ACTE DEUXIÈME


(Un cachot de l'Inquisition à Lisbonne. Au fond, à gauche, un banc. Au milieu du cachot un pilier massif; sur ce pilier une carte géographique)

Scène Première

(Vasco, dormant étendu sur le banc; Sélika)

▼SÉLIKA▲
(Regardant Vasco)
Toujours son sommeil agité
Par des rêves de gloire et d'immortalité!

(S'approchant de lui et le regardant)

Depuis un mois entier,
Dans ces sombres cachots,
Personne, excepté moi, ne pense à toi,
Mon maître.

(S'animant)

À toi… qui n'entends pas
Ma plainte et mes sanglots…
Et qui n'aurais pour eux
que du mépris peut-être!

▼VASCO▲
(Rêvant)
Ô ma patrie!
Ma douce compagne…

▼SÉLIKA▲
Ecoutons! je frémis!

▼VASCO▲
(De même)
Inès, ma seule amie!

▼SÉLIKA▲
Inès!… Qu'ai-je entendu?
L'amour que je ressens,
Pour une autre il l'éprouve!…
Ah! c'est trop de tourment!
Hélas!
Que ces doux refrains,
Des bords lointains,
Calment tes chagrins.

Air du Sommeil

(Évente Vasco avec un éventail indien)

Sur mes genoux, fils du soleil,
Vainqueur au champ d'alarmes;
Le frais lotus d'un doux sommeil
Sur toi verse les charmes.
Le ramier gémit;
La brise frémit;
L'étoile scintille dans l'ombre;
Le Bengali dit
Son chant dans la nuit.
Sommeille en paix, en ce bois sombre.
Sur mes genoux, fils du soleil,
Vainqueur au champ d'alarmes;
Le frais lotus, d'un doux sommeil
Sur toi verse…

(Elle regarde si Vasco dort)

Quel doux sommeil!
Hélas, hélas, mon coeur faiblit;
Mes pleurs, ne me trahissez pas.

(Avec une expression douloureuse)

Ah! si la mer m'eût engloutie
Quand la tempête m'entraîna!

(S'animant davantage)

Je n'aurais pas donné ma vie,
Au maître étranger qui dort là!
Éteins, Brahma,
Les flammes de mon cœur
Qui font, hélas! mes maux…
Et mon bonheur!

▼VASCO▲
(Rêvant)
L'orage approche, compagnons!

▼SÉLIKA▲
(avec anxiété)
Il s'éveille… vite chantons :

(Elle reprend son éventail)

Sur mes genoux, fils du soleil,
Dors parmi la verdure…
Pour mieux bercer ton doux sommeil
La vague murmure.

(Elle regarde Vasco)

Il dort en paix.

(D'une voix suffoquée)

Ah! je succombe!
Hélas! je souffre, je chancelle.

(Pleurant)

Douleur mortelle!

(Avec une grande véhémence, et sur le devant de la scène)

Malgré moi je regrette à peine,
Auprès de toi, mon doux pays,
Et mon palais de souveraine,
Et mes dieux dans mon cœur trahis!
Hélas, je t'aime!
Mon bien suprême
Hélas, c'est toi!

(Hors de lui-même, elle retourne vers Vasco, le contemple, penche sa tête vers lui et ses lèvres vont effleurer son front quand de la porte à gauche sort Nélusko sans être vu d'elle. Sélika cache sa tête dans ses mains en pleurant)

Scène Deuxième

(Les mêmes, Nélusko)

(Nélusko entre lentement)

▼SÉLIKA▲
(À voix basse)
Nélusko!

▼NÉLUSKO▲
(À voix basse, entrant en rêvant et les yeux baissés)
Pour l'honneur de notre souveraine,
Il le faut, pour elle et pour ma haine!

(S'approchant)

C'est lui. Que vois-je?… il sommeille…

(Froidement)

Non, j'ai tort;
Je ne veux frapper un ennemi qui dort…

(Tirant un poignard)

N'importe, il le faut!

(Il s'avance vers Vasco)

▼SÉLIKA▲
(Se jetant au-devant de Nélusko)
Ô ciel, que veux-tu faire?
C'est un prisonnier comme nous!

▼NÉLUSKO▲
C'est un chrétien, je les déteste tous.

▼SÉLIKA▲
(D'un ton de reproche)
Il fut notre sauveur, il est là sans défense!
C'est à lui que je dois, dans notre triste sort,
De trouver près de toi la patrie adorée;
Sans lui, de toi, ta reine séparée,
Serait plus triste encor!
Et toi, noble guerrier,
Souillant ta main d'un pareil crime,
Tu veux frapper
Au cœur ce maître magnanime?

▼NÉLUSKO▲
Je le veux! je le dois!
J'abhorre ce chrétien!

▼SÉLIKA▲
(Avec intention)
Quoi! pas d'autres motifs?…

▼NÉLUSKO▲
Peut-être.

▼SÉLIKA▲
(Avec dignité)
Achève!…

▼NÉLUSKO▲
Je ne peux!

▼SÉLIKA▲
Je te l'ordonne, je le veux!

Air

▼NÉLUSKO▲
Fille des rois, à toi l'hommage
Que te doit ma fidélité!
Ni le malheur, ni l'esclavage,
N'ôtent rien à ta majesté!

(S'inclinant d'une voix soumise)

Je vois, dans la grande île,
En nos jours fortunés,
Nos prêtres, nos guerriers
Devant toi prosternés.
Mais le front qui jadis porta le diadème
Ne doit plus se courber
Que devant Dieu lui-même.

(Avec véhémence)

Mais lorsqu'en cette prison

(Montrant Vasco)

Auprès d'un ennemi!

▼SÉLIKA▲
(Vivement)
Nélusko!

▼NÉLUSKO▲
(Rencontrant un regard irrité de Sélika; d'un ton soumis)
Pardon!
Fille des rois, à toi l'hommage
Que te doit ma fidélité!
Ni le malheur ni l'esclavage
N'ôtent rien à ta majesté!

(Montrant Vasco, d'une voix suffoquée)

Mais pour lui, pour Vasco, ce chrétien,
Reine, songes-y bien…
Quand l'amour m'entraîne,
Ou bien quand la haine,
Ardente et soudaine,
Me tient en éveil,
En mes sens fermente,
Flamme dévorante,
Qui, chez nous, s'augmente
Aux feux du soleil!

(A demi-voix)

Il existe un secret
Que j'ai cru découvrir.

(Montrant Vasco)

Tout bas je l'ai juré,
Celui-ci doit périr!

▼SÉLIKA▲
Nélusko!

▼NÉLUSKO▲
Redoutant ma colère,
Qu'il tremble pour son sort!

▼SÉLIKA▲
Par pitié!

▼NÉLUSKO▲
(Regardant Sélika qui le prie à mains jointes)
Car pour lui, ta prière
Est un arrêt de mort!

(S'avançant vers Vasco pour le frapper)

▼SÉLIKA▲
(Prenant la main à Vasco et la serrant)
Maître, éveille-toi.

(Nélusko s'arrête et cache son poignard)

▼VASCO▲
(Se réveillant)
Qu'est-ce donc?

▼SÉLIKA▲
(Troublée et embarrassée)
Ton repas!
Que t'apportait ton esclave fidèle.

▼VASCO▲
C'est bien.

(À Nélusko)

Laisse-nous.

(Voyant qu'il reste immobile)

M'entends-tu?

▼NÉLUSKO▲
Oui j'entends!

(Nélusko se retire lentement. En pleurant à part)

Ô Brahma! Dieu puissant,
Maître des cieux et de la terre,
Vous souffrez qu'il soit servi par elle!

Scène Troisième

(Vasco, Sélika)

▼VASCO▲
(S'avançant)
En vain leur impuissante rage
M'enchaîne en ces lieux ténébreux.
Je veux, brisant mon esclavage,
Revoir Inès! revoir les cieux.

▼SÉLIKA▲
Venez soutenir mon courage,
Dieux protecteurs de mes aïeux!
Chassez de mon coeur son image,
Et cachez ma peine à ses yeux!

(Vasco est retombé dans sa rêverie; puis il se lève et contemple la carte qui est tracée sur le mur, où sont tracées les côtes de l'Afrique depuis le détroit de Gibraltar jusqu'au cap de Bonne-Espérance. Il regarde le dessin qu'il vient de tracer)

▼VASCO▲
(Regardant toujours la carte)
Terrible et fatal promontoire,
Que nul n'a pu doubler encor,
De te franchir j'aurai la gloire!

(Montrant sur la carte la pointe du cap)

De ce côté…

▼SÉLIKA▲
(Qui s'est approchée, regarde derrière son épaule. Vivement)
Non, non!

▼VASCO▲
(Etonné)
Pourquoi?

▼SÉLIKA▲
C'est courir à la mort!

▼VASCO▲
Que dis-tu?

▼SÉLIKA▲
Mais par là!… à la droite… est une île,
Une île immense…

▼VASCO▲
(Saisi de surprise, d'une voix suffoquée)
Ô ciel!

▼SÉLIKA▲
Pays aimé des dieux!

▼VASCO▲
Achève!

▼SÉLIKA▲
C'est de là que mon canot fragile,
Surpris par le typhon sur une mer tranquille,
Longtemps battu par les flots furieux,
Fut enfin entrainé sur le sol d'esclavage…

▼VASCO▲
(Avec enthousiasme)
Triomphe, je l'avais dit!
Oui, c'est là le passage.
Grâce à toi j'en suis sûr!…
Le ciel comble mes vœux!

Ensemble

▼VASCO▲
(Pressant Sélika dans ses bras)
Combien tu m'es chère,
Ange tutélaire,
Par qui la lumière
Enfin m'arriva!
Ô service immense,
Que dans sa constance,
Ma reconnaissance
Jamais n'oubliera!

▼SÉLIKA▲
(À part, tout enivrée de bonheur)
Quoi! je lui suis chère!
Ô douce lumière,
Qui soudain m'éclaire,
Jour inespéré!
Il m'aime, j'ai croyance
Et plein d'espérance.
Ah! mon cœur s'élance
D'amour enivré!

(Pendant la fin de l'ensemble, la porte du cachot s'est ouverte, don Pédro et Inès sont entrés au moment où Vasco tient Sélika dans ses bras)

Scène Quatrième

(Les mêmes, Inès, Suivante, Don Alvar, Don Pédro et Nélusko)

(La porte du fond s'ouvre, Inès, la Suivante, Don Pédro et don Alvar entrent)

▼DON PÉDRO▲
(À Inès, lui montrant Vasco et Sélika)
On nous l'avait bien dit… et le hasard propice
Nous en donne la preuve.

▼VASCO▲
(Hors de lui)
En croirai-je mes yeux?
Inès, ma bien-aimée!…

▼SÉLIKA▲
(À part avec fureur)
Elle!… Inès!… dans ces lieux!

(Sélika veut s'avancer vers Inès, Vasco l'arrête par la main. Sélika regarde Inès avec un sentiment d'envie, et dit à part en regardant ses mains à elle-même)

Qu'elle est blanche!…
Et quel froid dans mes veines se glisse.

(Inès s'avance vers Vasco, elle veut parler mais l'émotion l'empêche, puis elle fait un effort et dit:)

▼INÈS▲
(D'une voix étouffée par les soupirs)
J'avais appris que pour toujours,
Dans les ténèbres, tu languissais!
Mais ton pardon est acheté!
Et je te rends la liberté!

▼VASCO▲
(Avec joie)
La liberté!

▼INÈS▲
Oui!
Lis cet écrit.

(Lui remettant un parchemin revêtu du sceau royal. Avec effort)

L'ordre est formel.
Vois!

▼VASCO▲
Ô ciel!

▼INÈS▲
(Avec chaleur)
Et maintenant nous quittons à tout jamais.
Hélas! il faut me fuir. Adieu!

(Inès va vers Don Pédro et l'entraîne pour sortir)

Allons, sortons.

▼VASCO▲
Non, j'ai deviné, compris vos soupçons;

(Montrant Sélika)

Cette esclave…

▼INÈS▲
Par vous en Afrique achetée.

▼VASCO▲
(Vivement)
N'est rien que mon esclave…
Et votre âme irritée
D'un mot s'apaisera.
Elle est à vous, Inès!

▼SÉLIKA▲
(Avec un cri de douleur)
Ah! le cruel! l'ingrat!

▼VASCO▲
Je vous la cède,
Je vous la donne.

▼NÉLUSKO▲
(Avec anxiété)
Et moi?

▼VASCO▲
Toi de même, suis-la!

(Avec enthousiasme)

Et mon cœur et mon sang,
Tout ce que je possède,
Pour un seul regard de ses yeux!

▼SÉLIKA▲
(À part)
Ah! le cruel!

▼INÈS▲
(De même)
Le malheureux!

(Vasco veut interroger Inès, mais elle se détourne de lui)

Ensemble

▼INÈS▲
Moi seule il m'aime, et je doutais.
Ah quel destin, quel coup affreux!
Ma voix s'éteint, un voile épais
Vient obscurcir mes yeux!

▼VASCO▲
Le sort met fin à mon malheur.
Quand je vois ses beaux yeux
Soudain rayonne dans mon cœur
Comme un reflet des cieux.

▼DON ALVAR, LA SUIVANTE▲
Pour elle, hélas, ah! quel destin,
Quel coup affreux vient l'accabler,
Il l'aime tant! elle doutait!
Ah! pauvre Inès, quel coup affreux!
Sa voix s'éteint, un voile épais
Vient obscurcir ses yeux.

▼SÉLIKA▲
Ô juste ciel, quelle douleur!
Le traître insulte à mon malheur.
Il m'a vendue à cette Inès!
Ô cruauté, mépris sanglant!
Je sens la honte et la fureur
Me brûler de tous leurs feux.

▼NÉLUSKO▲
Enfin le sort, dans sa faveur!
A donc rompu leurs nœuds.
Sois ferme et fière en ta douleur,
Fuyons bien loin de ces lieux.

▼DON PÉDRO▲
Enfin le sort, dans sa faveur,
Vient d'exaucer mes ardents vœux,
Je vais jouir de la fureur
De ce rival ambitieux.

▼DON PÉDRO▲
(À Vasco)
Marché conclu! Nous acceptons!

(Montrant Sélika et Nélusko)

Tous deux je vous les paye…

(À Inès)

Et maintenant partons.

▼VASCO▲
(Étonné)
Que dites-vous?

▼DON PÉDRO▲
(Avec orgueil et emphase)
Du roi, la bonté paternelle
Confie à mes talents,
Ou du moins à mon zèle,
La gloire de tenter ce passage hardi
Où plus d'un fol orgueil
Echoua jusqu'ici.

▼VASCO▲
(Avec indignation)
Vous! à qui j'ai remis,
D'une main insensée,
Les fruits de mes périls,
Mes labeurs, ma pensée!

▼DON PÉDRO▲
Vains projets…
Dans la flamme et dans l'oubli tombés.

▼VASCO▲
Gloire qui m'appartient
Et que vous dérobez!…

▼NÉLUSKO▲
(Bas à don Pédro)
Tu l'obtiendras par moi.
Conduis-moi sur ton bord
Et je te servirai de guide et de pilote.

▼DON PÉDRO▲
(Le regardant et à demi-voix)
J'y comptais bien en t'achetant!

(À Vasco à haute voix)

Le roi
Des régions découvertes par moi
M'a nommé gouverneur.

▼NÉLUSKO▲
(Avec ironie)
D'avance!

▼DON PÉDRO▲
Aujourd'hui même,
Mon escadre appareille.

(À Inès)

Allons, sortons d'ici;
Votre main.

▼VASCO▲
De quel droit?

▼DON PÉDRO▲
De celui
Qu'aux pieds des saints autels
J'ai reçu de Dieu même.

▼VASCO▲
(À Inès)
Que dit-il?

▼INÈS▲
(À demi-voix à Vasco, avec douleur)
Pour vous qu'on disait infidèle,
Et pour vous soustraire aux horreurs
De cette prison éternelle,
Ma main je l'ai donnée…

▼VASCO▲
(Avec un cri de douleur)
Ah!

▼INÈS▲
(D'une voix mourante)
Et loin de vous, je meurs!

▼VASCO▲
Anathème sur l'infâme
Et malheur sur moi!

Ensemble

▼INÈS▲
Immobile, de surprise,
De douleur son cœur se brise.
J'ai trahi la foi promise,
J'ai perdu tout mon bonheur!
Mais l'honneur parle et réclame,
C'en est fait je suis sa femme.
Anathème sur ma tête
Et malheur.

▼SÉLIKA▲
Immobile, de surprise,
De douleur mon cœur se brise,
Et l'ingrat qui me méprise,
Ne saurait voir ma douleur.
Mais d'un autre elle est la femme,
Et la rage qui l'enflamme
Fait renaître dans mon âme
Le bonheur!

▼LA SUIVANTE▲
Immobile, de surprise,
De douleur son cœur se brise.
À ses lois elle est soumise,
Don Pédro est son mari!
C'en est fait, elle est sa femme,
Qu'un rival en vain réclame,
Le Ciel laisse à son âme
Les regrets et la douleur.

▼VASCO▲
Immobile, de surprise,
Interdit, l'âme indécise,
Comment croire qu'elle brise
Des serments faits par l'honneur!
Pourtant il le proclame,
Il l'a dit, elle est sa femme;
Anathème sur l'infâme,
Et sur moi malheur!

▼DON ALVAR▲
Immobile, de surprise,
De douleur son cœur se brise,
À ses lois elle est soumise,
Don Pédro est son mari!
C'en est fait, elle est sa femme,
Le ciel laisse à son âme
Les regrets et la douleur.

▼NÉLUSKO▲
Notre Dieu nous favorise,
Sa vengeance déjà brise
Le chrétien que je méprise
Et je ris de sa douleur.

(Montrant Don Pédro)

Et cet autre, cet infâme,
Que l'orgueil d'avance enflamme
Qu'il redoute de mon âme
La vengeance et la fureur.

▼DON PÉDRO▲
Immobile de surprise,
De douleur son cœur se brise.
À mes lois elle est soumise,
Et c'est moi qui suis vainqueur!
C'en est fait elle est ma femme,
Qu'un rival en vain réclame.
Moi je brave dans mon âme
Sa vengeance et sa fureur.

▼INÈS▲
(Très émue)
Écoutez-moi, Vasco!

▼SÉLIKA▲
(Avec jalousie, à part)
Va-t-il la suivre!

▼DON PÉDRO▲
(Avec colère, à part)
Elle ose!

▼VASCO▲
Du calme.

▼NÉLUSKO▲
(À Sélika)
Il se livre!

▼INÈS▲
(À Vasco de Gama)
Eh bien, sois libre par l'amour,
La gloire au loin t'appelle;
Près de ma tombe au cœur fidèle
Ah! viens à ton retour!

Ensemble

▼INÈS▲
Dans les soupirs de la ramure
Reconnais ma voix qui murmure,
Et va, plaintive, t'appelant.

(Avec douleur)

Adieu, Vasco, là-haut je t'attends!

▼SÉLIKA▲
Pour moi l'exil et son mépris,
Hélas, quel coup affreux;
Il m'a livrée aux ennemis,
Le quitter, c'est affreux.
Pleurez donc, ô mes yeux!
Mon seul bien je l'ai perdu.
Je dois mourir. Adieu!

▼VASCO DE GAMA▲
Hélas! la main qui me sauva
Me porte un coup mortel;
Et pour toujours je perds Inès,
Son âme, ô sort cruel.
La quitter, c'est affreux.
Pleurez donc, ô mes yeux.
Mon seul bien, je l'ai perdu.
Je dois mourir. Adieu.

▼DON ALVAR▲
La main qui le sauva
Lui porte un coup mortel!
Son seul bonheur, il le voit fuir
Et pour toujours il perd Inès,
Son âme, ô sort cruel!
Pour l'oublier, il va mourir! Adieu.

▼NÉLUSKO▲
Pour elle exil, regrets, mépris
Pour lui, son bien-aimé.
Merci Brahma, tu l'as guérie,
Sur son front qui pâlit
Sa douleur se trahit!
Elle est sauvée!
Vasco va mourir. Adieu.

▼DON PÉDRO▲
Victoire, enfin et sans retour
Il part, il est vaincu,
Je suis vengé. Pour lui tout est perdu.

(Regardant Inès)

À son front qui pâlit
Son tourment l'a trahi
Elle me restera.
De son tourment je vais jouir.
Il va partir. Adieu.

(Don Pédro emmène Inès. Vasco tombe anéanti sur un siège. Sélika veut s'élancer vers lui; mais Nélusko la retient et l'entraîne sur les pas de don Pédro. Elle jette en s'éloignant un dernier regard de douleur et d'amour sur Vasco. La toile tombe très lentement)
ACTE DEUXIÈME


Un cachot de l'Inquisition à Lisbonne. Au fond, à gauche, un banc. Au milieu du cachot un pilier massif; sur ce pilier une carte géographique

Scène Première

Vasco, dormant étendu sur le banc; Sélika

SÉLIKA
Regardant Vasco
Toujours son sommeil agité
Par des rêves de gloire et d'immortalité!

S'approchant de lui et le regardant

Depuis un mois entier,
Dans ces sombres cachots,
Personne, excepté moi, ne pense à toi,
Mon maître.

S'animant

À toi… qui n'entends pas
Ma plainte et mes sanglots…
Et qui n'aurais pour eux
que du mépris peut-être!

VASCO
Rêvant
Ô ma patrie!
Ma douce compagne…

SÉLIKA
Ecoutons! je frémis!

VASCO
De même
Inès, ma seule amie!

SÉLIKA
Inès!… Qu'ai-je entendu?
L'amour que je ressens,
Pour une autre il l'éprouve!…
Ah! c'est trop de tourment!
Hélas!
Que ces doux refrains,
Des bords lointains,
Calment tes chagrins.

Air du Sommeil

Évente Vasco avec un éventail indien

Sur mes genoux, fils du soleil,
Vainqueur au champ d'alarmes;
Le frais lotus d'un doux sommeil
Sur toi verse les charmes.
Le ramier gémit;
La brise frémit;
L'étoile scintille dans l'ombre;
Le Bengali dit
Son chant dans la nuit.
Sommeille en paix, en ce bois sombre.
Sur mes genoux, fils du soleil,
Vainqueur au champ d'alarmes;
Le frais lotus, d'un doux sommeil
Sur toi verse…

Elle regarde si Vasco dort

Quel doux sommeil!
Hélas, hélas, mon coeur faiblit;
Mes pleurs, ne me trahissez pas.

Avec une expression douloureuse

Ah! si la mer m'eût engloutie
Quand la tempête m'entraîna!

S'animant davantage

Je n'aurais pas donné ma vie,
Au maître étranger qui dort là!
Éteins, Brahma,
Les flammes de mon cœur
Qui font, hélas! mes maux…
Et mon bonheur!

VASCO
Rêvant
L'orage approche, compagnons!

SÉLIKA
avec anxiété
Il s'éveille… vite chantons :

Elle reprend son éventail

Sur mes genoux, fils du soleil,
Dors parmi la verdure…
Pour mieux bercer ton doux sommeil
La vague murmure.

Elle regarde Vasco

Il dort en paix.

D'une voix suffoquée

Ah! je succombe!
Hélas! je souffre, je chancelle.

Pleurant

Douleur mortelle!

Avec une grande véhémence, et sur le devant de la scène

Malgré moi je regrette à peine,
Auprès de toi, mon doux pays,
Et mon palais de souveraine,
Et mes dieux dans mon cœur trahis!
Hélas, je t'aime!
Mon bien suprême
Hélas, c'est toi!

Hors de lui-même, elle retourne vers Vasco, le contemple, penche sa tête vers lui et ses lèvres vont effleurer son front quand de la porte à gauche sort Nélusko sans être vu d'elle. Sélika cache sa tête dans ses mains en pleurant

Scène Deuxième

Les mêmes, Nélusko

Nélusko entre lentement

SÉLIKA
À voix basse
Nélusko!

NÉLUSKO
À voix basse, entrant en rêvant et les yeux baissés
Pour l'honneur de notre souveraine,
Il le faut, pour elle et pour ma haine!

S'approchant

C'est lui. Que vois-je?… il sommeille…

Froidement

Non, j'ai tort;
Je ne veux frapper un ennemi qui dort…

Tirant un poignard

N'importe, il le faut!

Il s'avance vers Vasco

SÉLIKA
Se jetant au-devant de Nélusko
Ô ciel, que veux-tu faire?
C'est un prisonnier comme nous!

NÉLUSKO
C'est un chrétien, je les déteste tous.

SÉLIKA
D'un ton de reproche
Il fut notre sauveur, il est là sans défense!
C'est à lui que je dois, dans notre triste sort,
De trouver près de toi la patrie adorée;
Sans lui, de toi, ta reine séparée,
Serait plus triste encor!
Et toi, noble guerrier,
Souillant ta main d'un pareil crime,
Tu veux frapper
Au cœur ce maître magnanime?

NÉLUSKO
Je le veux! je le dois!
J'abhorre ce chrétien!

SÉLIKA
Avec intention
Quoi! pas d'autres motifs?…

NÉLUSKO
Peut-être.

SÉLIKA
Avec dignité
Achève!…

NÉLUSKO
Je ne peux!

SÉLIKA
Je te l'ordonne, je le veux!

Air

NÉLUSKO
Fille des rois, à toi l'hommage
Que te doit ma fidélité!
Ni le malheur, ni l'esclavage,
N'ôtent rien à ta majesté!

S'inclinant d'une voix soumise

Je vois, dans la grande île,
En nos jours fortunés,
Nos prêtres, nos guerriers
Devant toi prosternés.
Mais le front qui jadis porta le diadème
Ne doit plus se courber
Que devant Dieu lui-même.

Avec véhémence

Mais lorsqu'en cette prison

Montrant Vasco

Auprès d'un ennemi!

SÉLIKA
Vivement
Nélusko!

NÉLUSKO
Rencontrant un regard irrité de Sélika; d'un ton soumis
Pardon!
Fille des rois, à toi l'hommage
Que te doit ma fidélité!
Ni le malheur ni l'esclavage
N'ôtent rien à ta majesté!

Montrant Vasco, d'une voix suffoquée

Mais pour lui, pour Vasco, ce chrétien,
Reine, songes-y bien…
Quand l'amour m'entraîne,
Ou bien quand la haine,
Ardente et soudaine,
Me tient en éveil,
En mes sens fermente,
Flamme dévorante,
Qui, chez nous, s'augmente
Aux feux du soleil!

A demi-voix

Il existe un secret
Que j'ai cru découvrir.

Montrant Vasco

Tout bas je l'ai juré,
Celui-ci doit périr!

SÉLIKA
Nélusko!

NÉLUSKO
Redoutant ma colère,
Qu'il tremble pour son sort!

SÉLIKA
Par pitié!

NÉLUSKO
Regardant Sélika qui le prie à mains jointes
Car pour lui, ta prière
Est un arrêt de mort!

S'avançant vers Vasco pour le frapper

SÉLIKA
Prenant la main à Vasco et la serrant
Maître, éveille-toi.

Nélusko s'arrête et cache son poignard

VASCO
Se réveillant
Qu'est-ce donc?

SÉLIKA
Troublée et embarrassée
Ton repas!
Que t'apportait ton esclave fidèle.

VASCO
C'est bien.

À Nélusko

Laisse-nous.

Voyant qu'il reste immobile

M'entends-tu?

NÉLUSKO
Oui j'entends!

Nélusko se retire lentement. En pleurant à part

Ô Brahma! Dieu puissant,
Maître des cieux et de la terre,
Vous souffrez qu'il soit servi par elle!

Scène Troisième

Vasco, Sélika

VASCO
S'avançant
En vain leur impuissante rage
M'enchaîne en ces lieux ténébreux.
Je veux, brisant mon esclavage,
Revoir Inès! revoir les cieux.

SÉLIKA
Venez soutenir mon courage,
Dieux protecteurs de mes aïeux!
Chassez de mon coeur son image,
Et cachez ma peine à ses yeux!

Vasco est retombé dans sa rêverie; puis il se lève et contemple la carte qui est tracée sur le mur, où sont tracées les côtes de l'Afrique depuis le détroit de Gibraltar jusqu'au cap de Bonne-Espérance. Il regarde le dessin qu'il vient de tracer

VASCO
Regardant toujours la carte
Terrible et fatal promontoire,
Que nul n'a pu doubler encor,
De te franchir j'aurai la gloire!

Montrant sur la carte la pointe du cap

De ce côté…

SÉLIKA
Qui s'est approchée, regarde derrière son épaule. Vivement
Non, non!

VASCO
Etonné
Pourquoi?

SÉLIKA
C'est courir à la mort!

VASCO
Que dis-tu?

SÉLIKA
Mais par là!… à la droite… est une île,
Une île immense…

VASCO
Saisi de surprise, d'une voix suffoquée
Ô ciel!

SÉLIKA
Pays aimé des dieux!

VASCO
Achève!

SÉLIKA
C'est de là que mon canot fragile,
Surpris par le typhon sur une mer tranquille,
Longtemps battu par les flots furieux,
Fut enfin entrainé sur le sol d'esclavage…

VASCO
Avec enthousiasme
Triomphe, je l'avais dit!
Oui, c'est là le passage.
Grâce à toi j'en suis sûr!…
Le ciel comble mes vœux!

Ensemble

VASCO
Pressant Sélika dans ses bras
Combien tu m'es chère,
Ange tutélaire,
Par qui la lumière
Enfin m'arriva!
Ô service immense,
Que dans sa constance,
Ma reconnaissance
Jamais n'oubliera!

SÉLIKA
À part, tout enivrée de bonheur
Quoi! je lui suis chère!
Ô douce lumière,
Qui soudain m'éclaire,
Jour inespéré!
Il m'aime, j'ai croyance
Et plein d'espérance.
Ah! mon cœur s'élance
D'amour enivré!

Pendant la fin de l'ensemble, la porte du cachot s'est ouverte, don Pédro et Inès sont entrés au moment où Vasco tient Sélika dans ses bras

Scène Quatrième

Les mêmes, Inès, Suivante, Don Alvar, Don Pédro et Nélusko

La porte du fond s'ouvre, Inès, la Suivante, Don Pédro et don Alvar entrent

DON PÉDRO
À Inès, lui montrant Vasco et Sélika
On nous l'avait bien dit… et le hasard propice
Nous en donne la preuve.

VASCO
Hors de lui
En croirai-je mes yeux?
Inès, ma bien-aimée!…

SÉLIKA
À part avec fureur
Elle!… Inès!… dans ces lieux!

Sélika veut s'avancer vers Inès, Vasco l'arrête par la main. Sélika regarde Inès avec un sentiment d'envie, et dit à part en regardant ses mains à elle-même

Qu'elle est blanche!…
Et quel froid dans mes veines se glisse.

Inès s'avance vers Vasco, elle veut parler mais l'émotion l'empêche, puis elle fait un effort et dit:

INÈS
D'une voix étouffée par les soupirs
J'avais appris que pour toujours,
Dans les ténèbres, tu languissais!
Mais ton pardon est acheté!
Et je te rends la liberté!

VASCO
Avec joie
La liberté!

INÈS
Oui!
Lis cet écrit.

Lui remettant un parchemin revêtu du sceau royal. Avec effort

L'ordre est formel.
Vois!

VASCO
Ô ciel!

INÈS
Avec chaleur
Et maintenant nous quittons à tout jamais.
Hélas! il faut me fuir. Adieu!

Inès va vers Don Pédro et l'entraîne pour sortir

Allons, sortons.

VASCO
Non, j'ai deviné, compris vos soupçons;

Montrant Sélika

Cette esclave…

INÈS
Par vous en Afrique achetée.

VASCO
Vivement
N'est rien que mon esclave…
Et votre âme irritée
D'un mot s'apaisera.
Elle est à vous, Inès!

SÉLIKA
Avec un cri de douleur
Ah! le cruel! l'ingrat!

VASCO
Je vous la cède,
Je vous la donne.

NÉLUSKO
Avec anxiété
Et moi?

VASCO
Toi de même, suis-la!

Avec enthousiasme

Et mon cœur et mon sang,
Tout ce que je possède,
Pour un seul regard de ses yeux!

SÉLIKA
À part
Ah! le cruel!

INÈS
De même
Le malheureux!

Vasco veut interroger Inès, mais elle se détourne de lui

Ensemble

INÈS
Moi seule il m'aime, et je doutais.
Ah quel destin, quel coup affreux!
Ma voix s'éteint, un voile épais
Vient obscurcir mes yeux!

VASCO
Le sort met fin à mon malheur.
Quand je vois ses beaux yeux
Soudain rayonne dans mon cœur
Comme un reflet des cieux.

DON ALVAR, LA SUIVANTE
Pour elle, hélas, ah! quel destin,
Quel coup affreux vient l'accabler,
Il l'aime tant! elle doutait!
Ah! pauvre Inès, quel coup affreux!
Sa voix s'éteint, un voile épais
Vient obscurcir ses yeux.

SÉLIKA
Ô juste ciel, quelle douleur!
Le traître insulte à mon malheur.
Il m'a vendue à cette Inès!
Ô cruauté, mépris sanglant!
Je sens la honte et la fureur
Me brûler de tous leurs feux.

NÉLUSKO
Enfin le sort, dans sa faveur!
A donc rompu leurs nœuds.
Sois ferme et fière en ta douleur,
Fuyons bien loin de ces lieux.

DON PÉDRO
Enfin le sort, dans sa faveur,
Vient d'exaucer mes ardents vœux,
Je vais jouir de la fureur
De ce rival ambitieux.

DON PÉDRO
À Vasco
Marché conclu! Nous acceptons!

Montrant Sélika et Nélusko

Tous deux je vous les paye…

À Inès

Et maintenant partons.

VASCO
Étonné
Que dites-vous?

DON PÉDRO
Avec orgueil et emphase
Du roi, la bonté paternelle
Confie à mes talents,
Ou du moins à mon zèle,
La gloire de tenter ce passage hardi
Où plus d'un fol orgueil
Echoua jusqu'ici.

VASCO
Avec indignation
Vous! à qui j'ai remis,
D'une main insensée,
Les fruits de mes périls,
Mes labeurs, ma pensée!

DON PÉDRO
Vains projets…
Dans la flamme et dans l'oubli tombés.

VASCO
Gloire qui m'appartient
Et que vous dérobez!…

NÉLUSKO
Bas à don Pédro
Tu l'obtiendras par moi.
Conduis-moi sur ton bord
Et je te servirai de guide et de pilote.

DON PÉDRO
Le regardant et à demi-voix
J'y comptais bien en t'achetant!

À Vasco à haute voix

Le roi
Des régions découvertes par moi
M'a nommé gouverneur.

NÉLUSKO
Avec ironie
D'avance!

DON PÉDRO
Aujourd'hui même,
Mon escadre appareille.

À Inès

Allons, sortons d'ici;
Votre main.

VASCO
De quel droit?

DON PÉDRO
De celui
Qu'aux pieds des saints autels
J'ai reçu de Dieu même.

VASCO
À Inès
Que dit-il?

INÈS
À demi-voix à Vasco, avec douleur
Pour vous qu'on disait infidèle,
Et pour vous soustraire aux horreurs
De cette prison éternelle,
Ma main je l'ai donnée…

VASCO
Avec un cri de douleur
Ah!

INÈS
D'une voix mourante
Et loin de vous, je meurs!

VASCO
Anathème sur l'infâme
Et malheur sur moi!

Ensemble

INÈS
Immobile, de surprise,
De douleur son cœur se brise.
J'ai trahi la foi promise,
J'ai perdu tout mon bonheur!
Mais l'honneur parle et réclame,
C'en est fait je suis sa femme.
Anathème sur ma tête
Et malheur.

SÉLIKA
Immobile, de surprise,
De douleur mon cœur se brise,
Et l'ingrat qui me méprise,
Ne saurait voir ma douleur.
Mais d'un autre elle est la femme,
Et la rage qui l'enflamme
Fait renaître dans mon âme
Le bonheur!

LA SUIVANTE
Immobile, de surprise,
De douleur son cœur se brise.
À ses lois elle est soumise,
Don Pédro est son mari!
C'en est fait, elle est sa femme,
Qu'un rival en vain réclame,
Le Ciel laisse à son âme
Les regrets et la douleur.

VASCO
Immobile, de surprise,
Interdit, l'âme indécise,
Comment croire qu'elle brise
Des serments faits par l'honneur!
Pourtant il le proclame,
Il l'a dit, elle est sa femme;
Anathème sur l'infâme,
Et sur moi malheur!

DON ALVAR
Immobile, de surprise,
De douleur son cœur se brise,
À ses lois elle est soumise,
Don Pédro est son mari!
C'en est fait, elle est sa femme,
Le ciel laisse à son âme
Les regrets et la douleur.

NÉLUSKO
Notre Dieu nous favorise,
Sa vengeance déjà brise
Le chrétien que je méprise
Et je ris de sa douleur.

Montrant Don Pédro

Et cet autre, cet infâme,
Que l'orgueil d'avance enflamme
Qu'il redoute de mon âme
La vengeance et la fureur.

DON PÉDRO
Immobile de surprise,
De douleur son cœur se brise.
À mes lois elle est soumise,
Et c'est moi qui suis vainqueur!
C'en est fait elle est ma femme,
Qu'un rival en vain réclame.
Moi je brave dans mon âme
Sa vengeance et sa fureur.

INÈS
Très émue
Écoutez-moi, Vasco!

SÉLIKA
Avec jalousie, à part
Va-t-il la suivre!

DON PÉDRO
Avec colère, à part
Elle ose!

VASCO
Du calme.

NÉLUSKO
À Sélika
Il se livre!

INÈS
À Vasco de Gama
Eh bien, sois libre par l'amour,
La gloire au loin t'appelle;
Près de ma tombe au cœur fidèle
Ah! viens à ton retour!

Ensemble

INÈS
Dans les soupirs de la ramure
Reconnais ma voix qui murmure,
Et va, plaintive, t'appelant.

Avec douleur

Adieu, Vasco, là-haut je t'attends!

SÉLIKA
Pour moi l'exil et son mépris,
Hélas, quel coup affreux;
Il m'a livrée aux ennemis,
Le quitter, c'est affreux.
Pleurez donc, ô mes yeux!
Mon seul bien je l'ai perdu.
Je dois mourir. Adieu!

VASCO DE GAMA
Hélas! la main qui me sauva
Me porte un coup mortel;
Et pour toujours je perds Inès,
Son âme, ô sort cruel.
La quitter, c'est affreux.
Pleurez donc, ô mes yeux.
Mon seul bien, je l'ai perdu.
Je dois mourir. Adieu.

DON ALVAR
La main qui le sauva
Lui porte un coup mortel!
Son seul bonheur, il le voit fuir
Et pour toujours il perd Inès,
Son âme, ô sort cruel!
Pour l'oublier, il va mourir! Adieu.

NÉLUSKO
Pour elle exil, regrets, mépris
Pour lui, son bien-aimé.
Merci Brahma, tu l'as guérie,
Sur son front qui pâlit
Sa douleur se trahit!
Elle est sauvée!
Vasco va mourir. Adieu.

DON PÉDRO
Victoire, enfin et sans retour
Il part, il est vaincu,
Je suis vengé. Pour lui tout est perdu.

Regardant Inès

À son front qui pâlit
Son tourment l'a trahi
Elle me restera.
De son tourment je vais jouir.
Il va partir. Adieu.

Don Pédro emmène Inès. Vasco tombe anéanti sur un siège. Sélika veut s'élancer vers lui; mais Nélusko la retient et l'entraîne sur les pas de don Pédro. Elle jette en s'éloignant un dernier regard de douleur et d'amour sur Vasco. La toile tombe très lentement
最終更新:2024年06月18日 16:09