par un coup de soleil radieux; elle reprend le chant de l'aubade, tout en restant immobile près de la porte ouverte)

L'ENSOLEILLAD
(à pleine voix)
Vive amour qui rêve, embrase et fuit!
Vive amour qui meurt en une nuit!
Si l'amour a des ailes,
C'est afin qu'il s'envole!
Si l'amour a des ailes,
C'est afin qu'il s'envole!
Si l'amour a des ailes
C'est afin qu'ils s'envole!

LA FOULE
(extasiée)
L'Ensoleillad est reine par la beauté!

L'ENSOLEILLAD
Ah!

(L'Ensoleillad va s'avancer, mais, devant l'attitude de Chérubin elle s'arrête… interdite)

CHÉRUBIN
(à l'Ensoleillad, fou de désespoiret d'amour)
Par pitié! Ne pars pas!
Ah! que ton coeur m'écoute!
Tu m'as dit: Je t'appartiens toute!
Tu m'as dit: Ce soir ne doit plus finir!

(déchirant)

Qu'importe
demain et tout l'avenir!
Ah!

(L'Ensoleillad descend lentement, les yeux fixés sur Chérubin tout palpitant; parvenue au bas de l'escalier, faisant effort pour dissimuler son émotion et, ne pouvant reconnaître Chérubin en un pareil moment, elle s'adresse à la foule en le désignant)

L'ENSOLEILLAD
Quel est-il?

CHÉRUBIN
(brisé)
O mon Dieu!

LE DUC et LA FOULE
(Tous à Chérubin)
Impudent! qu'il recule!
Place aux gens de Sa Majesté!

(L'Ensoleiilade est montée dans sa chaise; la foule l'acclame pendant qu'elle s'éloigne, laissant Chérubin éperdue et pleurant dans les bras du Philosophe qui vient d'entrer tout ému)

LA FOULE
(unies)
L'Ensoleillad est deux fois reine
Par la faveur et la beauté!
Par la beauté!
Adieu!

(Tous s'inclinent. Sortie générale)

(pause)

CHÉRUBIN
(abattu, au Philosophe qui le bercedans comme un enfant)
Ton amitié me reste seule…
Et je n'ai plus que toi…
L'amour même, je le déteste,
On a flétri ce que j'aimais.

LE PHILOSOPHE
(affectueux)
C'est ton premier chagrin, en somme,
Bénis-Ie s'il t'a transformé;

(très ému)

Tu viens de souffrir comme un homme,
Te voilà digne enfin d'aimer.

CHÉRUBIN
(avec amertume)
Je ne veux plus aimer jamais…
Mon âme désormais a trop de dégoût…
Je ne veux plus aimer jamais…

(violent)

La femme est vile, elle est infâme!

LE PHILOSOPHE
(avec une philosophie douceet consolante)
Ne plus aimer jamais!
Pourquoi, petit, tant de rancoeur?
Ne plus aimer jamais!
C'est bien à tort que tu t'irrites…
A coeur léger fille sans coeur…
On a les femmes qu'on mérite!
Petit! Attends la femme pleine de douceur
Qui console dans l'infortune,
Chacun de nous en connaît une…
Attends de l'avoir rencontrée…
Tu verras, petit, tu verras!

CHÉRUBIN
(sincère, résolu)
Ah! jamais je n'ai tant désiré

(palpitant et nerveux)

Une épaule pour y pleurer,
Un bras qui me soutienne!

LE PHILOSOPHE
Tu verras, petit, tu verras!

CHÉRUBIN
Qu'elle vienne!

LE PHILOSOPHE
…attends!!

CHÉRUBIN
(avec un tendre élan)
J'attends!!

(On a entendu le roulement d'unevoiture puis quelques doux tintementsde sonnailles)

LE PHILOSOPHE
(apercevant la Nina encore invisible;lentement)
Et quand Eliézer vit Rebecca paraître,
Il dit: Mon Dieu,
Voici la femme de mon maître.

(Il sort doucement au moment où Nina apparaît au seuil de la posada. Elle est dans ses vêtements de deuil)

CHÉRUBIN
(ému, troublé, courant à Nina)
Nina!

NINA
(tremblante et s'arrêtant interdite)
Chérubin!

CHÉRUBIN
En voiles de deuil!
Pourquoi si pâle et si changée…
Et pourquoi dans tout votre accueil
Cette douceur découragée?

NINA
(doucement, sans méchanceté,ni rancoeur)
Las! est-ce à vous de l'ignorer?

CHÉRUBIN
(l'attirant dans le coin fleuri du patiode la posada)
Nina! mon coeur tremble et s'étonne…
C'est moi qui vous fis tant pleurer?

NINA
(très simple)
Je ne pleure plus…
Demain j'abandonne
Le monde et les miens,
Car j'entre au couvent.
Voici vos vers… Je vous pardonne…
J'y croyais… J'étais une enfant…
J'ai dû vous paraître un peu bête.
J'ai cru, vous voyant plein d'émoi,
Que j'avais fait votre conquête
Et que ces vers étaient pour moi…
J'ai dû vous paraître un peu bête.
Quand vous veniez auprès de moi…
Mon coeur me montait à la tête…
Je tremblais… je ne sais pourquoi,
Mais je perdais un peu la tête…
Quand vous veniez auprès de moi.

(à mi-voix)

Et maintenant… que je m'apprête
A vous quitter,

(émue)

j'ai tant d'émoi…
Que mon courage est en défaite…

(simple)

Adieu, adieu… demain j'entre en retraite.
Je vous aimais! oubliez-moi! oubliez-moi!

(regardant Chérubin)

Vous pleurez?

CHÉRUBIN
(des larmes plein les yeux)
Nina!

NINA
(très émue)
Quoi, tu pleures?

CHÉRUBIN
Ces larmes là sont meilleures
Que tout les vains plaisirs
Qu'autrefois j'ai connus.

NINA
(palpitante)
Tu n'as plus ton rire moqueur!

CHÉRUBIN
(ravi)
Un sourire plus beau s'éveille
Dans mon coeur.

NINA
(dans une progression d'émotion)
Quoi, tu ne railles pas?
Ta tendresse est profonde?

CHÉRUBIN
Avec des yeux nouveaux
Je regarde le monde!
Viens! ma Nina! viens!
ma Nina! viens!
tout contre moi.

NINA
(vaincue, confiante, amoureuse)
Mon Chérubin, je crois en toi!

CHÉRUBIN
Je n'avais de l'amour compris
Que la caresse…

NINA et CHÉRUBIN
Aimer, sentir, souffrir,
ces mots sont une ivresse!
Aimer, sentir, souffrir,
ces mots sont une ivresse!

NINA
Mon Chérubin, je crois en toi!
Je crois en toi!
Mon Chérubin, je crois en toi!
Toujours à toi!

CHÉRUBIN
Viens contre moi, tout contre moi!
Tout contre moi!
O Nina! viens tout contre moi?
Je crois en toi!

(Au moment où Chérubin et Nina sont encore enlacés, revient le Duc avec le Philosophe et les officiers qui devaient être témoins dans le duel.Ils portent des épées de combat sousle bras)

LE DUC
(Suffoqué, en apercevant sa pupilledans les bras de ce petit gredinde Chérubin)
Dans ses bras, ma pupille!
O rage!
ô triple rage!

RICARDO
(se tordant de rire)
Quel gaillard!

LE DUC
(hors de lui)
A qui s'en prendra-t'il demain!

CHÉRUBIN
(s'inclinant devant le Duc, ébahi)
Ce n'est pas un nouvel outrage,
La Nina m'accorde sa main.

(La Nina va supplier son tuteur qui semble lui dire: «Pauvre fille»!)

RICARDO
(goguenard, à Chérubin)
Tu parles mariage…
Quoi, tu sonnes déjà la retraite à ton âge?

CHÉRUBIN
(radieux, frappant sur l'épaulede Ricardo)
La retraite! Allons donc.

(Cloches lointaines. Souriant et doux)

Dans ce lever du jour
Ecoute le clocher qui s'éveille et résonne…
Ecoute, ce n'est pas la retraite qui sonne…
C'est la diane pour l'éveil de notre amour!

LE PHILOSOPHE
(bas à Chérubin en apercevant leruban de la Comtesse qui sort deson habit)
Ces gages, jette-les.
Nina doit te suffire!

CHÉRUBIN
(après un mouvement d'hésitation, ne pouvant se décider à se dessaisir des gages d'amour, avec en sourire indéfinissable, il renfonce le ruban;parlé)
Bah!!

(courant à Nina qui a conquis sontuteur et le plus ingénument dumonde; parlé)

Nina, je t'aime!

RICARDO
(regardant Chérubin et joyeusement)
C'est Don Juan!

LE PHILOSOPHE
(pensif, regardant Nina)
C'est Elvire!
最終更新:2022年06月03日 18:15