ACTE TROISIÈME

(La salle du Parlement où a lieu le jugement de la Reine)

▼Scène I▲

(Henry, Don Gomez, Catherine, Lady Clarence, Garter, Cranmer, puis Campeggio, Juges, Gentilshommes, Huissiers La salle immense avec son public d'assistants. Fanfares au dehors, puis marche sur laquelle est introduit le cortège. Le Roi est conduit à son trône occupant la gauche; puis la Reine est amenée sur un trône situé vis-à-vis et Gomez s'assied à ses pieds. Les juges entrent les derniers et prennent place)

▼GARTER▲
Le synode est ouvert.
À tous Dieu fasse droit!

▼L'ARCHEVÊQUE DE CANTERBURY▲
(solennellement)
Toi qui veilles sur l'Angleterre,
Dieu puissant, dicte-nous ta loi.
Toi qu'entoure un triple mystère,
À tes enfants révèle-toi!
Toi qui veilles sur l'Angleterre,
Garde la patrie et le roi!

▼GARTER▲
Henry, roi d'Angleterre, avancez devant nous.

▼L'HUISSIER▲
(répétant)
Henry, roi d'Angleterre, avancez devant nous.

▼HENRY▲
Présent.

▼GARTER▲
Et vous, ô reine, avancez devant nous.

▼L'HUISSIER▲
(répétant)
Ô reine Catherine, avancez devant nous.

▼CATHERINE▲
Mon maître et mon seigneur, je me soumets à vous.

▼HENRY▲
(se levant)
Vous tous qui m'écoutez, gens d'Église et de loi,
En ce jour solennel, votre seigneur et roi,
Demande à voir briser, comme à sa foi contraire,
L'hymen qui lui donna la veuve de son frère.
Sur le saint Lévitique appuyant son désir,
Il soumet cette cause à votre bon plaisir,
Et la confie aussi à votre conscience,
Priant Dieu qu'il l'éclaire en sa toute-puissance!

▼GARTER▲
Maintenant, la parole est à dame la reine.

▼CATHERINE▲
(descendant de son trône et s'adressant au roi)
À ta bonté souveraine,
Seule, dans cet instant, je m'adresse, ô mon roi!
Prends pitié de la pauvre femme
Qui t'a donné toute son âme,
Et toujours t'a gardé sa foi!
Car je ne suis qu'une étrangère
Qui t'aborde d'un ton soumis,
Et qui, dans cette cour légère,
Toi la quittant, n'a plus d'amis!
N'ai-je donc pas été l'épouse,
Loyale et pure en sa maison,
Et jamais ton âme jalouse
M'atteignit-elle d'un soupçon?
Henry, c'est ta femme fidèle
Qui vient supplier son seigneur
De se souvenir encor d'elle,
Et de ne pas briser son cœur!

▼CHŒUR DES ASSISTANTS▲
(très bas)
Ah! pauvre femme et pauvre reine!
Comment ne pas compatir à sa peine?

(Signes d'impatience du roi)

▼CATHERINE▲
Sire Henry, le roi votre père
Était un roi juste et clément,
Et du mien vous avez, j'espère,
Gardé le même sentiment.
En unissant nos mains, sans doute,
Ils ont bien fait ce qu'ils ont fait.
Le pape a béni notre route
Qui longtemps fut douce, en effet.
Donc aujourd'hui c'est votre femme
Qui vous somme, dans ce saint lieu,
De respecter, suivant votre âme,
Votre père, le pape et Dieu!

▼CHŒUR DES ASSISTANTS▲
(murmures)
Ah! pauvre femme! ah! pauvre reine!
Comment ne pas compatir à sa peine?
Pour elle nous implorons Dieu.

(Signes de mécontentement du roi)

▼CATHERINE▲
(se tournant vers ses juges)
Et vous, messieurs, que le roi fit mes juges,
Si la pitié règne en vos cœurs,
Que ma douleur trouve en vous des refuges!
Épargnez-moi, voyez mes pleurs!
Peu m'importent le diadème
Et les tristes faveurs du sort.
Mais rendez-moi l'époux que j'aime,
Et dont l'adieu serait ma mort!

(Elle sanglote)

▼CHŒUR DES ASSISTANTS▲
(plus fort)
Ah! pauvre femme et pauvre reine!
Comment ne pas compatir à sa peine?
Quoi! d'une si longue amitié,
Le roi n'a-t-il donc pas pitié?!

▼HENRY▲
(se levant furieux et promenant sur les juges et sur l'assistance des regard menaçants)
Il suffit.

▼CATHERINE▲
(avec un geste de désespoir)
Ah! je suis perdue!

(Elle va s'asseoir avec découragement.)

▼GARTER▲
Messieurs, la cause est entendue,
À moins qu'un défenseur, sans nous en prévenir,
Ait projeté d'intervenir.

▼DON GOMEZ▲
(se levant)
Je serais celui-là que vous n'attendiez guère.
La reine est espagnole et je suis son sujet.
Au nom de mon pays, votre allié naguère,
Je proteste en ce jour contre un pareil projet,
Entre peuples amis pouvant causer la guerre.

▼UN GROUPE DE SEIGNEURS▲
Qui donc nous ose menacer?

▼UN AUTRE▲
(se retournant vers le roi)
C est au roi de punir qui nous vient offenser!

(Murmures de la foule.)

▼HENRY▲
(froidement et avec hauteur)
Monsieur l'ambassadeur, si j'ai compris la chose,
Pour peser sur l'arrêt vous comptiez sur l'effroi.
Mais tout mon peuple, je suppose,
Pense en cela comme son roi.
Les fils de la noble Angleterre,
Sachant combattre et se venger,
N'ont pas coutume de se taire,
Pour laisser parler l'étranger!

▼LE CHŒUR▲
Vivat! vivat!
Les fils de la noble Angleterre,
N'ont pas coutume de se taire,
Pour laisser parler l'étranger!

(Les juges commencent à délibérer. Curiosité inquiète des assistants.)

▼CHŒUR DES ASSISTANTS▲
Certes, nous aimons notre reine;
Mais nous ne saurions supporter
Qu'un étranger vienne insulter
De notre roi la grandeur souveraine.
Que le ciel dicte donc l'arrêt.
À l'accepter, chacun de nous est prêt!

▼UN OFFICIER▲
La Cour va prononcer.

▼L'ARCHEVÊQUE▲
Sire! Illustre assistance!
En vertu des pouvoirs à nous par Dieu donnés,
Déclarons par notre sentence
Nul et contraire aux lois l'hymen à nous soumis.

▼CATHERINE▲
Dieu!
Voilà quel forfait ta justice a permis.
Soit. Mais avant de fuir ce tribunal infâme
Où je cherchais des juges et ne vois qu'ennemis
Devant tous je proclame mon trône vainement contesté,
Je proteste du fond de l'âme et j'en appelle à la postérité.

▼UN OFFICIER▲
(annonçant)
Sire, le Légat du Saint-Père.

(Entrée du Légat suivi des cardinaux qui se rangent derrière lui)

▼LE LÉGAT▲
(tirant de sa robe la bulle du pape)
Au nom de Clément sept, pontife souverain,
Délibérant en paix et que nul ne contraint,
Je viens ratifier, par la présente bulle,
Ton premier mariage, Henry huit, et j'annule
Toute décision contraire.

▼HENRY▲
Par ma foi!
C'est fort bien! mes sujets vous répondront pour moi.
Qu'on fasse entrer le peuple!

(Les portes sont ouvertes et l'enceinte s'emplit d'une foule nombreuse)

Enfants de l'Angleterre,
Libres fils d'une terre libre,
Vous plaît-il de recevoir des lois de l'étranger?

▼LE PEUPLE▲
Non! non! jamais!

▼HENRY▲
Vous convient-il qu'un homme,
Dont le vrai pouvoir est à Rome,
Sur mon trône m'ose outrager?

▼LE PEUPLE▲
Non! non! jamais!

▼HENRY▲
Si contre la puissance
Du Pape-roi las de l'obéissance,
Je me lève?

▼LE PEUPLE▲
Nous te suivrons!

▼HENRY▲
Si dans le sein d'une Église nouvelle,
Je vous appelle?

▼LE PEUPLE▲
Nous irons!

▼HENRY▲
S'il faut un chef pour y guider les âmes,
Choisirez-vous, vous, vos fils et vos femmes,
Votre roi?

▼LE PEUPLE▲
Nous te le jurons!

▼HENRY▲
Écoutez! Henry huit se proclame à la terre
Chef de l'Église d'Angleterre,
Et pour sa femme il prend dame Anne Boleyn,
Marquise de Pembroke!

(La reine pousse un cri et tombe à demi évanouie; on l'entraîne.)

▼LE LÉGAT▲
Au nom du Dieu que l'on renie,
Henry huit, je t'excommunie!

(Le Légat sort)

▼LE PEUPLE▲
Vive le roi! Vivat!

▼CHŒUR▲
Gloire au chef de l'État! Gloire au chef de l'Église,
Henry huit dont le nom désormais symbolise
Deux pouvoirs réunis dans une même main.
Que Dieu bénisse son hymen!

▼HENRY ET LE CHŒUR▲
C'en est donc fait, il a brisé ta chaîne!
Ô peuple épris de liberté!
Trop longtemps dompté
Par Rome souveraine,
Ton âme sereine
Reprend sa fierté!

(Cris de Vive le roi! Des drapeaux s'agitent dans la foule. Enthousiasme général)
ACTE TROISIÈME

(La salle du Parlement où a lieu le jugement de la Reine)

Scène I

(Henry, Don Gomez, Catherine, Lady Clarence, Garter, Cranmer, puis Campeggio, Juges, Gentilshommes, Huissiers La salle immense avec son public d'assistants. Fanfares au dehors, puis marche sur laquelle est introduit le cortège. Le Roi est conduit à son trône occupant la gauche; puis la Reine est amenée sur un trône situé vis-à-vis et Gomez s'assied à ses pieds. Les juges entrent les derniers et prennent place)

GARTER
Le synode est ouvert.
À tous Dieu fasse droit!

L'ARCHEVÊQUE DE CANTERBURY
(solennellement)
Toi qui veilles sur l'Angleterre,
Dieu puissant, dicte-nous ta loi.
Toi qu'entoure un triple mystère,
À tes enfants révèle-toi!
Toi qui veilles sur l'Angleterre,
Garde la patrie et le roi!

GARTER
Henry, roi d'Angleterre, avancez devant nous.

L'HUISSIER
(répétant)
Henry, roi d'Angleterre, avancez devant nous.

HENRY
Présent.

GARTER
Et vous, ô reine, avancez devant nous.

L'HUISSIER
(répétant)
Ô reine Catherine, avancez devant nous.

CATHERINE
Mon maître et mon seigneur, je me soumets à vous.

HENRY
(se levant)
Vous tous qui m'écoutez, gens d'Église et de loi,
En ce jour solennel, votre seigneur et roi,
Demande à voir briser, comme à sa foi contraire,
L'hymen qui lui donna la veuve de son frère.
Sur le saint Lévitique appuyant son désir,
Il soumet cette cause à votre bon plaisir,
Et la confie aussi à votre conscience,
Priant Dieu qu'il l'éclaire en sa toute-puissance!

GARTER
Maintenant, la parole est à dame la reine.

CATHERINE
(descendant de son trône et s'adressant au roi)
À ta bonté souveraine,
Seule, dans cet instant, je m'adresse, ô mon roi!
Prends pitié de la pauvre femme
Qui t'a donné toute son âme,
Et toujours t'a gardé sa foi!
Car je ne suis qu'une étrangère
Qui t'aborde d'un ton soumis,
Et qui, dans cette cour légère,
Toi la quittant, n'a plus d'amis!
N'ai-je donc pas été l'épouse,
Loyale et pure en sa maison,
Et jamais ton âme jalouse
M'atteignit-elle d'un soupçon?
Henry, c'est ta femme fidèle
Qui vient supplier son seigneur
De se souvenir encor d'elle,
Et de ne pas briser son cœur!

CHŒUR DES ASSISTANTS
(très bas)
Ah! pauvre femme et pauvre reine!
Comment ne pas compatir à sa peine?

(Signes d'impatience du roi)

CATHERINE
Sire Henry, le roi votre père
Était un roi juste et clément,
Et du mien vous avez, j'espère,
Gardé le même sentiment.
En unissant nos mains, sans doute,
Ils ont bien fait ce qu'ils ont fait.
Le pape a béni notre route
Qui longtemps fut douce, en effet.
Donc aujourd'hui c'est votre femme
Qui vous somme, dans ce saint lieu,
De respecter, suivant votre âme,
Votre père, le pape et Dieu!

CHŒUR DES ASSISTANTS
(murmures)
Ah! pauvre femme! ah! pauvre reine!
Comment ne pas compatir à sa peine?
Pour elle nous implorons Dieu.

(Signes de mécontentement du roi)

CATHERINE
(se tournant vers ses juges)
Et vous, messieurs, que le roi fit mes juges,
Si la pitié règne en vos cœurs,
Que ma douleur trouve en vous des refuges!
Épargnez-moi, voyez mes pleurs!
Peu m'importent le diadème
Et les tristes faveurs du sort.
Mais rendez-moi l'époux que j'aime,
Et dont l'adieu serait ma mort!

(Elle sanglote)

CHŒUR DES ASSISTANTS
(plus fort)
Ah! pauvre femme et pauvre reine!
Comment ne pas compatir à sa peine?
Quoi! d'une si longue amitié,
Le roi n'a-t-il donc pas pitié?!

HENRY
(se levant furieux et promenant sur les juges et sur l'assistance des regard menaçants)
Il suffit.

CATHERINE
(avec un geste de désespoir)
Ah! je suis perdue!

(Elle va s'asseoir avec découragement.)

GARTER
Messieurs, la cause est entendue,
À moins qu'un défenseur, sans nous en prévenir,
Ait projeté d'intervenir.

DON GOMEZ
(se levant)
Je serais celui-là que vous n'attendiez guère.
La reine est espagnole et je suis son sujet.
Au nom de mon pays, votre allié naguère,
Je proteste en ce jour contre un pareil projet,
Entre peuples amis pouvant causer la guerre.

UN GROUPE DE SEIGNEURS
Qui donc nous ose menacer?

UN AUTRE
(se retournant vers le roi)
C est au roi de punir qui nous vient offenser!

(Murmures de la foule.)

HENRY
(froidement et avec hauteur)
Monsieur l'ambassadeur, si j'ai compris la chose,
Pour peser sur l'arrêt vous comptiez sur l'effroi.
Mais tout mon peuple, je suppose,
Pense en cela comme son roi.
Les fils de la noble Angleterre,
Sachant combattre et se venger,
N'ont pas coutume de se taire,
Pour laisser parler l'étranger!

LE CHŒUR
Vivat! vivat!
Les fils de la noble Angleterre,
N'ont pas coutume de se taire,
Pour laisser parler l'étranger!

(Les juges commencent à délibérer. Curiosité inquiète des assistants.)

CHŒUR DES ASSISTANTS
Certes, nous aimons notre reine;
Mais nous ne saurions supporter
Qu'un étranger vienne insulter
De notre roi la grandeur souveraine.
Que le ciel dicte donc l'arrêt.
À l'accepter, chacun de nous est prêt!

UN OFFICIER
La Cour va prononcer.

L'ARCHEVÊQUE
Sire! Illustre assistance!
En vertu des pouvoirs à nous par Dieu donnés,
Déclarons par notre sentence
Nul et contraire aux lois l'hymen à nous soumis.

CATHERINE
Dieu!
Voilà quel forfait ta justice a permis.
Soit. Mais avant de fuir ce tribunal infâme
Où je cherchais des juges et ne vois qu'ennemis
Devant tous je proclame mon trône vainement contesté,
Je proteste du fond de l'âme et j'en appelle à la postérité.

UN OFFICIER
(annonçant)
Sire, le Légat du Saint-Père.

(Entrée du Légat suivi des cardinaux qui se rangent derrière lui)

LE LÉGAT
(tirant de sa robe la bulle du pape)
Au nom de Clément sept, pontife souverain,
Délibérant en paix et que nul ne contraint,
Je viens ratifier, par la présente bulle,
Ton premier mariage, Henry huit, et j'annule
Toute décision contraire.

HENRY
Par ma foi!
C'est fort bien! mes sujets vous répondront pour moi.
Qu'on fasse entrer le peuple!

(Les portes sont ouvertes et l'enceinte s'emplit d'une foule nombreuse)

Enfants de l'Angleterre,
Libres fils d'une terre libre,
Vous plaît-il de recevoir des lois de l'étranger?

LE PEUPLE
Non! non! jamais!

HENRY
Vous convient-il qu'un homme,
Dont le vrai pouvoir est à Rome,
Sur mon trône m'ose outrager?

LE PEUPLE
Non! non! jamais!

HENRY
Si contre la puissance
Du Pape-roi las de l'obéissance,
Je me lève?

LE PEUPLE
Nous te suivrons!

HENRY
Si dans le sein d'une Église nouvelle,
Je vous appelle?

LE PEUPLE
Nous irons!

HENRY
S'il faut un chef pour y guider les âmes,
Choisirez-vous, vous, vos fils et vos femmes,
Votre roi?

LE PEUPLE
Nous te le jurons!

HENRY
Écoutez! Henry huit se proclame à la terre
Chef de l'Église d'Angleterre,
Et pour sa femme il prend dame Anne Boleyn,
Marquise de Pembroke!

(La reine pousse un cri et tombe à demi évanouie; on l'entraîne.)

LE LÉGAT
Au nom du Dieu que l'on renie,
Henry huit, je t'excommunie!

(Le Légat sort)

LE PEUPLE
Vive le roi! Vivat!

CHŒUR
Gloire au chef de l'État! Gloire au chef de l'Église,
Henry huit dont le nom désormais symbolise
Deux pouvoirs réunis dans une même main.
Que Dieu bénisse son hymen!

HENRY ET LE CHŒUR
C'en est donc fait, il a brisé ta chaîne!
Ô peuple épris de liberté!
Trop longtemps dompté
Par Rome souveraine,
Ton âme sereine
Reprend sa fierté!

(Cris deVive le roi! Des drapeaux s'agitent dans la foule. Enthousiasme général)
最終更新:2020年02月12日 17:41